Messe à Bruxelles en mémoire de l’opposant congolais Etienne Tshisekedi
Afrique

La Libre Belgique, 10 février 2017

Congo-Kinshasa : requiem pour Tshisekedi

Succès de foule pour la célébration à Bruxelles. Le dissident Moïse Katumbi annonce qu’il rentrera au Congo "avec la dépouille". Mais quand ?

Quelque 2 000 personnes ont assisté jeudi, à la basilique de Koekelberg, à la messe en mémoire de l’opposant congolais Etienne Tshisekedi, décédé à Bruxelles le 1er février.

Parmi elles, on reconnaissait Christine Defraigne, présidente du Sénat, les libéraux Louis Michel et Herman De Croo, ainsi que des représentants des Affaires étrangères et de la Défense. Côté congolais, on notait la présence de Liliane Bemba, épouse de l’opposant détenu à La Haye, et le populaire ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi, en exil, qui s’est dit "prêt à aller à Kinshasa avec la dépouille de Tshisekedi" lors du rapatriement.

Quand ?

Nul ne sait, cependant, quand ce moment viendra puisque le gouvernement congolais a rejeté comme "inadmissibles" les exigences du parti du défunt, l’UDPS (voir "La Libre" du 9 février) et du fils Tshisekedi, Félix, conditionnant le retour du corps au Congo à la mise sur pied du gouvernement d’union nationale prévu par l’Accord de la Saint-Sylvestre. Le futur Premier ministre doit être issu de l’opposition et le défunt le voulait pour son fils Félix.

Rien d’étonnant, dès lors, si la célébration, menée par l’archevêque de Kananga (Kasaï), Marcel Madila, a parfois eu des tonalités politiques. André Kabanda, responsable de l’UDPS en Belgique, a appelé à appliquer le "testament politique" de Tshisekedi. Ses petits-enfants adolescents ont prié le Seigneur "de susciter l’envie de suivre les objectifs de Papy Etienne".

Dans la foule, des femmes lancent des "youyous"; l’une d’elles, les larmes aux yeux, explique que ces cris signifient "joie, victoire, souffrance". "Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice", tonne l’archevêque, avant de lancer, d’un "réjouissez-vous !", des alléluias chantés et dansés sur la rumba lente qu’entonne une chorale congolaise, attentive à servir les quatre langues nationales du pays (lingala, kikongo, tshiluba et swahili). Ce qui n’empêche pas les artistes, comme le reste des fidèles, de filmer la messe avec leurs smartphones, qui se balancent au-dessus de la masse mouvante des têtes comme d’étranges fleurs étincelant au bout de leur tige.

Sa gloire

Alors que de nombreux prêtres congolais distribuent les hosties dans tous les coins de la basilique, des Kasaïens - région d’origine du défunt - pleurent celui-ci à haute voix sous divers noms, dont Muwula Nkuassa, "celui qui occupe toute la place sur le trône".

Après que les fidèles ont rendu grâce à Dieu "pour Le remercier du beau cadeau qu’Il nous a fait en nous donnant Etienne Tshisekedi", une soeur cadette de ce dernier vient dire sa conviction que "Dieu a envoyé" le disparu sur terre "avec une destinée spéciale". Puis, son petit frère entonne a capella un chant à la gloire de "Moïse (un des surnoms du défunt) ya Congo", tandis qu’une femme, dans la foule, crie éperdument "Mulumba ! Mulumba ! Mulumba !" (le patronyme de Tshisekedi).

Trois gardiennes de la tradition kasaïenne entonnent alors une mélopée à la gloire du défunt, dans laquelle défilent les noms glorieux qu’on lui donne, sa généalogie et ses qualités - prestation saluée par des youyous assourdissants et des applaudissements.

La célébration s’est terminée par des remerciements aux autorités et à l’Eglise belges et aux évêques congolais. 

MARIE-FRANCE CROS