Une interview du président de l’UA sème le trouble au Burundi
Diplomatie

PANA, 16 octobre 2016

Bujumbura, Burundi - Le Conseil national pour la défense de l’accord d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix, la réconciliation et la défense de l’Etat de droit (Cnared, principale plate-forme de l’opposition burundaise), a publié, dimanche, un communiqué accusant l’actuel président en exercice de l’Union africaine (UA) et président tchadien, Idriss Deby Itono, d’avoir pris récemment une position « étrange », en affirmant que le troisième mandat controversé de son homologue burundais, Pierre Nkurunziza, était «légal et légitime».

La précédente initiative diplomatique majeure du président en exercice de l’UA avait été l’envoi, au chevet du Burundi, en avril dernier, d’une délégation de haut niveau composée des chefs d’Etat mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, sud-africain, Jacob Zuma, sénégalais, Macky Sall, gabonais, Ali Bongo Ondimba et du Premier ministre éthiopien, Hailé Mariam Desalegn.

Mercredi dernier, c’est une interview exclusive à la « Deutsche Welle » du président tchadien, en marge d’une visite officielle en Allemagne, qui est venue relancer la polémique autour du troisième mandat présidentiel à l’origine d’une crise politique aujourd’hui encore ouverte au Burundi, sur fond de lassitude manifeste de la Communauté internationale.

Dans l’interview en cause, le chef de l’Etat tchadien a défendu ouvertement, pour la première fois, son homologue burundais, au pouvoir depuis 2005, en se fondant sur la Constitution burundaise qui limite à deux, le nombre de mandats présidentiels de cinq ans chacun, si et seulement si, il s’agit du suffrage universel direct.

Or, le premier mandat de 2005 était au suffrage universel indirect au Parlement et ne devrait pas entrer en ligne de compte, a-t-il tranché, dans le sens d’autres soutiens du chef de l’Etat burundais à son troisième quinquennat de 2015 qui a donné lieu à une grave crise politique aujourd’hui encore ouverte.

L’immixtion des puissances étrangères est pour quelque chose dans la situation de crise persistante au Burundi, a, par ailleurs, estimé le président Deby.

Cette position du président Deby « est de nature à semer la confusion au sein de l’opinion au moment où le pays souffre davantage des conséquences dramatiques liées au 3ème mandat illégal et illégitime », contredit le Cnared.

Lors du 1er mandat, « M.Nkurunziza n’a pas été désigné comme le prétend le président tchadien, mais bel et bien élu au suffrage indirect par le Parlement, conformément à l’article 8 de la Constitution du Burundi. Ce 1er mandat de cinq ans est donc constitutionnel », soutient le Cnared.

Par ailleurs, l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation, « matrice de la loi fondamentale », précise, dans son protocole II, art 7, alinéa 3, qu’un président « est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels », argumente encore l’opposition.

En conséquence, le Cnared demande au président Deby de « ne pas confondre le mode électoral et le nombre de mandats » et de se rappeler avoir reconnu « l’illégalité du 3ème mandat » de son homologue burundais dans un passé encore récent.

En tant que président de l’organisation panafricaine, M.Deby ferait plutôt mieux de s’approprier les décisions antérieures de l’UA au sujet de la crise burundaise, notamment le déploiement de la force africaine de prévention et de protection au Burundi (Maprobu, 5.000 militaires et policiers), suggère le Cnared.

D’un autre côté, le président en exercice de l’UA devrait plutôt conseiller son homologue burundais d’autoriser l’application de la Résolution 2303 du Conseil de Sécurité des Nations unies, ainsi que la Résolution Hrc 33 du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies et de lui souffler que se retirer de la Cour pénale internationale (cpi ), « c’est se mettre la corde au cou », conclut le communiqué.

La Résolution 2303 prévoit l’envoi de 228 policiers des Nations unies pour suivre de près l’évolution de la situation des droits humains au Burundi. L’autre Résolution Hcr 33 du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies crée une commission internationale d’enquête sur la situation des droits humains au Burundi.

Le gouvernement burundais vient de décider de se retirer de la Cour pénale internationale qui a déjà lancé un examen préliminaire sur les auteurs présumés des atteintes aux droits humains au Burundi depuis le mois d’avril dernier.

Toutes ces résolutions et démarches de la Communauté internationale ont été déjà rejetées par le gouvernement burundais, au nom de la « souveraineté nationale ».

Le gouvernement burundais garde la porte ouverte à une force de police africaine de 200 observateurs dont le déploiement ne tiendrait plus qu’à la conclusion d’un mémorandum d’entente entre les deux parties.