Burundi - Meurtrière milice et discours apocalyptique du Président
Droits de l'Homme

La Libre Belgique, 20 janvier 2017

Rapport accablant sur la milice du parti présidentiel, les Imbonerakure.

Le parlement européen a "condamné", jeudi, une nouvelle loi burundaise qui "légaliserait les activités des Imbonerakure", la milice du parti présidentiel CNDD-FDD, ancienne guérilla devenue formation politique, et demandé à Bujumbura de les désarmer. Cette résolution a été adoptée alors que l’ONG de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) publiait un rapport sur les attaques perpétrées contre des civils par des Imbonerakure.

Ils "ont brutalement tué, torturé et sévèrement battu des dizaines de personnes" au Burundi depuis que les autorités ont lancé, en avril 2015, une violente répression contre ceux qui s’opposaient à un troisième mandat du chef de l’Etat, Pierre Nkurunziza, expressément interdit par les Accord de paix d’Arusha, qui avaient mis fin à la guerre civile (1993-2005).

Une situation de non droit

Le pays "a sombré dans une situation de non droit", écrit HRW - qui note que les Burundais ont peur de dénoncer les exactions dont ils sont victimes, de peur de représailles. Plus de 325 000 personnes ont fui le pays.

"Des agents de la police et des services de renseignement ont fréquemment recours à des membres des Imbonerakure", écrit HRW. Ceux-ci ont aussi installé des barrages routiers illégaux, où ils battent les passants, leur extorquant de l’argent ou des biens. Ils sont cependant rarement poursuivis pour leurs méfaits alors que le régime surveille tous les déplacements des citoyens.

Répondant aux questions de HRW sur le comportement des Imbonerakure, la responsable de la communication du CNDD-FDD assure qu’ils mènent des activités "dans le calme et la sérénité" et que le parti n’a pas reçu de plainte de la population à leur sujet, les accusations d’extorsion étant un "mensonge pur et dur".

Le rapport de HRW vient après celui de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH) en novembre dernier, qui soulignait les "dynamiques génocidaires" en œuvre au Burundi. "Les discours des autorités semblent désormais faire partie d’une véritable idéologie ethnique et génocidaire d’Etat", des discours officiels appelant à "pulvériser" ou "lessiver" les Tutsis (minoritaires).

L’Onu a alors désigné les membres d’une commission d’enquête. Cela n’a pas découragé le régime pour autant.

Dieu va balayer tout ce qui flanche

Le discours du 31 décembre du chef de l’Etat a, en effet, suscité une polémique. Il a été prononcé lors d’une "croisade" religieuse organisée par le président Nkurunziza et son épouse. Le chef de l’Etat est persuadé d’avoir été choisi par Dieu pour diriger le Burundi et affectionne les discours prophétiques comme celui du 31 décembre qui doit être pris, a-t-il averti, "très au sérieux".

"La voix du Dieu tout-puissant […] va faire trembler la terre et le ciel à cause du Burundi", a-t-il clamé. Dieu "va balayer tout ce qui flanche, tout ce qui n’est pas solide, pour que ne subsiste que ce qui ne tremble pas". Et d’ajouter : "Les Burundais et les étrangers vont savoir que le Burundi est le Royaume de Dieu." Enfin, "le feu de Dieu va détruire, brûler tout ce qui est superflu […] tous les inutiles". Ce discours avait été précédé, selon une source burundaise, par celui d’un de ses proches, sous forme de parabole, racontant comment un chien déguisé en mouton était "débusqué et abattu, ainsi que son maître".  

MFC