Présidentielle au Rwanda : les candidats contrôlés sur les réseaux sociaux
Afrique

@rib News, 29/05/2017 - Source AFP

Les candidats à la présidentielle rwandaise du 4 août devront, durant leur campagne, soumettre à la commission électorale tout message qu'ils souhaitent publier sur les réseaux sociaux, a indiqué lundi à l'AFP le président de la commission.

La mesure a été critiquée par l'opposition, qui craint son utilisation pour empêcher toute critique envers le régime du président Paul Kagame (photo).

"Nous demandons (aux candidats) de présenter leurs messages, leurs brouillons" afin de vérifier "s'ils ne vont pas à l'encontre de la loi", a déclaré lundi à l'AFP Kalisa Mbanda, président de la commission électorale nationale (NEC).

La mesure, publiée au journal officiel, prendra effet dès le début de la campagne électorale le 14 juillet et concernera tous les "messages, photographies ou autre matériel de campagne" publié sur les réseaux sociaux.

Ces matériaux devront être soumis au moins 48 heures avant leur utilisation aux sept commissaires de la NEC, qui pourront suggérer des corrections. Si "le message n'est pas accepté, il ne pourra pas être publié", a précisé M. Mbanda.

"C'est dans le but de limiter les dégâts" et "éviter des expressions, des paroles, des actes qui peuvent amener la population à des actes d'insécurité, au réveil du divisionnisme dans la population rwandaise", a-t-il ajouté.

"C'est injuste car nous estimons que les réseaux sociaux doivent être quelque chose de spontané", a déclaré à l'AFP Frank Habineza, président du parti démocratique vert, seule formation d'opposition autorisée au Rwanda, et un des candidats déclarés à la présidentielle.

M. Habineza dit craindre que les messages "très critiques" envers le parti au pouvoir, le Front patriotique rwandais (FPR), puissent être bloqués sous couvert "d'atteinte à la sécurité nationale". Il a par ailleurs assuré envisager des poursuites contre la NEC.

Quatre candidats d'opposition ont déclaré leur intention de participer à la présidentielle face au président sortant Paul Kagame. Ils doivent encore recevoir l'aval de la commission électorale pour se présenter.

Une réforme controversée de la constitution adoptée en décembre 2015 permet à M. Kagame, homme fort du Rwanda depuis 1994, de se représenter cette année et, potentiellement, de diriger le pays jusqu'en 2034.

Si la constitution consacre le multipartisme, il n'existe pratiquement pas d'opposition dans le pays, le FPR contrôlant d'une main de fer les sphères politique, sociale et économique.

Depuis la fin du génocide qui a fait d'avril à juillet 1994 environ 800.000 morts - essentiellement parmi la minorité tutsi - le Rwanda est salué pour ses résultats économiques et sa stabilité mais critiqué pour ses atteintes à la liberté d’expression et son manque d'ouverture politique.


 

Deutsche Welle, 29.05.2017

Rwanda : Kagamé a-t-il peur des réseaux sociaux ?

L’élection présidentielle aura lieu le 4 août prochain. Pendant la campagne, les candidats devront soumettre à la commission électorale nationale les messages qu’ils souhaitent publier sur les réseaux sociaux.

Selon le président de la Commission électorale nationale du Rwanda, Kalisa Mbanda, cette mesure permettra de vérifier la conformité à la loi de certains messages des candidats à cette présidentielle. Une démarche soutenue par  Albert Rudatsimburwa, le directeur de la radiotélévision "Contact", proche du pouvoir rwandais:

"Ce n’est pas une question de censure. Ça veut dire que les gens peuvent continuer à faire campagne sur les réseaux sociaux. Mais pas de façon illégale, comme une incitation à la haine ou à la violence, ou encore un appel à se retrouver à une situation d’avant 1994. Si c’est le cas, la loi sévira." 

Décision critiquée

Joint par la Deutsche Welle, Diane Rwigara, qui a annoncé sa candidature, n'a pas souhaité commenter cette actualité. La femme d'affaire âgée de 35 ans, qui brigue la magistrature suprême en tant que candidate indépendante, se dit pour sa part plus préoccupée par la collecte des signatures pour valider sa candidature à ce scrutin.  "Cette décision est inacceptable" a de son côté déclaré à notre micro Frank Habineza, le président du parti démocratique vert, seule formation d'opposition autorisée au Rwanda, et un des candidats déclarés à cette présidentielle.

Même amertume exprimée par  l'abbé Thomas Nahimana qui vit en exil en France. En novembre 2016, le prélat avait été empêché de rentrer au Rwanda, où il comptait déposer son dossier de candidature au scrutin d’août prochain:

"Cela est un signe de plus de la dérive dictatoriale du régime de Paul Kagamé. Il cherche  à faire tout sans clarté. C’est une façon aussi de vouloir tricher au cours de cette présidentielle. On va couper toutes les communications, alors que le FPR, le Front patriotique rwandais au pouvoir, utilise tous les médias nationaux comme si c’était les siens." 

Craintes "injustifiées"

Alors que Paul Kagamé et son parti monopolise l’espace politique, économique et militaire, le spécialiste de la région des Grands Lacs africains, André Guichaoua, s’interroge lui aussi sur les motivations derrière cette mesure de Kigali:

"Quelle crainte peut-il en ressortir véritablement ? A la limite, on pourrait déjà indiquer le nom de celui qui sera élu, à peu de chose près, les chiffres de la victoire. Ce ne sont pas des manifestations verbales ou écrites retweetées qui menacent véritablement le régime de Kagamé." 

La décision qui a été publiée au journal officiel sera effective à partir du 14 juillet, date du démarrage de la campagne électorale. Sont concernés tous les messages, photographies ou autre matériel de campagne publié sur les réseaux sociaux, selon la commission électorale. Quatre candidats ont annoncé leur intention d’affronter le sortant Paul Kagamé. La liste définitive des candidats retenus sera publiée début juin.

Rappelons qu'une réforme controversée de la constitution adoptée en décembre 2015 autorise le président Paul  Kagame, au pouvoir depuis 1994, de se représenter encore cette année. Il pourra potentiellement diriger le  Rwanda  jusqu'en 2034, à la faveur de ces nouvelles réformes constitutionnelles.

Si la constitution consacre le multipartisme, il n'existe pratiquement pas d'opposition dans le pays, le FPR contrôlant d'une main de fer les sphères politique, sociale et économique.

Depuis la fin du génocide qui a fait d'avril à juillet 1994 environ 800.000 morts - essentiellement parmi la minorité tutsi - le Rwanda est salué pour ses résultats économiques et sa stabilité mais critiqué pour ses atteintes à la liberté d'expression et son manque d'ouverture politique.

Avec AFP