Les mystères non élucidés du 27ème sommet de l’UA sur la crise au Burundi
Diplomatie

PANA, 20 juillet 2016

Bujumbura, Burundi - Des non-dits, des bribes d’informations et des supputations s’entrechoquaient encore mercredi dans différentes opinions à Bujumbura sur les véritables raisons qui ont poussé le 27ème Sommet de l’Union africaine (UA), du 17 au 18 juillet, à Kigali, au Rwanda, à faire peu de cas de la grave crise politique qui divise depuis plus d’un an le Burundi.

L’absence des représentants du Burundi au Sommet de Kigali ne suffisait pas à convaincre certains dans l’opinion nationale qui se notent que les chefs d’Etat et de gouvernement africains ont pourtant parlé abondamment de la crise politique au Soudan du Sud, sans la présence de ses dirigeants.

Les explications du chef de la diplomatie burundaise, Alain Aimé Nyamitwe, ne semblaient pas non plus suffire à convaincre certains que c’est pour des considérations "sécuritaires" qu’il n’y a pas eu de délégation officielle de son pays à Kigali.

Certains auteurs de la tentative de putsch militaire manqué de mai 2015 contre le régime burundais s’activent toujours à partir du Rwanda, a-t-il illustré, en estimant que le pays hôte du Sommet n’avait pas offert suffisamment de garanties pour se risquer à Kigali.

"Et pourtant, Kigali n’est pas plus insécurisée que Bujumbura", a rétorqué, de son côté, Léonce Ngendakumana, un des rares opposants politiques à résister au Burundi.

De leur côté, certaines Organisations de la Société civile proches du pouvoir burundais ont interprété le silence du Sommet de Kigali sur la crise au Burundi comme un échec "patent" de Paul Kagame, le président du Rwanda, qui n’a pas réussi à rallier à sa cause "hégémoniste", les autres chefs d’Etat africains.

D’un autre côté, l’UA n’a pas favorisé toutes les conditions de participation du Burundi au Sommet de Kigali pour avoir classé sans suite une plainte de Bujumbura contre les ingérences supposées du Rwanda dans les affaires intérieures de son voisin du Nord, selon toujours le ministre Nyamitwe.

Le courage commandait plutôt au pouvoir burundais d’aller expliquer de vive voix ses griefs contre le Rwanda, "si tel était le cas", est revenu à la charge, l’opposant burundais.

Du côté de simples citoyens burundais, le Sommet de Kigali suscitait d’autant plus d’attentes et d’espoirs qu’il se tenait à la suite d’une série d’autres initiatives historiques de sortie de crise pilotées jusque-là au plus haut niveau africain.

Pour mémoire, un panel de cinq chefs d’Etat sud-africain, sénégalais, gabonais, mauritanien et éthiopien s’était rendu à Bujumbura, en février dernier, pour de bons offices entre le pouvoir et l’opposition liés par la plus grave crise politique depuis la fin de la guerre civile de 1993 à 2006 au Burundi.

A la veille du Sommet de Kigali, l’assassinat non revendiqué de la députée burundaise à l’Assemblée législative de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), Mme Hafsa Mossi, a sonné comme un avertissement à la communauté internationale que la crise était loin de s’apaiser.

La vendetta entre camps politiques rivaux au Burundi fait plutôt craindre dans diverses opinions éclairées à Bujumbura une nouvelle guerre civile, si la communauté internationale au chevet du pays se laisse aller à une lassitude déjà perceptible.

Du côté du Conseil de paix et de sécurité de l’UA, on assure cependant que la crise burundaise a bel et bien fait l’objet d’une analyse "approfondie" à Kigali et continuera à l’être dans d’autres foras.

"C’est mieux de savoir que l’UA s’est abstenue de déclaration tonitruante sur la crise au Burundi depuis Kigali pour ne pas se laisser suspecter d’avoir été inspirée par le pays hôte", selon d’autres analystes dans la capitale burundaise.

Les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de la CAE devraient prendre la relève dans les prochains jours et plancher plus en profondeur sur la crise au Burundi, croit savoir l’ancien président burundais en exil, Sylvestre Ntibantunganya, citant des sources proches du Sommet de Kigali.

La communauté est-africaine est actuellement aux commandes de la médiation internationale dans la crise au Burundi par l’intermédiaire de l’ancien président de la Tanzanie, Benjamin William M’Kapa.

Nommé en mars dernier, le médiateur tanzanien en était, à la mi-juillet 2016, à un second round des pourparlers inter-burundais de paix, sans grandes avancées notables.

Les pourparlers restent marqués par des consultations séparées avec les protagonistes présumés de la crise burundaise, incapables jusque-là de tomber d’accord, ne serait-ce que sur les acteurs-clé éligibles autour de la table des discussions de fond.

Les questions de fond, quant à elles, portent sur le rétablissement de la paix et de la sécurité, un gouvernement d’union et/ou de transition, selon le bord politique d’où l’on se situe, le retour des réfugiés, la restauration des libertés publiques ainsi que la relance de l’économie aujourd’hui à l’agonie.