Bujumbura sauve les apparences par défaut de consensus à Genève
Politique

PANA, 30 septembre 2017

Bujumbura, Burundi  - La 36ème session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies a pris fin vendredi, à Genève, en Suisse, au bout d’une bataille diplomatique sans concession pour faire passer deux projets de résolutions séparées, une des Européens, prônant la reconduction d’une vieille Commission d’enquêteurs indépendants, malvenus à Bujumbura, l’autre des Africains, allant dans le sens opposé d'une nouvelle équipe ayant, cette fois, les faveurs des autorités burundaises.

Bujumbura avait dépêché dans la capitale helvétique une délégation conduite par le ministre des Droits de la personne humaine, Martin Nivyabandi, pour assurer et lever les doutes de la communauté internationale sur la situation globale dans son pays qui s'est "longtemps normalisée" après les violences autour des élections controversées de 2015.

La bataille s’est déplacée samedi dans la capitale burundaise où des marches-manifestations officielles ont été organisées pour crier victoire et rendre hommage à l’Afrique qui a voté "massivement" contre la résolution des Européens, le Rwanda et le Botswana ayant, par contre, été particulièrement interpellés par la foule, accusés de s’être solidarisés avec "les ennemis du Burundi".

Le débat s'est encore prolongé du côté de ceux, dans l'opinion, qui n' y voient pas encore clair quant aux possibilités de mettre en application effective les deux résolutions qui ont été finalement toutes retenues pour un même pays, se rappelant néanmoins qu’une telle "fuite en avant" n’est pas nouvelle à Genève où un tel scénario s’est déjà produit sur la Palestine occupée et sur la Syrie, en guerre civile, faute de consensus suffisant.

La Commission d'enquête indépendante de l'ONU sur le Burundi n’a pas convaincu tout le monde à Genève, malgré ses "motifs raisonnables" de conclure que "des responsables au plus niveau de l'Etat" ont perpétré des "crimes contre l'humanité" et doivent en répondre devant la Cour pénale internationale (CPI), selon son rapport qui a alimenté les débats, à la 36ème session du Conseil des droits de l’homme.

Le rapport incriminé maintient que des crimes contre l'humanité "continuent d'être commis au Burundi", plongé dans une crise politique autour des élections générales controversées et émaillées de violences de 2015.

Les crimes en cause englobent des "exécutions extra-judiciaires, des arrestations et des détentions arbitraires, des actes de torture, des violences sexuelles, des traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que des disparitions forcées".

A Genève, la résolution proposée par le Groupe africain prend le contre-pied du rapport des trois experts onusiens : l’Algérien, Fatah Ouguergouz, la Béninoise, Reine Alapini Gansou, et la Britannique, Françoise Hampson.

La résolution africaine prend plutôt note "avec intérêt", des efforts du gouvernement burundais dans la lutte contre l’impunité et la consolidation de l’Etat de droit.

Le texte de la résolution salue notamment l’adoption d’une série de lois sur les violences basées sur le genre, la protection des victimes et des témoins, la mise en place de l’Observatoire national pour la prévention et l’éradication du crime de génocide, des crimes de guerre et des crime contre l’humanité et du Conseil national pour l’unité et la réconciliation, ainsi que la réforme du secteur de sécurité et de la justice.

La même résolution souligne que "c’est en premier lieu au gouvernement burundais qu’il incombe d’assurer la sécurité sur son territoire et de protéger la population, de mener des enquêtes sur les violations des droits de l’Homme et de traduire les responsables de ces violations devant la justice, dans le respect de l’Etat de droit, des droits de l’homme et du droit international humanitaire".

La résolution "encourage le gouvernement burundais à coopérer avec la médiation mise sur pied, au niveau régional, permettant un dialogue inter-burundais authentique et ouvert qui devrait être convoqué sans délai, en associant toutes les parties prenantes non armées se trouvant aussi bien dans le pays qu’à l’étranger, qui sont convaincues de la nécessité de solutions pacifiques".

Le texte de la résolution accueille à la fin "avec satisfaction" le travail des observateurs des droits de l’homme au Burundi mandatés par l’Union africaine, et demande "instamment" au gouvernement du Burundi de signer "sans délai", le Mémorandum d’accord avec l’UA, afin de permettre à ses observateurs et experts militaires d’opérer "pleinement" dans le pays, en application des responsabilités prévues dans leur mandat.