Le coup d'Etat pourrait favoriser la démocratie au Niger
Afrique

@rib News, 19/02/2010 – Source Reuters

Salou Djibo, le chef de la junte Le putsch militaire contre le président nigérien Mamadou Tandja a suscité, sans surprise, la réprobation internationale, mais, paradoxalement, son éviction pourrait favoriser le retour à la démocratie dans l'ex-colonie française riche en uranium.

Les tensions politiques s'avivaient au Niger depuis que cet ancien colonel de 72 ans élu en 1999, qui aurait dû quitter le pouvoir en décembre au terme de son second quinquennat, avait fait modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir.

Ce "coup d'Etat constitutionnel" opéré au nom de la volonté du peuple avait de facto reporté d'au moins trois ans un scrutin présidentiel prévu cette année. Les militaires qui l'ont écarté se réclament d'un Conseil militaire "pour le rétablissement de la démocratie" (CSRD).

Leur putsch a été condamné par la France et l'Union africaine a annoncé son intention de suspendre le Niger mais, pour certains analystes, "c'est un cas où on peut se demander s'il n'existe pas des bons coups d'Etat".

Si la communauté internationale s'est gardée d'avaliser le coup de force des militaires contre le palais présidentiel, qui a fait quelques morts jeudi à Niamey, elle en a profité pour évoquer l'avenir politique d'un pays dont les richesses ont attiré des milliards de dollars d'investissements étrangers.

La France a rappelé ainsi sa condamnation de "toute prise de pouvoir par des voies non constitutionnelles", tout en engageant "tous les acteurs nigériens, y compris les forces armées, à trouver par le dialogue et dans les meilleurs délais une solution à la crise constitutionnelle".

"DOUX-AMER"

Washington a adopté une position comparable. "Nous ne défendons nullement, en aucune manière et sous aucune forme, une violence de cette nature, mais nous estimons clairement que ceci souligne la nécessité pour le Niger d'aller vers les élections et la formation d'un nouveau gouvernement", a dit le département d'Etat.

La junte militaire a suspendu la Constitution et dissous toutes les institutions nigériennes. On ignore si le CSRD va chercher à consolider son pouvoir ou s'il va tenter de s'attirer les bonnes grâces de la communauté internationale en empruntant le chemin du retour à un régime démocratique civil.

"Pour le moment, nous en sommes au point de départ", a déclaré le chef de la junte, Salou Djibo, en annonçant vendredi la création d'un "conseil consultatif" pour discuter de l'avenir du pays. Il n'a pas fait allusion à un calendrier électoral.

Sa prochaine initiative est guettée avec attention par la communauté internationale, qui note que, selon des sources militaires, deux membres important du CSRD avaient déjà joué un rôle clé dans le coup d'Etat de 1999, qui avait ouvert la voie à l'élection libre et honnête de Tandja.

De plus, l'armée du Niger est considérée comme disciplinée et, donc, plus susceptible de restituer le pouvoir aux civils que d'autres régimes militaires d'Afrique de l'Ouest comme la Guinée, où le capitaine Moussa Dadis Camara a pris le pouvoir en décembre 2008.

"C'est doux-amer. C'est ennuyeux d'avoir un coup d'Etat, mais si c'est une étape à court terme vers des élections, c'est acceptable", estime un analyste.


Le Niger désormais dirigé par le putschiste Salou Djibo

Source Associated Press

Les putschistes responsables du coup d'Etat de jeudi ont annoncé vendredi que le Niger était désormais dirigé par le chef d'escadron Salou Djibo, à la tête d'un Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD). La prise de pouvoir des militaires a été condamnée par la France, les Etats-Unis et l'Union africaine, alors qu'on était toujours sans nouvelle du président déposé Mamadou Tandja. Lire la suite l'article

Au lendemain du coup d'Etat dans ce pays d'Afrique de l'Ouest riche en uranium, la junte a expliqué que le gouvernement serait géré par les responsables ministériels et régionaux, jusqu'à ce qu'un nouvel exécutif soit formé. La veille, la Constitution avait été suspendue et les institutions républicaines du Niger dissoutes.

Les frontières ont en revanche été rouvertes, et le couvre-feu, décrété jeudi soir, levé. Vendredi, les banques et les commerces étaient ouverts à Niamey, et la circulation revenue à la normale dans la capitale.

On ignorait en revanche toujours où se trouvait le président Mamadou Tandja, enlevé jeudi en plein jour lors de l'attaque du palais présidentiel par les putschistes. Radio France Internationale (RFI) avait rapporté jeudi soir que les soldats l'avaient conduit dans un camp militaire dans les faubourgs de Niamey.

De source diplomatique française, on indiquait vendredi que les combats lors de l'attaque du palais présidentiel avaient fait des morts. "Mais ces combats étaient brefs, le nombre de victimes est limité, il n'y a pas eu de combat en ville", indiquait-on. "Il n'y a pas d'inquiétude sur le plan sécuritaire".

Jeudi, les putschistes avaient dit vouloir "faire du Niger un exemple de démocratie et de bonne gouvernance", mais le coup d'Etat a été unanimement condamné vendredi. Le président de la commission de l'Union africaine Jean Ping a ainsi "exigé un retour rapide à l'ordre constitutionnel".

A Paris, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères Bernard Valero a déclaré que la France "condamne toute prise du pouvoir par des voies non constitutionnelles" et "appelle tous les acteurs à faire preuve de responsabilité".

A New York, le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a condamné le coup d'Etat, réitérant "sa désapprobation des changements de gouvernement inconstitutionnels ainsi que les tentatives de se maintenir au pouvoir par des moyens non constitutionnels", a précisé la porte-parole adjointe de l'organisation, Mary Okabe.

Ban souligne que le conseil suprême pour la restauration de la démocratie dit vouloir rétablir l'ordre constitutionnel, et l'appelle à "procéder rapidement en recourant à une méthode qui fasse consensus, en englobant tous les éléments de la société nigérienne".

Le porte-parole du département d'Etat américain, P. J. Crowley, a pour sa part estimé que Mamadou Tandja s'était peut-être attiré lui-même ces ennuis en "tentant de se maintenir au pouvoir" et a rappelé que les Etats-Unis et la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) s'étaient inquiétés de cette situation depuis plusieurs mois. Il a toutefois ajouté que son pays ne reconnaissait pas la prise du pouvoir par la force.

Elu en 1999, Mamadou Tandja était accusé de dérive autoritaire par l'opposition depuis plusieurs mois. Il avait notamment imposé un référendum déclaré illégal par la justice pour prolonger son mandat de trois ans, alors qu'il s'était engagé à quitter le pouvoir comme prévu en décembre 2009, et avait depuis gouverné par décret. Mamadou Tandja avait élu en 1999 après le précédent coup militaire de Daouda Malla Wanke, puis réélu lors de scrutins jugés équitables.

Pays du sud du Sahara, frappé par la sécheresse et la désertification, le Niger a connu trois coups d'Etat entre 1974 et 1999. Le pays, qui figure parmi les moins développés selon l'index des Nations unies, a un taux de 70% d'illettrisme parmi sa population, et le plus fort taux de natalité au monde.