Pour l'Allemagne, le Burundi n'est pas une priorité
Diplomatie

Deutsche Welle, 25.09.2016

Malgré le rapport accablant des Nations unies sur les violations des droits de l'Homme au Burundi, la communauté internationale reste, en proportion, passive. Le Burundi n'est pas une priorité - l'exemple de l'Allemagne.

Des sanctions plus robustes contre le Burundi, c'est ce pour quoi plaident des experts des Nations unies, auteurs d'un rapport, accablant pour le pouvoir burundais, sur les violations des droits de l'Homme dans le pays. Le rapport sera présenté officiellement mardi 29 septembre devant le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, mais il est déjà publié.

Dedans, on trouve une longue liste, détaillée, des crimes répertoriés par les enquêteurs, au long de plusieurs mois d'enquête. Ils parlent de possibles crimes contre l'humanité, et le rapport le dit très précisément: "la responsabilité pour la majeure partie de ces violations revient au gouvernement".

Comme les experts de l'ONU, en Allemagne certains acteurs politiques appellent à faire bien plus d'actions pour forcer une désescalade. Mais le Burundi est bien loin d'être une priorité pour le gouvernement allemand.

En politique, la défense des intérêts nationaux prime

Dans l'idéal au moins, l'Allemagne est attachée à défendre la paix, c'est son engagement auprès des Nations unies. Mais dans la pratique, le gouvernement est plus prompt à défendre ses propres intérêts - c'est-à-dire pas grand-chose dans le cas du Burundi, comme l'explique Winfried Nachtwei, membre du "comité pour la prévention des crises" du ministère allemand des affaires étrangères: "Dans le cas de l'Allemagne, je ne vois pas, ou presque pas, d'intérêts directs. C'est plutôt l'intérêt de stabiliser la région dans son ensemble qui oriente l'action. On voit bien que l'engagement allemand s'est renforcé dans les pays qui sont importants pour la gestion des flux migratoires et des réfugiés en route pour l'Europe".

L'Allemagne ou la diplomatie de coulisse

L'Allemagne ne reste pas totalement inactive: elle préfère l'action diplomatique, et mise donc sur la médiation de Benjamin Mkapa. "Nous n'abandonnerons jamais la population burundaise", a dit à la DW la députée Anita Schäffer, qui dirige le groupe parlementaire sur l'Afrique de l'Est au Parlement allemand. Elle aussi multiplie les rencontres avec les acteurs de la crise, mais le gouvernement burundais ne serait pas le bon interlocuteur selon elle, au vu des blocages.

Autre problème: les instruments manquent pour résoudre une crise aussi complexe - ce qui justement devrait mener à redoubler les efforts, selon Winfried Nachtwei, qui rappelle les opportunités manquées d'agir, par le passé: "Voilà ce que j'ai moi-même vécu en 2006, lors du scrutin [présidentiel] en République démocratique du Congo. Il y a eu une mission d'observation de l'UE. Ce que nous, les Verts au Parlement allemand, avons soutenu, en nous disant ' Enfin!, enfin l'Allemagne fait quelque chose pour la stabilisation en Afrique centrale'. Et surtout parce que l'Est du Congo, c'est l'enfer sur terre pour les femmes. Et puis le scrutin a passé, on s'est retournés, et on a cessé de s'intéresser à la région". Dix ans plus tard, la RDC est en plein tourments politiques.