Burundi : le facilitateur a pris parti pour Nkurunziza, accuse l'opposition
Politique

@rib News, 10/12/2016 - Source AFP

Le dialogue interburundais de sortie de crise semble s'être engagé vendredi dans une nouvelle impasse, l'opposition accusant son facilitateur, l'ancien président tanzanien Benjamin Mkapa (photo, à gauche), d'avoir pris parti pour le président Pierre Nkurunziza (photo, à droite) qu'elle récuse.

Au terme d'une visite de trois jours à Bujumbura, M. Mkapa a jugé inutile de continuer à contester la "légitimité" de l'élection en 2015 de M. Nkurunziza pour un troisième mandat et appelé les parties à se concentrer sur la bonne tenue des élections de 2020.

Ces déclarations ont ravi le gouvernement burundais mais heurté le Cnared, une plate-forme qui regroupe la quasi-totalité de l'opposition en exil.

Les opposants ont estimé que l'ancien président tanzanien nommé par le médiateur principal dans cette crise, le président ougandais Yoweri Museveni, "vient de mettre lui-même fin à sa facilitation, c'est une façon de démissionner".

"Nous sommes étonnés et déçus au Cnared", a déclaré à l'AFP son président, Jean Minai, joint par téléphone. "Il n'est pas acceptable que Nkurunziza soit reconnu comme président légitime, car sa légitimité est la source même du conflit qui nous oppose depuis seize mois".

"On peut dire qu'il (Mkapa) s'est rangé du côté de Pierre Nkurunziza", a-t-il conclu tandis que, dans un communiqué, le Cnared a appelé l'ONU à "prendre la relève" dans la recherche d'une solution.

Le Burundi est plongé dans une grave crise depuis l'annonce en avril 2015 de la candidature de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat controversé et son élection en juillet de la même année. Les violences ont fait plus de 500 morts et poussé plus de 300.000 personnes à quitter le pays.

L'opposition estime que la Constitution et les accords d'Arusha, qui ont mis fin à la guerre civile (300.000 morts entre 1993 et 2006), n'autorisaient pas le président Nkurunziza à briguer un troisième mandat. Elle est accusée par le gouvernement d'être derrière une tentative de putsch en mai 2015 et les violences actuelles.

Un rapport de l'ONU publié le 20 septembre accuse le gouvernement burundais d'être responsable de graves violations des droits de l'homme et a mis en garde contre de possibles "crimes contre l'humanité" et un "grand danger de génocide".

- 'Conclusion légitime' -

Benjamin Mkapa était arrivé mercredi à Bujumbura pour tenter de relancer un dialogue de sortie de crise n'ayant jamais décollé, le gouvernement ayant jusqu'à présent refusé de négocier avec le Cnared malgré les pressions et les sanctions de la communauté internationale.

"Ce n'est pas à moi de déterminer la légitimité du gouvernement du Burundi", a-t-il déclaré à la presse au terme de sa visite, avant d'énumérer: "des élections ont eu lieu, des procédures en justice ont été ouvertes, notamment de la Cour de justice de l'Afrique de l'Est, et toutes ont estimé qu'il s'agissait d'un processus légitime ayant connu une conclusion légitime".

"Des ambassadeurs viennent et présentent leurs lettres de créances au président Nkurunziza, les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU le reconnaissent comme le président de ce pays, donc quelle est cette folie?", a-t-il interrogé. "Nous perdons beaucoup de temps à discuter d'un évènement qui est terminé".

Selon lui, il convient désormais de "créer des conditions (...) qui rendront les élections de 2020 libres, justes et crédibles".

Il s'agit de la première fois que M. Mkapa se prononce de la sorte sur l'issue des élections.

En amont de la visite à Bujumbura de M. Mkapa, le porte-parole adjoint de M. Nkurunziza, Jean-Claude Karerwa Ndenzako, avait indiqué que le gouvernement demanderait au facilitateur "de convaincre l'opposition de cesser de jouer les prolongations et de se préparer à l'échéance électorale de 2020".

Le gouvernement s'est "réjoui" des déclarations de M. Mkapa vendredi. La présidence "constate que Mkapa a tenu parole, qu'il a respecté scrupuleusement la loi", a déclaré M. Ndenzako.

Malgré la réaction négative de l'opposition, M. Mkapa a assuré voir une "ouverture" pour relancer le dialogue.

"C'est un processus que nous déterminerons dans les deux prochaines semaines, et nous nous mettrons d'accord sur qui sont les acteurs indispensables qui peuvent déterminer un compromis ou une position commune", a-t-il dit.

Le président du Cnared a pourtant insisté: "le facilitateur vient de démissionner parce que l'objet même de notre discussion, il vient de le rendre caduc".