Gaston Sindimwo : « il faut un régime fort » au Burundi
Politique

RFI, 04-01-2017

Gaston Sindimwo : «nous avons été frappés» par l’assassinat d'Emmanuel Niyonkuru

INVITÉ AFRIQUE 

Qui a tué Emmanuel Niyonkuru, le ministre burundais de l’Eau et de l’Environnement, la nuit du Nouvel An, à Bujumbura ? Le premier vice-président du Burundi répond aux questions de Christophe Boisbouvier. Gaston Sindimwo [Photo] s’exprime aussi sur le projet éventuel du président Nkurunziza de briguer un quatrième mandat en 2020.

Comment réagissez-vous à l’assassinat d’Emmanuel Niyonkuru, le ministre de l'Eau et de l'Environnement ?

Gaston Sindimwo : C’est avec consternation que nous avons appris l’assassinat du ministre Emmanuel. Nous avons été frappés. La criminalité ou le terrorisme s’intensifient malgré la vigilance des forces de l’ordre.

Et qui peut être, selon vous, derrière cet assassinat ?

Quand on voit ce qui s’est passé, il y a beaucoup de questions qu’on se pose parce que les causes peuvent être multiformes. C’est pourquoi on interroge tout le monde pour voir la véracité de la chose.

Vous pensez à quelles questions en particulier ?

D’abord, il y a la criminalité que nous observons suite aux gens qui pointent les hautes personnalités afin de montrer qu’il y a un problème politique au Burundi. Il peut y avoir de simples règlements de compte. Donc nous attendons le résultat de l’enquête.

Comme ministre de l’Environnement, Emmanuel Niyonkuru s’opposait à certaines personnalités qui voulaient s’attribuer des terrains sur des sites protégés. Est-ce que du coup cela ne lui faisait pas beaucoup d’ennemis à Bujumbura ?

Vous savez, c’était un ministre qui avait la liberté, qui pouvait se payer le luxe de se promener avec les autres, de prendre un verre avec les gens. Donc nous attendons le résultat de l’enquête.

Vous dites en effet que c’était un ministre qui vivait assez librement. Je crois que c’était l’un des rares membres du gouvernement qui circulait sans escorte ?

Non, ce n’est pas seulement lui. Il y en a d’autres qui circulent sans escorte, mais dès maintenant nous devons demander à tous les ministres d’avoir des escortes.

Est-ce que vous pensez à un éventuel règlement de compte à l’intérieur du régime ?

Pas du tout. Nous devons attendre les résultats de l’enquête.

Est-ce que vous pensez plutôt à un attentat commis par une rébellion ?

Je ne dirais pas rébellion parce que nous avions des signaux qui montrent qu’il y a des terroristes qui n’ont pas pu arriver à des objectifs pour destabiliser la Nation, qui voulaient pointer des hauts responsables, des hautes personnalités pour commettre des assassinats sélectifs. D’ailleurs, au dernier Conseil des ministres, le ministre en charge de la Sécurité avait prévenu tout le monde d’être vigilant parce que le malfaiteur pourrait profiter de ces jours de festivités pour commettre l’impair. Donc nous étions avisés d’être au moins préoccupés de cette sécurité.

Malgré cette vigilance, il y a eu cet assassinat. Donc pour vous, c’est un coup dur ?

C’est un coup dur, mais qui nous enseigne comment s’y prendre à l’avenir.

Donc en fait, vous n’êtes pas sûr qu’il s’agisse d’un crime politique ?

Jusqu’à présent, nous nous réservons de parler crime politique parce que d’abord, nous devons attendre les résultats de l’enquête.

Cet assassinat survient deux jours après l’annonce par le chef de l’Etat qu’il envisage de modifier la Constitution afin de pouvoir solliciter un quatrième mandat en 2020. Est-ce qu’il peut y avoir un lien entre les deux évènements ?

Vous faites un raccourci parce que le président de la République n’a pas dit qu’il va briguer le mandat. Il a dit qu’on va mettre en place une commission.

Mais désormais le quatrième mandat devient quand même une éventualité ?

Quatrième mandat, troisième mandat… jusqu’à présent le président de la République n’a pas donné ses intentions de faire ça. Laissons cette commission aménager la Constitution et on vous répondra au moment voulu.

Il y a dix-huit mois, un certain nombre de Burundais ont soutenu le président Nkurunziza parce qu’ils pensaient, comme le président l’avait promis lui-même, que ce serait son troisième et dernier mandat. Mais si demain il sollicite un quatrième mandat, est-ce que beaucoup de Burundais ne risquent pas d’être très déçus ?

De toute façon, le président de la République a dit : par rapport à la Constitution, c’est mon dernier mandat. Donc la Constitution qui sera adoptée dans l’avenir sera comment ? Laissons le temps faire et nous y répondrons au moment opportun.

Et vous personnellement, qu’en pensez-vous ? Pensez-vous que trois mandats, ça suffit et qu’il doit partir, ou au contraire qu’il doit solliciter un quatrième mandat ?

Tels que je vois les Africains, il faut une stabilité, il faut un régime fort pour pouvoir accomplir les œuvres au niveau national.

Et pour qu’il y ait un régime fort et la stabilité, pour vous il vaut mieux un quatrième mandat ?

Non, non, je n’ai pas dit ça quatrième ou troisième mandat. J’ai dit un régime fort, capable de travailler pour la population.

Et après un quatrième mandat, pourquoi pas un cinquième ou un sixième ? Est-ce qu’on ne va pas vers une présidence à vie ?

Pourquoi est-ce que c’est le Burundi qui intéresse aujourd’hui le monde, alors que quand on voit en Afrique ou ailleurs, de telles questions ne se posent pas ? Pourquoi de telles questions au Burundi seulement ?

Donc ce n’est pas exclu ?

Laissons le temps créer, on va voir.

L’opposition Cnared [Conseil national pour le respect de l'Accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi et de l'Etat de droit] dit que depuis l’Union européenne vous a coupé son aide budgétaire, vous êtes acculés et n’arriverez à payer vos fonctionnaires d’ici le mois de mars.

La Cnared, c’est une association belge qui n’a rien à foutre avec l’opposition burundaise. Aujourd’hui c’est la première fois que les Burundais, que les fonctionnaires burundais peuvent être salariés chaque 25 du mois. Donc laissez-nous travailler !

Oui, mais le franc burundais a tout de même perdu la moitié de sa valeur face au dollar et à l’euro depuis un an, ce n’est pas très bon signe…

Ce n’est pas le franc burundais seulement. Il y a le franc d’autres monnaies. C’est la conjoncture économique au niveau mondial.

Pour son budget, le Burundi dépend pour moitié de l’aide internationale. Si cette aide est coupée, comment allez-vous tenir ?

Aujourd’hui, nous avons voté une loi qui prévoit plus de 73% du budget qui vient de la nation burundaise.