Réveil après coup de la Médiation Est-africaine dans la crise au Burundi
Diplomatie

PANA, 12 novembre 2017

Bujumbura, Burundi - Il aura fallu une décision surprise de la Cour pénale internationale (CPI) de lancer des enquêtes sur les «crimes contre l’humanité» présumés au Burundi pour que la Médiation est-africaine se rappelle à l’existence de la crise burundaise qui commençait à se faire oublier de la sous-région, de l’avis général des observateurs à Bujumbura.

La décision du 25 octobre dernier donne le feu vert à la Procureure de la CPI, Mme Fatou Bensouda, d’ouvrir une enquête sur des crimes supposés avoir été commis depuis le 26 avril 2015 jusqu’au 26 octobre 2017, notamment «le meurtre et la tentative de meurtre, l'emprisonnement ou la privation grave de liberté, la torture, le viol, la disparition forcée et la persécution".

Le pouvoir burundais se croyait à l’abri d’une telle surprise au bout d’un long processus de retrait de la CPI qui est devenu effectif, le 27 octobre dernier.

L’entêtement de la CPI est de nature à compromettre les efforts de la sous-région visant à obtenir une solution négociée, sont venus à la rescousse du pouvoir burundais, samedi, les présidents de l’Ouganda, Yoweri Kaguta Museveni, et de la Tanzanie, John Pombe Magufuli, en marge d’une cérémonie, au départ, dédiée à l’inauguration d’un oléoduc commun aux deux pays. 

L’Ouganda et la Tanzanie sont impliqués de près dans la laborieuse médiation est-africaine visant à sortir le Burundi de la crise politique autour des élections controversées et émaillées de violences de 2015. Les autres pays membres de la Communauté est-africaine sont le Kenya, le Rwanda et le Soudan du Sud.

L’actuel président ougandais est en même temps le Médiateur en chef de la Communauté est africaine au Burundi, l’ancien chef de l’Etat tanzanien, Benjamin William M’Kpa, lui servant d’adjoint.

La dernière visite de terrain du chef de l’Etat ougandais remonte au 14 juillet 2016 et était intervenue quelques semaines avant la réélection de son homologue burundais, Pierre Nkurunziza, pour un troisième mandat jugée contraire à la Constitution et à l’accord d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix et la réconciliation nationale, par ses opposants, y compris dans son propre camp.

A l’époque, le chef de l’Etat ougandais briguait, lui-même, un nouveau mandat sujet à controverse, au bout d’une trentaine d’années passées au pouvoir.

Nommé «Facilitateur» en 2016, la valeur ajoutée de l’ancien président tanzanien se fait toujours attendre au regard du peu de résultats à son actif, selon les analystes.

Le vieil homme d’Etat tanzanien (75 ans) s’était donné une année pour arracher un accord global de paix aux protagonistes de la crise burundaise, sans toutefois y parvenir aujourd’hui encore.

Pour le moment, la facilitation de M’Kapa se résume à trois rounds de consultations séparées avec les différents protagonistes de la crise burundaise, aux points de vue toujours tranchés.

Le pouvoir burundais maintient que la situation sociopolitique et sécuritaire a fini par se normaliser, ce à quoi rétorque l’opposition qu’il s’agit d’un «déni des réalités», au regard de «l’insécurité, des arrestations arbitraires, des cas de torture et de disparitions forcées toujours présentes» dans le pays.

Contrairement au pouvoir, l’opposition a applaudi des deux mains, la décision de la CPI de lancer des enquêtes sur les crimes supposés contre l’humanité au Burundi.

La CPI vient d’apporter de l’eau fraîche au moulin de l’opposition en revenant sur les violences «impunies» à ce jour d’une ampleur d’«au moins 1.200 morts, des détentions illégales de milliers de personnes, la torture de milliers d'autres, des centaines de disparitions, ainsi que le déplacement de plus de 400.000 personnes entre avril 2015 et mai 2017».

Des marches-manifestations encadrées par le pouvoir ont été organisées, samedi, à travers tout le Burundi, pour décrier la décision de la CPI «politiquement motivée» pour changer le régime en place dans le pays.

Le mot d’ordre général était d’appeler la population à rester vigilante face aux «ennemis de la nation» et aux velléités «néocolonialistes» visant à assoir un «pouvoir fantoche» au Burundi pour mieux exploiter et spolier les richesses naturelles du pays.