Fortes pressions de rue sur la médiation Est-africaine dans la crise au Burundi
Politique

PANA, 22 avril 2017

Bujumbura, Burundi - Des marches-manifestations ont été organisées samedi à travers plusieurs villes du Burundi, pour protester contre une récente proposition du Médiateur de la communauté d’Afrique de l’Est et ancien président de la Tanzanie, Benjamin William M’Kapa, au chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, lui demandant d’amnistier des présumés auteurs et complices de la tentative de putsch manqué de mai 2015, pour favoriser une issue négociée à la crise politique qui s’en était suivie.

Les esprits s’échauffent au moment où les chefs d’Etat et de gouvernement de la communauté d’Afrique de l’Est, qui parrainent le processus inter-burundais de paix, se préparent à une rencontre décisive au sommet sur le Burundi, le 10 mai prochain.

Le sommet avait été demandé par le médiateur tanzanien après plusieurs tentatives manquées de réunir autour d’une même table les protagonistes de la crise burundaise, partie, en avril 2015, d’un conflit électoral mal résolu entre le pouvoir et l’opposition, avant de prendre une tournure violente.

A Bujumbura, la capitale, ce sont surtout des organisations de la société civile, réputées proches du pouvoir, qui ont donné de la voix, en s’inscrivant totalement en faux contre toute idée d’une amnistie envers des gens qui ont failli renverser des institutions «démocratiquement élues».

Des marches-manifestations encadrées, cette fois, par les administrations territoriales, abondaient dans le même sens du refus catégorique d’une amnistie envers les putschistes présumés et principaux opposants au régime burundais pour leur permettre de participer aux pourparlers de paix, selon les échos des correspondants de presse régionaux.

Le week-end passé, le président de l'Assemblée nationale, Pascal Nyabenda, avait donné le ton, dans un meeting avec la population de Bubanza, sa province natale, en affirmant que le président de la république n'avait pas les prérogatives d'amnistier directement les putschistes, sans au moins passer par un "référendum  populaire".

Le Conseil national pour la défense de l’accord d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix, la réconciliation et l’Etat de droit (Cnared, principale plate-forme de l’opposition) a encore jeté de l’huile sur le feu, en pressant ouvertement, ces derniers temps, la sous-région à prendre des sanctions économiques et diplomatiques contre le pouvoir burundais pour le contraindre à des négociations directes avec ses adversaires politiques.

Le pays connaît un précédent d’un embargo total de la sous-région qui avait contraint l’ancien président burundais, Pierre Buyoya, à accepter des négociations directes avec le Conseil national pour la défense de la démocratie/Forces de défense de la démocratie (Cndd-Fdd, ancienne rébellion armée, actuellement au pouvoir) pour mettre fin à la guerre civile de 1993 à 2000.

La sous-région est également sous la forte pression du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui estime que les pourparlers inter-burundais n’allaient pas assez vite, face aux souffrances de la population.

Les Nations Unies, elles-mêmes, restent sur un échec en ce qui concerne le déploiement d'au moins 228 policiers internationaux chargés de suivre de près la situation des droits de l'homme,  le gouvernement burundais ayant rejeté une telle idée, "au nom de la souveraineté nationale".

Pendant que la communauté internationale ne sait pas sur quel pied danser, plus de 400.000 Burundais attendent, en exil, l’issue des pourparlers inter-burundais de paix pour rentrer, selon les chiffres du haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (Hcr).

L’Office des Nations Unies pour les affaires humanitaires (Ocha), de son côté, parle de plus de 3 millions de Burundais dans le besoin d’une aide alimentaire d’urgence, victimes des dégâts collatéraux d'une crise ayant impacté négativement tous les secteurs de la vie nationale, dit-on dans les milieux d'affaires à Bujumbura.

Des rébellions armées, nées de la crise, guettent aussi le faux pas des politiciens et risquent, en cas d’échec consommé, pour replonger le pays dans les affres d’une nouvelle guerre civile, avise, de son côté, International crisis group (Icg, spécialisé dans l’analyse des conflits) dans un récent rapport alarmant sur le Burundi.