Burundi : La radiation d’Iteka "est une décision absurde et funeste", selon FIDH
Droits de l'Homme

FIDH, 04/01/2017

Dissolution de la Ligue ITEKA : Un nouveau coup porté à la société civile burundaise

(Paris-Genève) - La radiation définitive de la Ligue ITEKA, organisation membre de la FIDH, de la liste des ONG autorisées à travailler au Burundi est une décision absurde et funeste, a déclaré l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (FIDH-OMCT). L’Observatoire condamne ce nouveau coup porté à la société civile burundaise et appelle les autorités à mettre un terme à leur interminable campagne de harcèlement et de musellement des défenseur-e-s des droits humains.

Le 3 janvier 2017, les autorités gouvernementales burundaises ont annoncé leur décision de radier définitivement la Ligue ITEKA de la liste des ONG autorisées à travailler dans le pays et ce à compter du 21 décembre 2016. Selon le ministre de l’Intérieur, Pascal Barandagiye, la Ligue ITEKA aurait « terni l’image du pays et cherché à diviser la communauté burundaise ».

« Il est évident qu’il s’agit d’une mesure de représailles. C’est en radiant la plus ancienne des organisations de défense des droits humains du Burundi que l’on ternit l’image d’un pays et non en attirant l’attention de la communauté internationale sur les exactions qui y sont commises », a déclaré Dimitris Christopoulos, président de la FIDH.

« En achevant de museler les ONG les plus reconnues pour leur travail de défense des droits humains, le Gouvernement burundais tente d’isoler encore plus la population burundaise qui continue de subir les pires violations », a ajouté Gerald Staberock, secrétaire général de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT).

La décision de radiation fait suite à la publication, le 15 novembre 2016, d’un rapport conjoint Ligue ITEKA-FIDH dénonçant les violations massives des droits humains recensées dans le pays depuis le début de la crise en avril 2015, intitulé Burundi : Répression aux dynamiques génocidaires. Une campagne intitulée #StopThisMovie avait également été lancée par la FIDH en coopération avec ITEKA pour sensibiliser l’opinion publique sur la crise et le risque de génocide au Burundi. En décembre 2016, la Ligue ITEKA a par ailleurs publié plusieurs rapports d’enquête sur la poursuite de crimes extrêmement graves au Burundi : meurtres, enlèvements, disparitions, tortures, viols et détentions massives ; mettant en cause la responsabilité des autorités au plus haut niveau de l’État.

La Ligue ITEKA faisait déjà l’objet d’une mesure de suspension provisoire depuis le 24 octobre 2016 pour « perturbation de l’ordre et de la sûreté de l’Etat ». Quatre autres organisations étaient également concernées : SOS-Torture/Burundi, qui collabore sur le terrain avec l’OMCT, la Coalition de la société civile pour le monitoring électorale (COSOME), la Coalition burundaise pour la CPI (CB-CPI) et l’Union burundaise des journalistes (UBJ). Au même moment, cinq organisations avaient fait l’objet d’une radiation définitive : le Forum pour le renforcement de la société civile (FORSC), le Forum pour la conscience et le développement (FOCODE), l’Action chrétienne pour l’abolition de la torture (ACAT), l’Association burundaise pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH) et le Réseau des citoyens probes (RCP).

Cette décision intervient alors que l’Assemblée nationale vient d’adopter les 28 et 23 décembre respectivement deux projets de loi visant à contrôler plus étroitement l’action des ONG locales et internationales. La première requiert notamment les ONG locales d’obtenir l’autorisation du ministre de l’Intérieur pour toute activité et oblige de faire transiter les fonds d’origine étrangère par la banque centrale. La deuxième prévoit que les ONG étrangères devront se conformer aux priorités définies par le Gouvernement du Burundi.

L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.