Parti au pouvoir au Burundi : "Notre ennemie, c'est la Belgique"
Politique

La Libre Belgique, 01 décembre 2016

 "Nous avons ciblé notre ennemie : c'est la Belgique". Le "patron" du parti au pouvoir au Burundi (CNDD-FDD), le général Evariste Ndayishimiye (photo) - ex-chef de cabinet du chef de l'Etat burundais, Pierre Nkurubnziza - s'est livré le week-end dernier, à Rumonge, dans un discours en kirundi, à une attaque en règle contre la Belgique, qu'il a notamment accusée de "préparer le génocide au Burundi".

En cause : l'activité déployée par des officiels belges pour attirer l'attention sur la répression de la contestation du Président, que la Fédération internationale des Ligues des droits de l'Homme (FIDH) qualifiait il y a quinze jours de "Répression aux dynamiques génocidaires", après une enquête d'un an et demi. 

Violation de l'Accord de paix 

Le Burundi est plongé dans une crise sanglante depuis qu'en avril 2015, le président Nkurunziza a annoncé son intention de briguer un troisième mandat, malgré l'interdiction formelle de le faire imposée par l'Accord de paix d'Arusha, qui avait mis fin à la guerre civile entre guérillas hutues et armée tutsie. Le chef de l'Etat est issu de la guérilla hutue CNDD-FDD, au pouvoir depuis les élections de 2005. 

Son obstination à se maintenir au pouvoir a provoqué un millier de morts et un demi-millier de disparus, généralement des jeunes gens supposés opposants en raison de leur ethnie tutsie, de leurs fréquentations ou parce qu'ils manifestaient, tandis que 8000 autres étaient arrêtés, dont beaucoup torturés et violés. Elle a suscité, outre l'instauration d'un régime de terreur, la fuite de 310 000 Burundais vers les pays voisins; une tentative de coup d'Etat militaire en mai 2015; l'émergence de mouvements armés; une grave crise économique; la rupture de la coopération avec l'Onu et la suspension d'autres coopération, dont celle de la Belgique; la persécution de journalistes et de défenseurs des droits de l'Homme. 

"Exterminer" 

Des appels d'autorités burundaises compris comme des encouragements à "exterminer" les Tutsis ont alerté la Belgique et les Nations unies. Le mois dernier, un colloque sur le Burundi organisé au Sénat à Bruxelles avait provoqué la colère du responsable de la communication du président Nkurunziza, Willy Nyamitwé: "C'est inacceptable. C'est une leçon; le peuple burundais tire la conclusion que la Belgique est toujours derrière tous les actes d'agression et de perturbation de l'ordre public dans le pays". 

Illustrant cette "conclusion", le nouveau secrétaire général du parti au pouvoir, le général Evariste Ndayishimiye, s'est lancé le week-end dernier dans une attaque en règle contre la Belgique. Après un rappel de la colonisation et des soubresauts de l'indépendance burundaise auxquels notre pays est lié, le général n'a pas hésité à soutenir: "Allez chez eux, les Flamands et les Wallons ne se saluent pas (…) Ils veulent que notre pays soit fondé sur une division ethnique des Hutus et des Tutsis, comme chez eux". 

Et d'accuser la Belgique d'avoir "conçu le coup d'Etat du 13 mai 2015; la preuve en est qu'elle a accueilli tous les putschistes sur son sol" - ce qui est notoirement faux. Et d'ajouter: " La Belgique suscite des tensions entre le Burundi et l’Union Européenne ainsi que les Nations-Unies. Mais nous n’allons pas les mettre dans le même panier. Nous avons ciblé notre ennemie : c’est la Belgique La Belgique utilise le mot génocide pour protéger les putschistes burundais" et d'ajouter, sans s'embarrasser de cohérence, "la Belgique est en train de préparer le génocide au Burundi".

MARIE-FRANCE CROS