Kenya : Un nouveau candidat à la présidentielle aggrave l'imbroglio électoral
Afrique

PANA, 11 octobre 2017

Nairobi, Kenya - La décision de la Haute Cour d'autoriser un candidat à la présidence, arrivé quatrième à la course à l'élection invalidée, à participer au nouveau scrutin du 26 octobre complique encore l'imbroglio électoral au Kenya.

Le Juge de la Haute Cour, John Mativo, a estimé qu'il n'y avait pas de raison que le leader du Thirdway Alliance Party, Ekuru Aukot, dont la candidature avait précédemment été invalidée par la Commission électorale, ne puisse pas participer à l'élection.

Le 11 août, la Commission électorale indépendante et des frontières (IEBC) a déclaré le président sortant, Uhuru Kenyatta, du Jubilee Party, vainqueur de l'élection présidentielle du 08 août avec 54% des voix, contre 44% pour son adversaire de l'opposition, Raila Odinga.

M. Ondinga a contesté ces résultats en dénonçant le piratage du système informatique de l'IEBC, la disparité dans les résultats transmis et l'utilisation de matériel électoral non conforme tels les formulaires.

Il a saisi la Cour Suprême et cette dernière a décidé, le 1er septembre, d'annuler l'élection de M. Kenyatta pour des irrégularités et illégalités de la part de l'IEBC.

En bref, la Cour a estimé que le processus électoral n'avait pas atteint le seuil constitutionnel et ordonné qu'une nouvelle élection soit organisée dans un délai de 60 jours.

La Cour a également ordonné à l'IEBC de mettre de l'ordre dans ses affaires et d'organiser une élection libre et transparente.

Le chef de l'opposition, M. Odinga, qui se présentait sous la bannière de la National Super Alliance (NASA), a ainsi exigé une restructuration profonde de l'IEBC.

Une de ses principales exigences étant que les 12 responsables de l'IEBC qu'il accusait d'avoir truqué les élections soient renvoyés ou écartés du nouveau processus.

Il a souhaité également que l'IEBC change de fournisseur pour l'impression des bulletins de vote, après avoir accusé la société de Dubaï, Al Gurrair, de complicité de fraude électorale avec l'IEBC.

La plupart de ces exigences n'ont pas été acceptées par l'IEBC, qui semble jouir de la protection du parti au pouvoir.

Le 10 octobre, M. Odinga a annoncé son retrait du nouveau scrutin, estimant que le jeu était faussé d'avance.

Le feu vert de la Haute Cour à M. Aukot, qui a terminé quatrième à l'élection générale du 08 août, avec un score dont peu de gens se souviennent, vient compliquer les choses.

M. Aukot avait saisi la Haute Cour pour contester la décision de l'IEBC de l'empêcher de se représenter avec sept autres petits candidats.

La Constitution kényane n'est pas claire sur ce qui doit être fait dans le cas du désistement d'un candidat à la présidence d'une nouvelle élection ordonnée par la Cour suprême après l'invalidation d'un précédent scrutin.

Il semble qu'elle n'indique la voie à suivre que dans le cas où un candidat à la présidence se retire ou décède avant l'élection principale, mais pas dans le cas de la reprise d'une élection.

Les juristes interrogés ont donné des interprétations différentes selon leurs accointances politiques.

Ceux qui pensaient qu'Uhuru Kenyatta serait déclaré vainqueur après le retrait de son principal adversaire sont déçus.

Le feu vert donné aux petits candidats signifie que l'élection va devoir se tenir le 26 octobre, selon les injonctions de la Cour suprême.

Il n'y aura pas de désignation directe d'un vainqueur; les Kényans devront s'exprimer par la voie des urnes.

Même si le Jubilee Party ou plutôt le vice-Président, William Ruto, estime qu'il ne faut pas gaspiller de l'argent pour l'organisation d'un nouveau scrutin et que M. Kenyatta doit être déclaré vainqueur, ce n'est vraiment pas la solution.

Même après avoir retiré sa candidature, M. Odinga a insisté sur le fait que les manifestations contre l'IEBC vont se poursuivre.

Pour confirmer leurs dires, les partisans de la NASA ont manifesté dans plusieurs villes du pays ce mercredi, avec des pancartes où on pouvait lire "Pas de réformes, pas d'élections".

Ils manifestent trois fois par semaine, lundi, mercredi et vendredi. Et ils seront certainement dans la rue ce vendredi.

Les sympathisants de la NASA saluent le retrait de M. Odinga comme un repli stratégique. Alors que va-t-il se passer ? Va-t-il retourner au bureau de vote après s'être désisté, quel mécanisme juridique va-t-il employer pour se représenter ? Que se passera-t-il si l'élection n'a pas lieu dans 60 jours (d'ici le 1er novembre) comme l'a ordonnée la Cour suprême ?

Questions auxquelles il est difficile de répondre, mais il faut se rappeler que MM. Odinga et Kenyatta descendent de longues lignées politiques.

M. Kenyatta est le fils du premier président du Kenya indépendant, Mzee Jomo Kenyatta, tandis que M. Odinga est le fils du premier vice-Président du Kenya, Jaramogi Oginga Odinga.

Kenyatta et Odinga seniors ont tous deux disparu. Ils se sont séparés à peu près trois ans après l'accession du Kenya à l'indépendance.

Les fils de ces grands hommes ne font qu'exercer leur droit constitutionnel en briguant la présidence.

L'impasse électorale kényane est un vrai casse-tête. Il faut trouver une solution à l'amiable.

Les pyromanes - la classe politique kényane - ne sont certainement pas la solution. Seul un pouvoir judiciaire indépendant peut mettre fin à cet imbroglio, affirment les observateurs.

Dans un climat politique si tendu, les Kényans ne peuvent pas compter sur la classe politique, vu qu'aucun des deux premiers n'est disposé à lâcher prise.

(Analyse de David Jagongo, Correspondant PANA)