Echec des pourparlers interburundais d’Arusha : Que peut encore l’EAC ?
Opinion

Le Pays, 21/02/2017

A l’issue des pourparlers de la semaine dernière, qui ont réuni dans la capitale tanzanienne les protagonistes de la crise burundaise à l’exception du pouvoir qui les a boycottés, le médiateur de l’East african community (EAC), Benjamin Mkapa, a avoué, le 19 février dernier, son impuissance à trouver un accord de sortie de crise et en appelle à un sommet des chefs d’Etat de la région qui l’ont mandaté, face au blocage du dialogue.

Ainsi donc, l’ancien chef de l’Etat tanzanien qui prêtait volontiers ses bons offices pour la résolution de la crise burundaise, n’est pas loin de jeter l’éponge et appelle ses mandants à la rescousse.

Car, face à l’intransigeance du gouvernement et son refus catégorique de discuter avec « des opposants recherchés par la justice », en allusion  au CNARED, la médiation de Benjamin Mkapa a montré ses limites à faire évoluer les choses.

Mais pouvait-il en être autrement, quand on sait que depuis le début de cette crise, l’on assiste à un déni de la démocratie au Burundi où le président Pierre Nkurunziza est en train d’exercer la loi du plus fort ?

En effet, après avoir réussi à résister à la bourrasque de la contestation, à un coup d’Etat et aux sanctions de la communauté internationale, le maître de Bujumbura donne le sentiment d’être à présent en train de cogiter à la meilleure manière de confisquer le pouvoir. C’est ce qui explique sans doute son aversion à tout dialogue constructif avec l’opposition véritable, parce qu’il est dans une logique de pis-aller.

Et on le voit mal faire des concessions au moment où il se sent le plus en position de force pour mener les débats selon ses seuls desiderata. C’est ce qui explique sans doute sa volonté de choisir ses interlocuteurs pour mener le dialogue qu’il veut, comme il l’entend, afin d’en imposer par la suite les conclusions à tous. Mais tant que le pouvoir burundais voudra faire l’autruche en refusant de discuter avec les vrais interlocuteurs, il serait illusoire de croire en une issue heureuse de la crise.

Mais à présent que le médiateur tanzanien, Benjamin Mkapa, est en train de refiler la patate chaude à l’EAC, que peut encore cette instance régionale qui s’est jusque-là montrée incapable de prendre le problème burundais par le bon bout ?

Le Burundi restera la mauvaise conscience de la communauté internationale

La question mérite d’autant plus d’être posée que ces chefs d’Etat est-africains, qui sont appelés comme des médecins au chevet du malade burundais, ne sont pas eux-mêmes des exemples de démocrates pouvant donner des leçons à leur homologue burundais avec qui ils ne sont d’ailleurs pas, pour la plupart, en odeur de sainteté. Comment pourrait-on alors espérer, dans ces conditions, une solution au problème burundais?

Une chose est sûre, il serait difficile aujourd’hui, d’espérer sortir le Burundi de la crise par le dialogue, si les positions maximalistes des uns et des autres n’évoluent pas. Car, en y allant avec des préalables, les protagonistes n’offrent aucune chance véritable de sortie de crise. Mais c’est au pouvoir d’envoyer des signaux forts, allant dans le sens de l’instauration d’un vrai dialogue, pour autant qu’il nourrisse réellement des intentions nobles pour sortir le pays de l’impasse.

A ce sujet, l’on peut douter de la volonté et de la bonne foi du pouvoir dans ce dialogue, en ce sens que c’est à lui que profite le plus, le blocage actuel. Et tout porte à croire que pour Nkurunziza, la question du troisième mandat est désormais dépassée, si fait que ses préoccupations semblent porter plus sur comment s’ouvrir le chemin d’un quatrième mandat et d’un pouvoir à vie que sur celles de ses opposants en qui il voit la source de tous ses malheurs. C’est dire si les protagonistes de la crise burundaise ne sont pas sur la même longueur d’onde par rapport à la crise que traverse leur pays pour espérer le sortir de l’impasse. A preuve, les autorités burundaises donnent le sentiment d’évoluer dans un nihilisme total, quand ils crient à l’envi qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat dans leur pays.

En tout état de cause, si le dialogue venait à capoter définitivement, le Burundi restera la mauvaise conscience de la communauté internationale qui s’est montrée incapable à faire respecter le droit et la démocratie, là où elle avait les moyens de faire plier le satrape.

Outélé KEITA