Rwanda, Burundi, RDC : du gant de velours à la stratégie du chaos
Afrique

RTBF, 04 août 2017

Le Rwanda fait partie des pays des Grands lacs, avec le Burundi, et la république démocratique du Congo. Ces trois pays ont au moins un point commun: leurs leaders accomplissent un 3e mandat, alors que la Constitution l'interdit en principe.

Mais au Burundi et au Congo, cela se passe dans un climat de peur et de violence, alors qu'au Rwanda, Paul Kagamé se maintient au pouvoir comme sur du velours. [Photo (de g à d) : les présidents rwandais Paul Kagame, congolais Joseph Kabila et burundais Pierre Nkurunziza.]

Une main de fer dans un gant de velours

Le président Paul Kagamé a finement joué. Voici un homme qui a délivré son pays de l'enfer du génocide, en juillet 1994. Un génocide déclenché par la majorité Hutu, et qui a fait près d'un million de morts essentiellement des Tutsi.

Paul Kagamé a d'abord été ministre de la défense, avant d'être élu président en 2000 par le parlement. En 2003 et en 2010 il a été réélu au suffrage universel, avec plus de 90% des voix. En principe, après ce deuxième mandat, c’était fini pour lui.

Mais, 15 ans après le génocide, le Front patriotique rwandais, et Paul Kagamé surtout, ont jugé que le pays n'était pas prêt pour l'alternance. Les anciens ennemis Hutu guettent toujours aux frontières, le Rwanda est en pleine reconstruction, et en plein essor économique. Et de toute façon, il n'y pas d'opposition dans ce pays. Les contestataires sont écartés, emprisonnés. Certains ont même été liquidés.

"Paul Kagamé pouvait-il briguer un 3e mandat ?

Encore fallait-il que l’éventuelle réélection de Paul Kagamé soit conforme à la Constitution. En 2015, un référendum a été organisé. La question était: "Paul Kagamé peut-il briguer un 3e mandat ?" 98% des rwandais interrogés ont répondu oui. Par peur ou par conviction? Difficile à dire, Mais le résultat est le même: la Constitution a été modifiée, les compteurs ont été remis à zéro, et donc, techniquement, Paul Kagamé pourrait rester au pouvoir jusqu'en 2034. Il aura alors 76 ans.

La stratégie du chaos

Au Burundi et en République démocratique du Congo, les présidents en exercice ont choisi des méthodes beaucoup moins subtiles pour rester au pouvoir.

Au Burundi, Pierre Nkurunziza aurait dû passer la main en 2015. Il a été élu en 2005, puis réélu en 2010. En principe, il aurait dû céder le pouvoir il y a deux ans. Mais il est resté, au mépris des protestations de la population, et d'une tentative de coup d’état. Le pays est aujourd’hui plongé dans la terreur, et isolé sur la scène internationale. Des centaines de milliers de Burundais ont fui le pays.

A Kinshasa, Joseph Kabila se tait dans son palais

Reste le gros morceau, la République Démocratique du Congo. Dans son palais de Kinshasa, Joseph Kabila donne l’impression de s'accrocher au pouvoir.

Il a été élu une première fois en 2006, puis réélu en 2011. Son deuxième et dernier quinquennat expirait en décembre 2016. Mais il est toujours là. Tous les prétextes sont bons: le recensement de la population qui n 'a pas encore eu lieu. Et puis, les évasions massives de plusieurs prisons, qui sèment le chaos dans les grandes villes. Sans compter les terribles massacres dans le Kasaï, qui ont déjà fait 3000 morts, et un million et demi de réfugiés.

Certains n'hésitent pas à souligner, avec un terrible cynisme, que ces massacres donnent un argument parfait au pouvoir pour geler l’organisation des élections.

Françoise Wallemacq