Violences au Sud-Kivu : 37 réfugiés burundais parmi les victimes
Sécurité

RFI, 17-09-2017

En RDC, le dernier bilan des violences qui ont éclaté vendredi 15 septembre à Kamanyola, au Sud-Kivu, fait état de 38 morts, dont 37 réfugiés burundais et un militaire congolais. C'est l'armée de la RDC qui a ouvert le feu.

Joint par RFI, Ladislas Muganza, gouverneur de la province, affirme qu'elle a agi en légitime défense. Les forces de l'ordre ont été débordées par les demandeurs d'asile qui réclamaient la libération de quatre des leurs, explique-t-il.

Trente-sept Burundais, dont des femmes et des enfants, ont été tués vendredi après-midi à Kamanyola, dans des échauffourées avec les forces de sécurité congolaises. Leurs corps ont été enterrés ce dimanche en face de la base temporaire de la Monusco où des milliers d'autres ont trouvé refuge depuis. Les cercueils ont été ramenés de Bukavu par les autorités. Du côté des réfugiés burundais, 48 heures après, c'est toujours l'incompréhension.

« Nous avons perdu des membres de nos familles : par exemple, il y a ma sœur Gertrude, il y a mon frère..., raconte une proche. On est tristes. C'est très malheureux que des réfugiés subissent de telles conséquences là où ils sont allés pour se réfugier. »

Les représentants des réfugiés de Kamanyola ont annoncé leur intention de porter plainte. Ils envisagent même de se tourner vers la Cour pénale internationale pour obtenir justice et réparations.

Que s'est-il vraiment passé ?

C'est une décision du comité local de sécurité qui a mis le feu aux poudres. Le vendredi 15 septembre au matin, il décide de renvoyer quatre réfugiés burundais dans leur pays d'origine. Ils sont accusés d'avoir fait des rondes nocturnes avec des armes blanches dans la nuit de mercredi à jeudi. « C'était la sixième fois qu'on arrêtait des réfugiés la nuit, il fallait faire un exemple », précise un militaire à Kamanyola.

Des réfugiés ont reconnu que leurs collègues avaient un couteau, mais un seul, « pour se protéger contre le rançonnage des forces de sécurité ».

Toujours est-il qu'en début d'après-midi, vendredi, les réfugiés décident de marcher vers le cachot de l'Agence nationale de renseignement (ANR) où ils pensent que leurs collègues sont toujours détenus. Peu avant 15h, la situation dégénère et les premiers coups de feu sont entendus.

Qui a commencé ? Les réfugiés assurent être arrivés en nombre, mais des bibles à la main, en priant, en chantant, qu'on leur a tiré dessus sans provocation. Les policiers en faction sont dépassés, certains sont blessés par des jets de pierre et l'armée est appelée en renfort. Des renforts qui s'étalent jusqu'à la fin d'après-midi.

« Moi-même, je me suis pris une pierre et j'ai entendu trois coups de feu », témoigne encore un militaire de Kamanyola. Il indique que la victime militaire, un sous-lieutenant, a été tué par sa propre arme que les réfugiés lui avaient arrachée, « dont deux coups dans le dos », précise ce soldat.

Les réfugiés avaient-ils d'autres armes à feu ? Oui, assure le gouvernement. Les réfugiés, eux, démentent.

« Ce qui s’est passé à Kamanyola, ce sont des échauffourées entre des demandeurs d’asile et les services de maintien de l’ordre de la RDC », déclare ainsi le gouverneur intérimaire de la province du Sud-Kivu, Ladislas Muganza. Avant-hier, on a arrêté quatre d’entre eux, au sud, et tous se sont soulevés comme un seul homme pour aller libérer leurs frères. La police, débordée, a été renforcée par l’armée. »

Une gestion difficile de ces demandeurs d'asile

Pour le gouverneur intérimaire, se pose la question du statut de ce groupe de 2 000 Burundais qu'il souhaite relocaliser. « Ces demandeurs d'asile qui ont fui le Burundi en 2015 pratiquent une foi religieuse qui ne leur permet pas de se faire identifier. Cela pose un problème. Comment peut-on attribuer le statut de réfugié à quelqu'un qui refuse de se faire identifier ? interroge Ladislas Muganza. Ils décident de ne plus être regroupés dans un site dédié aux réfugiés. »

« Nous déplorons ce qui est arrivé. C’est vraiment épouvantable. Il faut que nous puissions prendre des dispositions pour mettre en place un mécanisme de gestion saine de ces demandeurs d’asile pour que cela n’arrive plus jamais », estime encore le gouverneur.

De son côté, l’ONU dit enquêter sur un usage abusif de la force et se dit choquée par le nombre élevé de victimes. Un avis partagé par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). « A Kamanyola, il y avait plus de 2 000 réfugiés burundais, des gens qui ont fui le pire. Selon ce que j'entends, il y avait des adeptes d'un groupe religieux qui demande de ne pas se laisser enregistré biométriquement. Mais c'est un détail pratique. Dans les faits, il y a beaucoup de gens qui ont fui le Burundi, qui ont demandé le statut de réfugié et qui l'ont obtenu,remarque Andreas Kirchhof, porte-parole du HCR en RDC. Ils disaient être en insécurité au Burundi. C'est d'autant plus tragique que ces gens meurent en masse dans leur pays d'asile. Et c'est très important de faire une enquête sur ce qu'il s'est passé. »