Les blocages culturels au cœur de l'inaccessibilité des Burundaises à l'emploi
Société

@rib News, 10/07/2017 – Source Xinhua

Les blocages culturels sont au cœur de l'inaccessibilité des Burundaises à l'emploi, ont reconnu de manière unanime plusieurs participantes à un forum focalisé sur les problèmes auxquels font face les femmes et les filles burundaises dans la quête de l'emploi et la création d'entreprises au Burundi.

[Photo : Enregistrement à l’0ffice Burundais pour l’emploi et la Main d’œuvre.]

Ces éléments ont été recueillis au cours d'un micro-sondage réalisé par Xinhua pendant un forum de sensibilisation sur l'emploi et l'entreprenariat féminin au Burundi sous l'égide du ministère burundais de la Jeunesse en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

Pour Christine Nahimana, retraitée de la Banque de Crédit de Bujumbura (BCB) et membre de l'Association des Femmes d'Affaires du Burundi (AFAB), durant plusieurs siècles, les femmes burundaises ont été bloquées au niveau de leur épanouissement socio-économique par le fait d'avoir été obligées d'être toujours derrière les hommes et d'exécuter "aveuglément" les directives de ces derniers.

"Pour le moment cependant, les Burundaises sont en train de se défaire de cette domination masculine et veulent dorénavant opérer une rupture totale avec ce passé de marginalisation féminin, en prenant leurs propres responsabilités pour être capables de créer leurs propres emplois", a-t-elle précisé sur un ton de fermeté.

Pour Mme Nahimana, au centre de cette marginalisation féminine vis-à-vis de l'accès à l'emploi et à la création des entreprises au Burundi, se trouve le poids de la "coutume" traditionnelle burundaise, selon laquelle "la femme ne peut pas être dans une position supérieure à celle de l'homme".

Jacqueline Ndayizeye, présidente de l'AFAB, a enfoncé le clou en déclarant que la problématique d'accès à l'emploi par les Burundaises se situe fondamentalement par le fait qu'en comparaison avec le traitement réservé aux hommes, on observe une situation de "deux poids, deux mesures".

"Ce qui est écœurant surtout, est qu'au Burundi, la femme burundaise en tant que telle, n'a pas encore accès à l'emploi au même pied d'égalité que l'homme à cause de la mauvaise considération que la société burundaise projette sur elle-même en termes de préjugés, de stéréotypes ou d'idées reçues spécialement en ce qui concerne sa capacité de rendement professionnel", a-t-elle fustigé.

Ces manœuvres "discriminatoires", a-t-elle ajouté, sont attestées par des statistiques ad hoc montrant que le taux de chômage pour les femmes burundaises est plus élevé que celui des hommes.

"Cette situation est liée à la culture traditionnelle : la femme burundaise a été toujours marginalisée et sous-estimée au niveau de ses capacités intellectuelles et professionnelles en termes de rendement", a-t-elle souligné.

Certains employeurs, a-t-elle signalé, rechignent encore à engager des femmes au Burundi au motif qu'elles seront une entrave à la productivité pendant les périodes de grossesse, d'accouchement et d'allaitement.

De telles discriminations et stigmatisations contre la femme burundaise par certains employeurs burundais "attirés uniquement par l'appât du gain", a-t-elle expliqué, font que ces derniers préfèrent employer les hommes que les femmes.

En effet, a-t-elle explicité, de ce fait, certains chefs d'entreprise au Burundi "reçoivent très mal l'octroi des congés payés et chômés" aux femmes en partance pour la prise des congés prénatals et postnatals".

Pourtant, a-t-elle fait remarquer, de tels chefs d'entreprise agissent en violation des clauses du code burundais de travail et des conventions internationales y relatives, en l'occurrence celles du Bureau International du Travail (BIT) dont l'Etat burundais est signataire.

"Même à l'heure que je vous parle, c'est une réalité qui crève les yeux dans le pays ; car, souvent, la Burundaise qui veut se lancer dans les affaires, est bloquée d'abord par son mari, parce qu'il y a des hommes hostiles à ce que leurs épouses créent leurs propres entreprises", a-t-elle signalé.

Sur la liste des autres blocages à la création d'entreprises par les femmes burundaises, Mme Ndayizeye a également cité le manque de garanties bancaires exigées pour accéder au crédit et la peur du risque d'entreprendre.

L'ultime solution pour "rompre ce cercle vicieux" sur l'inaccessibilité de la femme burundaise à l'emploi, a-t-elle recommandé, est que les pouvoirs publics pèsent de toute leur puissance pour faire en sorte que les capacités des Burundaises soient appréciées "à leur juste valeur" à l'instar de celles des hommes, et avec la promotion d'une politique d'égalité du genre dans l'embauche.

Toutefois, a-t-elle nuancé, malgré ces défis, au cours de ces dernières années, l'AFAB a relevé un élan d'enthousiasme dans les milieux d'affaires des femmes burundaises marqué par de "l'agressivité commerciale" en direction des pays voisins tels que l'Ouganda, la Tanzanie et la République Démocratique du Congo (RDC).

D'autres plus "fonceuses", a-t-elle ajouté, ont déjà commencé à aller s'essayer dans des pays plus lointains comme Dubaï, la Chine, et la Thaïlande.

Emmanuel Nduwarugira, directeur général de l'Office Burundais de l'Emploi et de la Main-d'œuvre (OBEM), a souligné que les solutions ultimes pour les défis épinglés ci-haut (accès féminin à l'emploi et création des entreprises), est la politique nationale de l'emploi (PNE) mise en place en 2014 par le gouvernement burundais du président Pierre Nkurunziza.

"Cette PNE, dans son 5ème axe, a prévu l'inclusivité de l'emploi pour les femmes. Alors, vous comprenez bien que la prise de conscience gouvernementale est là pour apporter les réponses appropriées aux défis en question. Pour le moment, je crois qu'il faut attendre la stratégie de sa mise en œuvre aujourd'hui en cours d'élaboration, et laquelle montrera comment les femmes burundaises seront prises en compte pour une meilleure accessibilité de l'emploi au Burundi", a-t-il précisé.