Présidentielle indécise et tendue mardi au Kenya
Afrique

@rib News, 07/08/2017 – Source Reuters

Les Kényans sont appelés à élire mardi un nouveau président à l'occasion d'un scrutin tendu et indécis qui verra s'affronter deux adversaires de longue date, le chef de l'Etat sortant Uhuru Kenyatta (photo, à g) et le chef de l'opposition Raila Odinga (photo, à d).

Le Kenya garde en mémoire le souvenir de la présidentielle de décembre 2007 qui s'est terminée par un bain de sang. Déjà candidat à l'époque, Raila Odinga, 72 ans, avait contesté le résultat - la victoire de Mwai Kibaki - et appelé à des manifestations. Plus de 1.200 personnes avaient trouvé la mort dans les affrontements ethniques qui s'étaient ensuivis.

Uhuru Kenyatta, 55 ans, et son actuel vice-président, William Ruto, ont été accusés par la Cour pénale internationale d'avoir orchestré ces violences, mais les charges ont finalement été abandonnées en 2014 faute de preuves.

Entre-temps, en 2013, Uhuru Kenyatta était devenu président au détriment de Raila Odinga, mais cette fois, la contestation est restée pacifique, l'opposant choisissant la voie des tribunaux.

A l'approche du scrutin de mardi, les instituts de sondage donnent les deux hommes au coude-à-coude. Les Kényans sont également appelés à élire leurs députés, sénateurs, gouverneurs et représentants aux assemblées locales.

Raila Odinga, qui rassemble sous son nom les principaux courants de l'opposition au sein de la Nasa (National Super Alliance), a estimé que l'alliance présidentielle, Jubilee, ne pourrait pas l'emporter à moins de tricher.

Uhuru Kenyatta a rétorqué que la commission électorale avait mis en place toutes les dispositions nécessaires pour assurer un scrutin sans irrégularités.

44 TRIBUS OFFICIELLES

Le meurtre la semaine dernière d'un haut responsable électoral, Chris Msando, dont le corps mutilé a été retrouvé dans une morgue de Nairobi, a choqué les Kényans et soulevé de nouvelles questions sur la sécurité du système de vote.

Les médias ont laissé entendre que son assassinat pourrait être lié à son rôle qui consistait à superviser le système de vote électronique.

Dans un pays qui compte 44 tribus officielles et où les candidats forment généralement des alliances avec des responsables d'autres groupes ethniques afin d'augmenter leurs chances, la crainte de nouvelles violences est palpable.

"Je retourne dans mon village et je resterai jusqu'à ce que les résultats soient annoncés", explique George Omondi, un ouvrier d'imprimerie, membre de l'ethnie Luo, celle d'Odinga. "Je ne vais pas risquer ma vie à Nairobi", ajoute-t-il.

Les compagnies de transport indiquent que le nombre de bus de 65 places quittant Machakos, la principale gare routière de Nairobi, a doublé ces derniers jours.

Face à ce "sentiment de peur répandu", plus de 150.000 policiers ou membres d'autres organes de l'Etat comme les gardes de parcs nationaux seront déployés afin d'assurer la sécurité des 41.000 bureaux de vote, dit-on au ministère de l'Intérieur.

Pendant la campagne, les deux candidats à la présidence ont tenu un discours rassembleur, au-delà des clivages ethniques, et n'ont pas hésité à organiser des réunions électorales hors de leurs bastions traditionnels.

"Mon gouvernement s'engage à développer toutes les parties du pays, sans tenir compte des régions ou des tribus", a promis Uhuru Kenyatta jeudi dernier lors d'un meeting à Kitui, dans l'est du pays, où résident de nombreux membres de l'ethnie Kamba à laquelle appartient le colistier d'Odinga, Kalonzo Musyoka.

DÉCENTRALISATION

Ces efforts s'expliquent en partie par la nouvelle Constitution adoptée en 2010. Celle-ci prévoit que le vainqueur de la présidentielle doit, pour l'emporter, obtenir un quart des voix dans au moins 24 comtés sur 47, une mesure destinée à contraindre les groupes ethniques les plus puissants à s'allier à des tribus plus modestes.

La nouvelle loi fondamentale a également accordé davantage de pouvoirs et d'argent aux comtés, offrant aux communautés davantage de contrôle sur leurs ressources et une chance d'être mieux représentées au niveau national, ce qui a contribué à réduire les tensions.

"La décentralisation est une soupape de sécurité rassurante", commente le militant anti-corruption John Githongo.

Les électeurs, les jeunes en particulier, se veulent plus tolérants, même si les convois de plusieurs candidats ont essuyé quelques jets de pierre.