L'opposant Jean Ping se proclame président du Gabon
Afrique

@rib News, 02/09/2016 – Source Reuters

L'opposant Jean Ping s'est proclamé vendredi soir président du Gabon, où l'annonce de la réélection du chef d'Etat sortant, Ali Bongo, a provoqué des émeutes cette semaine.

Les violences ont éclaté mercredi lorsque Ali Bongo, au pouvoir depuis 2009, a été déclaré vainqueur de justesse de l'élection présidentielle de samedi dernier. Mais Jean Ping a dénoncé une imposture.

"Le président, c'est moi", a-t-il dit lors d'une conférence de presse organisée dans la soirée après avoir été libéré de son QG de campagne à Libreville, qui avait été encerclé par les forces de sécurité gabonaises.

"Le monde entier sait qui est le président de la République: c'est moi, Jean Ping", a insisté l'ancien ministre des Affaires étrangères. "Notre pays évolue vers un chaos généralisé (...) L'apaisement ne peut survenir que si la vérité des urnes est rétablie et respectée", a-t-il poursuivi.

Un groupe de ses partisans, qui étaient retenus à l'intérieur de son QG de campagne, ont par ailleurs été libérés, ainsi que l'avait réclamé dans la journée le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault.  

Des centaines de militaires et de policiers se sont déployés vendredi dans Libreville, où les habitants ont commencé à ressortir dans les rues et où des magasins ont rouvert après deux jours d'émeutes. La garde républicaine a pris position à proximité du palais présidentiel.

Cinq personnes ont été tuées dans les violences post-électorales, selon un bilan communiqué vendredi par le porte-parole d'Ali Bongo, Alain-Claude Billie.

Le ministère de l'Intérieur a fait état de son côté de 1.100 interpellations en date de jeudi après-midi.

L'ÉPOQUE DE LA FRANÇAFRIQUE EST "DERRIÈRE NOUS", DIT AYRAULT

Au pouvoir depuis la mort en 2009 de son père Omar Bongo, qui a passé 42 ans à la tête du pays, Ali Bongo a été déclaré réélu mercredi par la commission électorale (Cenap) avec 49,80% des suffrages contre 48,23% pour Jean Ping, soit moins de 6.000 voix d'écart.

Mais l'opposant dénonce un résultat truqué et a appelé la communauté internationale à intervenir. Des analystes jugent cependant peu probable un tel développement.

La France, les Etats-Unis et l'Union européenne ont demandé la publication bureau par bureau des résultats du scrutin pour plus de transparence, une requête qu'a rejetée le porte-parole d'Ali Bongo jeudi.

Les autorités françaises ont par ailleurs fait savoir vendredi qu'elles étaient "en contact avec toutes les parties" afin de "trouver une solution rapide" à la crise politique.

La France, qui est intervenue en Côte d'Ivoire en 2011 sous mandat de l'Onu et plus récemment en Libye, au Mali et en Centrafrique, dispose d'une base militaire au Gabon depuis l'indépendance, en 1960, et quelque 450 soldats y sont stationnés.

Mais, interrogé sur France 2, Jean-Marc Ayrault a exclu vendredi matin que la France s'ingère dans les affaires intérieures du Gabon, ancien pilier de la "Françafrique", synonyme de réseaux occultes entre la France et l'Afrique. 

"Nous sommes des partenaires de l'Afrique mais nous ne voulons en aucun cas nous ingérer dans les affaires intérieures des pays. Ce serait irrespectueux pour les Africains,", a-t-il expliqué, ajoutant que la période de la Françafrique était "derrière nous".  

Les relations entre Paris et Libreville, privilégiées sous Omar Bongo, se sont distendues ces dernières années. En janvier, le Gabon a rappelé son ambassadeur en poste à Paris en réaction à des propos tenus par Manuel Valls. Le Premier ministre français avait estimé qu'Ali Bongo n'avait pas été élu démocratiquement "comme on l'entend".  

La famille Bongo s'est longtemps servie de la manne pétrolière pour acheter la dissidence. Mais la chute des cours pétroliers et la baisse de la production, dominée par Total et Shell, ont pesé sur les finances du pays, entraînant une réduction des dépenses budgétaires. 

Agé de 73 ans, Jean Ping, qui fut président de la Commission de l'Union africaine, est issu du premier cercle du pouvoir. Père de deux enfants avec la fille d'Omar Bongo, Pascaline, il a été ministre du défunt président avant de prendre ses distances avec son fils et de démissionner du Part démocratique gabonais (PDG) en 2014.