Regards croisés sur l’indépendance de la Justice au Burundi
Justice

PANA, 24 septembre 2017

Bujumbura, Burundi - La semaine qui s’achève a amplifié le débat sur la réelle et véritable indépendance de la Justice burundaise, avec à l’appui, un rapport accablant d’experts indépendants des Nations unies en droits humains, mettant en exergue l’impunité entretenue de supposés "crimes contre l’humanité", particulièrement dans la crise politique autour des élections controversées de 2015.

Le rapport, défendu, mardi dernier, à Genève, en Suisse, devant le Conseil des Nations unies aux droits humains, va jusqu’à suggérer à la Cour pénale internationale (CPI) de se substituer à la justice burundaise pour connaitre les "crimes contre l’humanité", à la connaissance des enquêteurs, auprès d’un échantillon de plus de 500 témoins directs ou victimes supposées, sans toutefois fouler le sol burundais, les visas d'entrée leur ayant été refusés.

Depuis octobre 2016, le pouvoir burundais s'est toutefois mis hors de portée de la Cour pénale internationale (CPI), en décidant de s'en retirer au moment où elle amorçait un examen préliminaire sur des allégations de crimes contre l'humanité, en cours dans le pays, depuis avril 2015.

Le même rapport, liste d’auteurs présumés, tenue encore secrète à l’appui, égrène des  "exécutions extrajudiciaires, des arrestations arbitraires, des disparitions forcées, des tortures, des traitements inhumains ou dégradants et des violences sexuelles" impunis, à charge des corps de défense et de sécurité ainsi que des "Imbonerakure", le nom de jeunes militants du parti au pouvoir.

Le hasard de calendrier a voulu que la semaine qui s’achève encore sur la rentrée judicaire 2017-2018, occasion pour le chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, en même temps "premier Magistrat" du pays, de prendre la défense du corps de la magistrature.

Pour lui, la justice est "victime d’une tentative de déstabilisation", comme l'ont été l’exécutif et l’économie nationale, de la part des détracteurs du pouvoir burundais, sans toutefois les nommer.

On se rappelle néanmoins qu’en mai 2015, le pouvoir burundais a titubé face à une tentative de putsch militaire envers laquelle la justice a eu la main lourde, condamnant la plupart des commanditaires et des exécutants à des peines d’emprisonnement à vie, au bout de procès jugés "inéquitables", par la défense.

La justice burundaise a encore émis des mandats d'arrêt internationaux contre une quarentaine d'opposants politiques en exil pour leur rôle supposé dans un "mouvement insurrectionnel" contre le pouvoir.

D'un autre côté, le pouvoir en veut aux partenaires techniques et financiers traditionnels qui ont gelé la coopération avec le Burundi, en l’absence d’une volonté réelle de dialogue avec l’opposition pour résorber la crise politique et des droits humains de plus de deux ans.

A la même occasion de la rentrée judiciaire, la Ministre de tutelle, Mme Aimé Laurentine Kanyana, a trouvé "injuste" de conclure à la hâte sur l’impunité des crimes au Burundi, les bilans parlant d’eux-mêmes, à ses yeux.

Selon la garde des sceaux, les services judiciaires burundais ont été actifs au cours de l’exercice précédent, notamment par l’analyse et la suite qui a été réservée à 5.468 dossiers à caractère pénal.

Les "prisonniers politiques" de la crise, estimés par les Nations unies à plus de 8.000, sont un autre sujet de controverse avec le gouvernement burundais, tous les établissements pénitentiaires et catégories de prévenus réunis du pays ne totalisant pas un tel chiffre.

C’est encore grâce à la perspicacité des magistrats burundais que l’Etat a pu gagner 64% des procès lui intentés à l’intérieur, et 20 autres procès ayant abouti en sa faveur devant les juridictions de la Communauté d’Afrique de l’est, à en croire toujours la Ministre Kanyana, parlant des réalisations de l’exercice 2026-2017.

La victoire sans doute retentissante reste le verdict de la cour de Justice de la Communauté est africaine donnant tord à des organisations de la société civile régionales sur une plainte en inconstitutionnalité plainte de la candidature du président burundais à un troisième quinquennat jugé contraire à la loi fondamentale du pays.

Le Parlement burundais n'est pas en reste et a déjà mis sur pied une "commission spéciale", chargée d’enquêter sur les allégations du rapport onusien dont les auteurs seront traduits en justice, en cas de mensonges avérés dans leurs conclusions.

La Commission d’enquête sur le Burundi a été établie par le Conseil des droits de l’homme suite à la résolution 33/24 du 30 septembre 2016, pour un mandat d’un an. Elle a pour président, l’Algérien Fatsah Ouguergouz, comme membres, la Béninoise Reine Alapini Gansou, et Françoise Hampson, du Royaume-Uni.