Burundi : les enquêteurs de l’ONU détaillent le cauchemar burundais
Droits de l'Homme

La Libre Belgique, 20 septembre 2017

Le rapport final de la Commission d’enquête de l’Onu sur les violations des droits de l’homme au Burundi, publié cette semaine, détaille les terribles violations commises par le régime du président Pierre Nkurunziza pour imposer un troisième mandat de celui-ci malgré l’interdiction expresse de l’Accord de paix d’Arusha, qui avait mis fin à la guerre civile (1993-2005). [Photo : Un jeune homme malmené par la police à Bujumbura.]

Long de 236 pages, le texte détaille les exactions commises par la police, le service de renseignement, la milice du parti présidentiel Imbonerakure, et des militaires, pour le compte du président Nkurunziza, et par des groupes armés d’opposition.  Elles vont des arrestations arbitraires aux disparitions forcées, en passant par les passages à tabac, les tortures les plus cruelles, le viol et le meurtre.

En sont victimes les personnes qui ont manifesté, à partir du printemps 2015, contre le troisième mandat; les habitants de quartiers présumés favorables à l’opposition; des militaires d’ethnie tutsie; des jeunes gens ayant refusé de devenir membre de la milice Imbonerakure – ou leurs parentes; ceux qui sont attrapés alors qu’ils fuient le pays.

Brutalité des violations du droit

La commission d’enquête est « frappée » par la brutalité des violations du droit à la vie commises au Burundi depuis 2015. Et de citer le cas de parents tués devant leurs enfants; la décapitation de cadavres; l’exécution de plusieurs membres d’une même famille ou de familles entières; des exécutions indiscriminées lors d’opérations dans des quartiers jugés d’opposition; l’enlèvement et  la disparition de blessés à l’hôpital; l’exécution sommaire de nombreux détenus.

Les disparitions forcées surviennent souvent après arrestation par la police ou le Service national de Renseignement (SNR), dont les membres exigent parfois de la famille une rançon pour libérer leur prisonnier ou rendre son cadavre.

La commission d’enquête relève aussi que les miliciens Imbonerakure ne sont pas inquiétés pour leurs actes – commis souvent, mais pas seulement, en compagnie de policiers. Nombre des personnes arrêtées sont détenues de longs mois sans inculpation, dans des locaux non officiels et sans qu’elles soient inscrites dans les registres de détention. Certaines sont arrêtées pour avoir porté plainte pour le meurtre d’un parent. Ou parce qu’elles sont membres de la famille d’un militaire recherché en raison de son ethnie tutsie. Certains détenus sont gardés en prison après qu’un tribunal a prononcé leur libération. Des enfants sont détenus avec des adultes.

Tortures et séquelles

La torture existait déjà au Burundi avant les événements de 2015. Son utilisation s’est multipliée depuis avril 2015 et sa brutalité s’est encore accrue. Elle vise à faire déclarer aux victimes qu’elles sont membres d’un groupe armé d’opposition ou qu’elles ont fourni des informations à des médias étrangers ou des organisations internationales. Beaucoup des survivants interrogés par les enquêteurs souffrent de séquelles de leurs tortures. Certaines victimes se sont vu injecter des produits inconnus.

Lors des séances de torture, les Tutsis sont l’objet de menaces et sévices particuliers; il leur est promis un sort semblable à celui des Tutsis du Rwanda, victimes en 1994 d’un génocide qui fit un million de morts.

Viols et violences sexuelles

La commission d’enquête souligne l’importante prévalence de violences sexuelles. Les victimes en sont majoritairement des femmes (celles interrogées par les enquêteurs avaient de 8 à 71 ans) mais pas uniquement. Il s’agit là non d’obtenir de peu crédibles « aveux » mais de « punir » les victimes pour avoir participé à des manifestations d’opposition, ou refusé d’adhérer au parti du président Nkurunziza, le CNDD-FDD, ou pour être « de la mauvaise ethnie » (tutsie), ou être la mère, la femme ou la sœur de quelqu’un que les bourreaux recherchent. Des hommes sont également violés; beaucoup subissent des violences sexuelles. Certains viols sont accompagnés de mutilations ou perpétrés devant la famille de la victime. Des détenus ont été contraints d’en violer d’autres avant d’être violés par ceux-ci.

Le rapport évoque aussi les violations des droits de l’homme commises par des groupes armés d’opposition: attaques d’installations militaires et assassinats ciblés.

Il s’intéresse aussi en détail à la fermeture des médias indépendants et aux menaces contre les journalistes et à la violation du droit d’association.

Par Marie-France Cros