Déo Hakizimana : "Quel feu couve entre Bujumbura et les chancelleries ?"
Opinion

@rib News, 19/03/2010

REFLEXION A HAUTE VOIX SUR LA SITUATION DIPLOMATIQUE DU BURUNDI A LA VEILLE DU PRINTEMPS 2010

Déo HakizimanaQuel feu couve entre Bujumbura et les chancelleries ? Nous sommes en présence d’un phénomène qui piège tout le monde.

Le conflit rampant qui semble opposer depuis au moins l’été dernier une partie des membres de la communauté internationale à l’establishment au pouvoir à Bujumbura ne fait pas la une des journaux, même parmi ceux qui ont l’habitude faire du grand bruit, ceci malgré son importance que cette actualité représente dans le contexte « géopolitique » (1) actuel.

Les faits ? Nous faisons référence par exemple à la déclaration récente du ministre de la Sécurité publique, qui renvoie aux milieux diplomatiques la responsabilité d’avoir diffusé ce qui est présentée comme une fausse alerte relative à une probable mutinerie généralisée au sein des forces de défense et de sécurité.

Monsieur tout le monde y comprend peu de choses. Mais pour les Burundais avertis, l’on devrait commencer à s’interroger et plus tôt cela va commencer, mieux ce sera.

Derrière toutes les craintes réelles ou supposées affichées au sujet de ces relations difficiles entre cette communauté internationale et notre gouvernement, il existe en effet de mon point de vue un constat amer, sur lequel il convient de s’entendre avant tout.

Pour que l’on en arrive là, qu’est ce qui a dû se passer concrètement ? Eh bien, on a vu se développer un cercle vicieux porteur d’un phénomène qui piège tout le monde : pour commencer, c’est tout d’abord l’impunité des crimes répétés qui a généré la gangrène de la corruption étatisée que l’on sait. On a ensuite vu émerger une élite de plus en plus médiocre qui, pire encore, laisse les victimes et les bourreaux d’hier et d’aujourd’hui se côtoyer, comme à une époque normale.

Ces gens échangent des rôles et se protègent mutuellement, à chaque nouveau régime. En même temps, le manichéisme particulièrement grave qui en résulte continue d’empoisonner les rapports de force. D’où tous les ratés que l’on recense, comme si nous étions un pays habités seulement par des irresponsables. Je reviendrai un jour sur cet aspect.

En attendant, soulignons que tous les camps en présence sont concernés par cette dérive. Surtout depuis l’avènement d’une certaine 3ème République à qui on peut reprocher d’avoir conceptualisé la stratégie de servir l’Etat en le trahissant grâce aux vices du double langage, une impitoyable collusion ne cesse de compromettre le travail de notre communauté international. Auto piégée par sa propre opacité, par ses propres manquements ou par ses propres contradictions, que les Rwandais ont connus en 1994, cette communauté peine à avancer dans un tel contexte.

Mais il y a une recette : si nous avons encore le sens du respect envers les laisser pour comptes de cette tragédie, qui ne sont autres que nos électeurs des prochaines échéances, nous devons cesser toute tergiversation et faire en sorte que les ténors de l’échiquier politique actuel s’engagent fermement vers un débat public de fonds (je dirais plutôt un dialogue ouvert, transparent, inclusif…. Comme celui que nous avons eu pendant dix huit mois entre début 2008 et fin 2010) sur le dilemme de la paix nationale.

S’ils ne le font pas, cela voudra dire qu’ils sont décidés à continuer à mentir à l’avenir et ce sera plus détestable, donc plus grave. Et, puisque nous le savons maintenant, nul n’aura plus le droit de dire plus tard qu’il ne savait pas. Et nombreux parmi vous et moi seront tous considérés comme des lâches. Comme eux / elles.

Déo Hakizimana.

(1) J’informe ceux qui s’intéressent à une réflexion plus développée sur ce point qu’ils peuvent en faire la demande en envoyant simplement leurs messages sur Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir