FIDH : "La CPI apparaît comme l’ultime recours pour des victimes burundaises"
Droits de l'Homme

FIDH, 09/11/2017

 La CPI prend une décision courageuse face à un régime en pleine dérive répressive

(La Haye, Paris) Aujourd’hui, la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé sa décision d’ouvrir une enquête sur les crimes commis au Burundi entre le 26 avril 2015 et le 26 octobre 2017, veille du retrait effectif du Burundi du Statut de la CPI. Cette décision courageuse, prélude à une enquête difficile, intervient alors que les victimes des purges et de la répression d’un régime en pleine dérive dictatoriale n’ont plus rien à attendre de la justice burundaise, dans l’indifférence de la communauté internationale.

Aujourd’hui, la CPI a rendu publique une décision prise le 25 octobre 2017, et qui était restée jusqu’à présent confidentielle pour assurer selon la cour la sécurité des victimes et des témoins potentiels. Cette enquête concernera les crimes contre l’humanité commis au Burundi et par des ressortissants burundais à l’extérieur du pays, couvrant ainsi les assassinats d’opposants réfugiés dans les pays alentours. Dès lors, le retrait du Burundi du statut de la CPI - décidé en octobre 2016 et effectif un an plus tard - apparaît rétrospectivement comme une vaine tentative de soustraire ses dirigeants à la justice internationale.

L’enquête sera toutefois difficile. D’une part, le pays a fermé ses portes aux journalistes et enquêteurs internationaux, et réprime toute voix dissidente au Burundi et dans les camps de réfugiés burundais des pays limitrophes. D’autre part, il s’est lancé dans une fuite en avant isolationniste, symbolisée par son retrait de la CPI - qui a constitué une première dans l’histoire de la Cour - et son refus de collaborer à toute demande d’enquête indépendante depuis le début de la répression. Celle ci a fait des milliers de victimes, poussant plus de 422 000 réfugiés supplémentaires à fuir le pays.

« La CPI a rendu publique une décision courageuse, alors que l’enquête annoncée sera semée d’embûches, en raison de la non-coopération d’un régime en pleine dérive autoritaire. Depuis le début de la crise en 2015, les autorités burundaises ont tenté de dissimuler leurs crimes en limitant ou interdisant la venue d’observateurs internationaux et de journalistes. Le Burundi a tenté de se soustraire à la justice internationale en étant le premier pays à se retirer de la CPI. L’annonce d’aujourd’hui montre que cette tentative était vaine. » Karine Bonneau, Responsable Justice internationale de la FIDH

Cette décision intervient alors que les victimes des purges et vagues répressives successives n’ont plus rien à attendre d’une justice burundaise aux ordres du régime et qui n’a ouvert aucune enquête crédible sur les crimes commis. Et alors que les instances politiques africaines (Union africaine ; Communauté des Etats d’Afrique de l’Est) et internationales (Conseil des droits de l’Homme ; Conseil de sécurité des Nations unies) n’ont toujours pas réussi à trouver les solutions politiques permettant de négocier une sortie de crise. Par conséquent, la CPI apparaît aujourd’hui comme l’ultime recours pour des victimes burundaises largement oubliées.

« Pour les victimes, qui n’ont plus rien à attendre de la justice burundaise, et qui ont souffert de l’indifférence de la communauté internationale, l’annonce aujourd’hui de l’ouverture d’une enquête de la CPI sonne comme un immense espoir. Espoir de voir les crimes commis sortir de l’oubli. Mais aussi, un jour, d’obtenir justice. » Florent Geel, Responsable Afrique de la FIDH

L’enquête s’annonçant particulièrement difficile et complexe, elle doit désormais être largement soutenue par les États concernés et les instances politiques africaines et internationales.

« Nos organisations, qui ont depuis le début de la crise en 2015 largement documenté les crimes commis via plusieurs enquêtes de terrain, notes et rapports, continueront à documenter les exactions commises au Burundi afin que l’enquête de la CPI puisse lever le voile sur les crimes commis et aboutir à poursuivre leurs responsables, quels qu’ils soient. » Anschaire Nikoyagize, Président de la Ligue Iteka