Journée de violences en RDC, à la fin du second mandat de Kabila
Afrique

RFI, 20-12-2016

Quelques heures après la fin du second et dernier mandat constitutionnel du président Joseph Kabila, des violences ont éclaté en RDC, faisant au moins 11 morts, selon l'Agence France-Presse (AFP). L'ONG Human Rights Watch parle elle d'au moins 26 morts. Tout rassemblement de plus de dix personnes était interdit, avait prévenu la police.

Les forces de sécurité avaient prévenu que tout rassemblement de plus de 10 personnes était interdit. Pourtant, dans certains quartiers, les manifestants ont tenté de braver cet interdit. Au petit matin, déjà, les deux parties semblaient épuisées par un jeu de cache-cache qui avait duré toute la nuit dans les quartiers populaires de Kinshasa.

Des barricades avaient été érigées et les services de sécurité s'évertuaient à les dégager : tirs de gaz lacrymogènes et coups de feu contre jets de pierre. Les manifestants dénoncent des morts, des blessés, des dizaines d'arrestations, des fouilles dans leurs domiciles. A Gaba, en larmes, une femme ne comprend pas comment son frère de 21 ans a pu mourir d'une balle dans la tête. « Il ne sifflait même pas », assure-t-elle au micro de RFI.

 « Ce sont des inciviques, des bandits, ils jettent des pierres, ils érigent des barricades », justifie le porte-parole de la police. Un haut responsable des services de sécurité affirme, lui, que la situation est restée globalement calme. Et si l'on compare avec les manifestations de septembre, peu de destructions ou de pillages sont à déplorer. Le siège du PPRD (le parti présidentiel) et un poste de police à la périphérie de la ville ont été incendiés.

Dans d'autres quartiers, l'appel à la ville morte a été très suivi. Quasi aucune circulation, boutiques et marchés fermés, forces de sécurité, patrouilles onusiennes et journalistes se croisaient sans cesse. Au fur et à mesure de la journée, de plus en plus de jeunes sortaient dans les rues pour jouer au football. Signe de détente.

Heurts meurtriers à Lubumbashi

A Lubumbashi, la deuxième ville de République démocratique du Congo (RDC), les affrontements ont fait deux morts, dont un policier, selon le gouverneur de la province cité par l'Agence France-Presse (AFP). Plusieurs quartiers ont été touchés, mais c'est dans la commune de la Katuba que les violences se sont concentrées.

Il faisait encore nuit lorsque la population de la Katuba a dressé les premières barricades. Rapidement, les forces de l'ordre sont arrivées en nombre. « Nous nous sommes réveillés dans une ébullition, raconte Me Somville, habitant du quartier et porte-parole du rassemblement pour le Haut-Katanga. La population a été vexée par la publication du gouvernement et elle a dit "trop c'est trop !". Des pneus ont été brûlés sur toutes les grandes artères de la commune de la Katuba pour barrer la route à la police. »

Des pillages ont aussi été signalés, la tension est montée et des tirs sporadiques ont été entendus tout au long de la journée. Une fillette a même reçu une balle dans la tête à quelques encablures de là, sous les yeux de son père, rapporte Me Somville. « L'enfant était dans la maison. Quand moi je suis arrivé, il voulait venir me voir. Quand il s'est tenu debout à côté de sa mère, une balle perdue est entrée dans sa tête. »

Ce mardi soir, la tension restait vive. A Ruashi, en revanche, où des affrontements avaient éclaté dans la matinée, le calme semble être revenu. Au centre-ville, pas de violences, mais des rues qui se sont vidées au fil de la journée et un climat d'incertitude. Joint par RFI le maire de Lubumbashi estime que globalement la situation est restée « calme ». Il déplore toutefois « la casse orchestrée par des bandits ».

Affrontements à Kananga

A Kananga, la capitale du Kasaï-Central, une milice locale et les forces de l'ordre se sont affrontées mardi 20 décembre. Les combats ont commencé autour de l'aéroport et non loin du marché Laurent Désiré Kabila en début de matinée et se sont poursuivis toute la journée.

Dans la soirée, les crépitements des balles se faisaient toujours entendre et les miliciens continuaient de patrouiller aux alentours de l'aéroport, ont indiqué des habitants sur place. La plupart sont restés retranchés dans leur maison toute la journée. Certains expliquant avoir peur d'être arrêtés par les miliciens.

Plus tôt dans l'après-midi des tirs d'armes ont retenti pendant plus d'une heure dans cette zone.

Le porte-parole de l'armée dans la région indique qu'il y a eu des échange de coups de feu entre les miliciens de Kamwina Nsapu et les FARDC, l’armée congolaise. « Il y a eu des morts de part et d'autre. Nous avons tué beaucoup de miliciens », a-t-il ajouté sans avancer de nombre précis

Depuis, la ville est bouclée par la police et l'armée à l'exception du quartier périphérique de l'aéroport. « La situation est confuse. On ne sait pas exactement qui contrôle l'aéroport », explique un habitant

Fin septembre, les hommes du chef traditionnel, Kamwina Nsapu, qui demandent entre autres le départ du président Joseph Kabila, avaient réussi à prendre le contrôle de l'aéroport de Kananga pendant plusieurs heures. Ces derniers avaient ensuite été délogés par l'armée. Ces affrontements avaient fait une centaine de morts.

 La communauté internationale fait part de sa préoccupation

Tous déplorent les arrestations et les violences qui ont suivi la fin du mandat officiel de Joseph Kabila. Les Nations unies, par la voix du chef de la Monusco, se disent préoccupées face « à la vague d'arrestations et de détentions au cours des trois derniers jours ».

Les Etats-Unis, le Royaume Uni, l'Allemagne tout comme la Belgique regrettent que les élections n'aient pas été organisées avant la fin du mandat de Joseph Kabila.

Bruxelles déplore en particulier « l'absence de prise de mesures de décrispation par les autorités et les nombreuses restrictions imposées aux droits et libertés ».

Pour Londres, la légitimité de Joseph Kabila à gouverner la RDC est remise en cause tant qu'un accord politique inclusif n'a pas été trouvé. « Joseph Kabila doit clairement faire savoir qu'il ne se représentera pas pour un nouveau mandant et qu'il ne modifiera pas la Constitution », ont demandé Londres et Washington

Autre point abordé, les relations avec la RDC. La France a appelé l'Union européenne à reconsidérer ses relations avec la République démocratique du Congo au vu « de la gravité de la situation sur place ». L'Allemagne, elle, reporte indéfiniment les négociations sur la coopération en matière de développement prévue l'année prochaine.

Enfin, tous ont réaffirmé leur soutien à la Conférence épiscopale (Cenco) pour trouver une solution à la crise.