Le Burundi exige aux colons allemands et belges de reconnaître leurs tords
Politique

PANA, 30 juin 2017

Le Burundi célèbre samedi le 55ème anniversaire de l’indépendance sur un goût d’inachevé

Bujumbura, Burundi - Le 55ème anniversaire de l’indépendance nationale sera célébré, ce samedi, une occasion qu’a saisie le Parlement burundais pour exiger aux colons allemands et belges de reconnaître leurs tords, demander pardon et d'indemniser le peuple burundais. [Photo : le premier vice-président du Sénat, Anicet Niyongabo]

Cette demande s'inscrit en droite ligne des recommandations issues d'une retraite organisée, jeudi, par le Parlement burundais, sur la 'réforme administrative sous la colonisation belge et ses conséquences', a fait savoir, vendredi, à la radio publique, le premier vice-président du Sénat, Anicet Niyongabo.

Concernant les premiers colons allemands, le vice-président du Sénat est revenu sur la "guerre injuste" de huit ans qu'ils ont déclarée au peuple burundais et le tribut "injustifié" de 424 têtes de bétail, exigé au monarque de l'époque, le roi Mwezi Gisabo, pour "insoumission" à l'ordre colonial.

Les données historiques indiquent que les Burundais fidèles au roi ont résisté, avec des flèches et des lances, contre les envahisseurs allemands, armés de fusils à répétition, de 1885 à 1903.

La guerre prit fin, le 6 juin 1903, sur un traité qui obligeait le roi Mwezi Gisabo d'accepter, sans conditions, l'autorité allemande sur le Burundi.

En guise de réparation des actes d'insoumission, le souverain accepta de donner 424 têtes de vaches, la principale richesse nationale, sous la monarchie burundaise.

Des historiens mettent néanmoins à l'actif de la colonisation allemande certains progrès, comme l'introduction de la monnaie à la place du troc, le traçage des pistes et le développement du commerce.

Au niveau du transport moderne, c'est encore sous l'occupation allemande que le premier bateau à vapeur fut mis à l'eau, sur le lac Tanganyika, pour relier le port de 'Usumbura' (le nom colonial de l'actuelle capitale burundaise, Bujumbura), à ceux de la sous-région.

Les Allemands introduisirent, par ailleurs, le café et d'autres nouvelles cultures fruitières dans le secteur agricole de la période coloniale.

Le café reste aujourd'hui encore la principale culture industrielle et fondement de l'économie nationale pour son apport en devises à l'exportation.

Des transformations sociales sont également à noter de la part des colons allemands, comme l'implantation des missions catholiques, entre 1896 et 1899, suivies de la création des premières écoles.

Quant aux colons belges qui ont pris le relais des Allemands, le Parlement burundais leur reproche surtout la politique du 'diviser pour mieux régner', à travers une réforme administrative de 1929.

Les chefs autochtones et piliers de la monarchie commencèrent à être choisis sur la base de plusieurs critères jugés subjectifs, comme le degré d'ouverture à la civilisation européenne, l'origine tribale ou clanique.

Les "Baganwa" liés à la monarchie, et les "Tutsi", venus d'ailleurs (origine nilotique, dit-on) étaient accrédités d'une intelligence et d'une aptitude "supérieures et innées" à gouverner, comparés aux Bahutu 'autochtones', passant pour une 'race inférieure', avec une tendance à se laisser dominer.

Les écrits historiques concordent à dire que cette réforme administrative basée sur des préjugés, a servi de trame de fond dans la naissance et l'enracinement des conflits ethniques dès le lendemain de l'indépendance nationale en 1962.

On attribue généralement à cet héritage colonial, les troubles ethniques sanglants dont les dates les plus marquantes sont celles de 1965, 1972, 1988 et 1993 au Burundi.

Le fait ethnique commence néanmoins à reculer et les Burundais le doivent, en grande partie, à l'accord historique d'août 2000, à Arusha, en Tanzanie, ayant mis fin à la dernière grande guerre civile des années 1990.

L'accord a codifié un partage plus équitable du pouvoir à tous les niveaux, dans des proportions de 60%, pour la majorité Hutu, contre 40%, pour la minorité Tutsi, les Baganwa ayant disparu, sur la carte politique nationale, avec la monarchie.

La crise politique autour des élections générales de 2015 a été un nouveau test de ces progrès sociaux, malgré des tentatives tendant à la rendre ethnique de la part de certains politiciens à court d'arguments, notent avec satisfaction, des analystes à Bujumbura.

Plus d'un demi-siècle après la colonisation, les mêmes analystes estiment que la dépendance économique actuelle du Burundi vis-à-vis de l'étranger est de nature à hypothéquer la souveraineté nationale totale.

Le Burundi attend aujourd'hui encore plus de 50% des moyens financiers des aides extérieures, dont l'ancienne puissance tutrice belge compte parmi les bailleurs potentiels.