Fin d’un mois d’avril chargé de commémorations au Burundi
Société

PANA, 01 mai 2017

Bujumbura, Burundi - Les rescapés du "génocide contre les hutu" en 1972 au Burundi, précédé de peu par l’assassinat du dernier Roi du Burundi, Ntare V, ceux du massacre de 40 élèves au Petit séminaire de Buta (dans le Sud) en 1997, et de la violente crise électorale de 2015, ont libéré la parole plus que jamais auparavant, tout le long de cette dernière semaine d’avril, les uns et les autres pour réclamer enfin la justice.

Les controverses étaient également au rendez-vous de ces différents événements dans un pays ethniquement et politiquement traversé par des rivalités séculaires pour le pouvoir.

Les Tutsi réclament à leur tour la reconnaissance d'un génocide lié aux massacres ethniques de 1993, consécutifs à l'assassinat du premier président hutu démocratiquement élu, Melchior Ndadaye.

Pour faire entendre sa voix, le "Collectif des survivants et victimes du génocide contre les Hutus du Burundi de 1972", jusque-là réservé, a mis une centaine de membres dans les rues de Bujumbura, organisé des témoignages de survivants et procédé à la pose de la première pierre pour la construction d'un monument en souvenir des victimes qui se compteraient entre 100.000 et 300.000, selon les sources.

La famille du dernier Roi du Burundi, sans étiquette ethnique, de son côté, s’est surtout répandue dans les médias pour réclamer la justice et la vérité sur l’assassinat de Ntare V dont la dépouille reste aujourd’hui encore introuvable.

Le massacre du Petit séminaire de Buta, quant à lui, a gardé un cachet particulier de la "fraternité à toute épreuve" entre les jeunes futurs prêtres hutu et tutsi qui ont refusé de se scinder en deux, malgré les menaces de mort d’un commando présumé appartenir à un mouvement rebelle, armé contre le régime tutsi "sans partage" de l’époque.

L’arme ethnique s’est encore enrayée, en 2015, quand des hutu et des tutsi de l’opposition se sont coalisés, dans la rue, contre le troisième mandat présidentiel, voulu et obtenu par l’actuel chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, issu de la communauté majoritaire du pays.

Sans être "contre les gens qui se souviennent des leurs", des voix dans l’opposition et la Société civile ont néanmoins dénoncé, cette année encore, le réflexe des dirigeants, à différentes époques, d’"instrumentalisation des événements, selon les besoins politiques du moment".

Le pouvoir actuel a réfuté cette accusation, en renvoyant plutôt l’opposition et la Société civile à leurs responsabilités dans une crise aujourd’hui encore ouverte au Burundi.

Dans différentes capitales de la diaspora burundaise à l’étranger, des manifestations et des messes ont été organisées tout le long de cette semaine.

Il s’agissait surtout de se souvenir des victimes de la nouvelle crise politique au Burundi où une "Commission pour la paix et la réconciliation" (CPR) a la lourde charge de faire la lumière sur tous les crimes commis dans ce pays africain des Grands Lacs, depuis son indépendance.

La CPR est une émanation de l’Accord d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix et la réconciliation nationale ayant permis de mettre fin à la seconde grande guerre civile à caractère ethnique de 1993 à 2003, après celle de 1972 au Burundi.

Selon les Nations unies, les deux tragédies ont fait au moins 500.000 morts et le président de la CPR, Mgr Jean-Louis Nahimana, a mis en garde contre des "commémorations sélectives" à chaque fois, renvoyant dos-à-dos les principales communautés ethniques du pays.

Du point de vue du prélat catholique, jusqu'à présent, "chaque communauté veut s'enfermer dans sa propre souffrance, en niant la souffrance de l'autre", ce qui ne fait pas avancer la cause de la paix et la réconciliation dont le pays a tant besoin pour s'attaquer plus sereinement à d'autres difficultés, dont le sous-développement socio-économique qui place le Burundi parmi la nations les plus pauvres du monde, selon encore les Nations unies.