L’ONU lance une commission d'enquête sur le Burundi
Droits de l'Homme

RFI, 01-10-2016

 Le Conseil de l’ONU pour les droits de l’homme a voté ce vendredi 30 septembre une résolution pour la mise en place d’une commission d’enquête sur le Burundi. Elle dispose d’un an pour identifier les auteurs de violences et faire des propositions pour que les responsables répondent de leurs actes.

Dix-neuf voix pour, sept contre. La résolution proposée par l'Union européenne est largement adoptée, il y aura donc bien une commission d'enquête indépendante sur le Burundi.

Le gouvernement burundais y voit le fruit de pressions de la part des Européens sur les membres du Conseil pour les droits de l'homme. En témoignent, selon Bujumbura, la répartition des votes et notamment les abstentions, 21 en tout. La plupart des pays africains par exemple ont préféré ne pas se prononcer.

Pour les autorités burundaises, c'est un signe de soutien, mais pour plusieurs défenseurs des droits de l'homme, c'est au contraire une sorte de désaveu. Les pays africains auraient pu bloquer le projet, ils ne l'ont pas fait.

« Un pas important visant à mettre fin à l'impunité »

Pour Human Rights Watch, la création de cette commission d'enquête « représente un pas important visant à mettre fin à l’impunité pour les crimes graves commis au Burundi. » L'ONG rappelle qu'en tant que « membre du Conseil des droits de l’homme, le Burundi a l’obligation de coopérer pleinement avec cette commission et de mettre fin à ces graves abus. »

C’est une bonne nouvelle aussi pour Armel Niyongere, avocat et président de l'Association des chrétiens contre la torture au Burundi, aujourd'hui en exil. « Nous attendons la mise en place de la commission d’enquête indépendante et internationale pour diligenter les enquêtes sur les crimes commis au Burundi, puisque même les enquêteurs indépendants des Nations unies ont dit qu’ils ont identifié une douzaine de présumés auteurs de crimes au Burundi, a déclaré à RFI Armel Niyongere. Ça pourra aussi donner la voie de la Cour pénale internationale, qui est déjà saisie sur la question de violations des droits de l’homme, pour diligenter des enquêtes sur ces violations qui sont commises par les autorités burundaises. »

La commission d'enquête internationale dispose d'un mandat d'un an, au terme duquel elle devra présenter un rapport devant l'Assemblée générale des Nations unies. Deux points d'étape sont prévus d'ici là, en mars et en juin. L'ONU exhorte le gouvernement burundais à collaborer avec les commissaires.

« C’est une résolution passée de force, le gouvernement du Burundi se réserve le droit de la rejeter dans son entièreté », prévient sur RFI Willy Nyamitwe, conseiller du président Pierre Nkurunziza et membre de la délégation burundaise. « Le Burundi se réserve le droit de refuser tout accès à son territoire à quiconque voudrait venir travailler dans le même sens d’enquêteurs qui ne sont pas capables de dépolitiser les droits de l’homme, qui travaillent uniquement sur injonction de certaines puissances qui voudraient déstabiliser ce que nous avons de plus solide : notre souveraineté nationale. »

Beaucoup d'efforts déployés pour empêcher l'adoption de la résolution

Les autorités burundaises avaient pourtant déployé beaucoup d'efforts ces derniers jours pour empêcher l’adoption de cette résolution. Auprès du Conseil des droits de l'homme à Genève, d’abord. La délégation burundaise a rencontré plusieurs groupes africains et a même tenu une conférence publique il y a quelques jours pour faire valoir ses arguments.

A Bujumbura aussi, où des manifestations ont été organisées, rassemblant chaque jour un peu plus de monde. La veille du vote, des centaines de personnes étaient réunies devant le bureau du représentant du Haut Commissaire aux droits de l'homme.

Le but était d’éviter la mise en place de cette commission d'enquête internationale et ses éventuelles conséquences. Car les commissaires seront non seulement chargés de documenter les cas de violation des droits de l'homme, mais aussi d'identifier leurs auteurs et d'établir si ces abus constituent des crimes internationaux. Des crimes pouvant faire l'objet de poursuites devant la Cour pénale internationale. D'ailleurs, la résolution précise que la commission doit bénéficier de toutes les ressources nécessaires, en particulier d'une expertise balistique et médico-légale, ainsi d'une expertise concernant les violences sexuelles.