Appel à la libération d'un journaliste burundais détenu en RD Congo
Droits de l'Homme

Reporters sans frontières, 16.08.2016

REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Appel conjoint : RSF et JED saisissent le Ministre de la Justice pour solliciter la libération d'Egide Mwemero, journaliste burundais détenu en RDC depuis plus de 10 mois

Dans une lettre conjointe adressée, le jeudi 11 août 2016, au Ministre de la Justice et Droits Humains, Alexis Thambwe Mwamba, Journaliste en danger (JED) et Reporters sans Frontières (RSF) lui ont demandé son implication personnelle et urgente pour ordonner la libération d'Egide Mwemero, journaliste-technicien de la Radio Publique Africaine (RPA), une radio burundaise, interdite de fonctionner par les autorités de ce pays depuis avril 2015. Le journaliste est actuellement détenu, en toute illégalité, à la prison centrale de Makala à Kinshasa.

Dans cette correspondance dont copies ont été également réservées notamment au Président de la République, au Premier-ministre ainsi qu’au Directeur du Bureau conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme en RDC, les deux organisations ont protesté contre cette détention illégale et sollicité l’intervention du Ministre de la Justice et des Droits Humains, Alexis Thambwe Mwamba, pour mettre fin aux manœuvres dilatoires dont est l’objet Egide Mwemero de la part du Parquet.

Exprimant leur vive indignation à la suite de la détention du journaliste burundais, au secret et pendant plus de 10 mois, dans plusieurs cachots des services de sécurité de l’Est du pays et de Kinshasa, JED et RSF ont, dans cette lettre, fait à l’intention du Ministre de la Justice un court récapitulatif des faits:

Egide Mwemero est arrivé, le 13 octobre 2015, dans la ville d’Uvira muni d’un ordre de mission de trois jours dans le cadre du partenariat entre son média avec la radio Le Messager du Peuple émettant à partir de la ville d’Uvira. Alors qu'il était devant la radio en compagnie de deux autres journalistes congolais, des éléments des services de renseignements congolais saluant nominativement chacun des journalistes, les ont arrêtés.

Alors que ses deux confrères ont été libérés le jour même, Egide a été maintenu en détention. Le responsable technique de la Radio Publique Africaine avait sur lui son ordre de mission et son passeport ordinaire burundais. Il est entré légalement dans le pays. 

Le 1er novembre 2015, Egide Mwemero fut transféré vers la ville de Bukavu et le 2 novembre, il fut jeté avec menottes dans un bateau se rendant dans la ville de Goma avant d'être acheminé le 3 novembre 2015 vers la capitale Kinshasa, toujours sous bonne garde des services de l’Etat-Major des renseignements militaires.

Du 3 novembre 2015 au 28 avril 2016, soit pendant près de sept mois, le technicien de la Radio Publique Africaine a été détenu à la DMIAP. Après une visite des cachots par des équipes du CICR et de la MONUSCO qui l’ont découvert presque sans habits, sans droits de se laver, etc.…, il a été précipitamment transféré à l’Auditorat Général Militaire. Le 30 avril 2016 il est transféré à la Prison Militaire de Ndolo où il est resté jusqu’au 28 mai 2016, date à laquelle il fut extrait clandestinement pour la Prison Centrale de Makala où il est présentement détenu au pavillon 1 dans la chambre 21. Ainsi Egide Mwemero fut transféré le 30 avril 2016 à la Prison Militaire de Ndolo où il est resté jusqu’au 28 mai 2016, date à laquelle il fut extrait clandestinement pour la Prison Centrale de Makala où il est présentement détenu au pavillon 1 dans la chambre 21.

Le 9 juin 2016, il fut ouvert au Parquet Général près la Cour d’Appel de la Gombe le dossier RMP 83310/KAD à charge d’Egide Mwemero poursuivi notamment pour « espionnage » et en date du 23 juillet 2016, le Magistrat instructeur procéda à l’audition d’Egide Mwemero à la Prison Centrale de Makala tant sur l’infraction « d’espionnage que celle du séjour irrégulier en RD Congo ». De nouvelles charges, qui n'avaient pas été mentionnées auparavant.

Après cette audition, et devant l’évidence qu’Egide Mwemero n’a fourni aucune information à une puissance ennemie et qu’il est entré dans la ville d’Uvira conformément à la réglementation de la Direction Générale de Migration de la RD Congo, le Parquet Général est arrivé à la conclusion qu’aucune infraction n’est établie à charge de Monsieur Egide Mwemero.

« Curieusement, au lieu de le libérer, le Parquet Général a opéré un revirement et a renvoyé le dossier de Monsieur Egide Mwemero à l’Auditorat Militaire Supérieur de la Gombe. Cette décision du Parquet Général de retourner le dossier constitue un déni de justice, ainsi qu'une violation des principes de bases du droit, non bis in idem, qui veut qu'une personne ne peut être jugée deux fois pour les mêmes faits », on écrit les deux organisations de défense du droit de l’information.

« Pourtant, le calvaire de Monsieur Egide Mwemero ne semble émouvoir personne. C'est pourquoi JED et RSF se tournent vers vous, Monsieur le Ministre, pour protester contre cette détention illégale et solliciter votre intervention personnelle pour mettre fin aux manœuvres dilatoires dont est l’objet Monsieur Egide Mwemero de la part du Parquet Général et de l’Auditorat Supérieur de la Gombe et ce, après plus de dix mois de détention de ce professionnel des médias » conclue JED et RSF.

La République Démocratique du Congo occupe la 152e place au Classement de la liberté de la presse établi par RSF.