Burundi : la CVR a opté de travailler à partir de la "vérité factuelle"
Justice

@rib News, 18/11/2017 – Source Xinhua

La Commission Vérité Réconciliation (CVR) du Burundi a opté de travailler à partir de la "vérité factuelle" dans la réalisation des missions lui assignées, a déclaré Mgr Jean-Louis Nahimana (photo), président de la CVR burundaise.

La loi régissant la CVR burundaise, promulguée en mai 2014, a assigné à cette Commission, la mission de constituer une base de données sur les faits perpétrés au Burundi, en rapport avec des violations "massives" des droits de l'homme commises durant la période de 46 ans, c'est-à-dire allant du 1er juillet 1962 (date de l'indépendance) jusqu'au 4 décembre 2008, date supposé être la fin de la belligérance armée dans le pays.

Dans une interview accordée récemment à Xinhua en marge d'une séance de présentation des résultats sur les dépositions déjà recueillies dans six provinces au sujet des crimes perpétrés au Burundi durant cette période précitée, Mgr Nahimana a souligné que c'est cette base de données factuelles, qui servira de "socle" pour les réflexions à venir.

A ce jour, dans ces six provinces, près de 15 mille dépositions y ont été recueillies, alors que pour les enquêtes effectuées par la CVR dans les provinces de Muramvya (centre) et de Ruyigi (est), 697 fosses communes qui abriteraient des restes humains sur des crises du passé sanglant burundais, ont été citées, mais doivent être confirmées.

"A la CVR, nous avons décidé en effet de travailler à partir de la vérité factuelle. Car, jusqu'à présent, surtout au cours du passé lointain et récent du Burundi, il y a eu des constructions idéologiques, avec des intérêts partisans, soit politiques ou alors ethniques, qui font qu'aujourd'hui, on assiste à des lectures parallèles des mêmes événements, vécus par l'ensemble des Burundais. Face à cette situation, la CVR a préféré ne pas se laisser influencer par ces idéologies qui ont été construites, mais plutôt à revivre avec le peuple burundais ce qui s'est passé réellement en dehors des émotions des uns et des autres, dans une vision de porter un jugement cette fois-ci équilibré et consensuel", a-t-il souligné.

La conduite et la gestion du processus CVR sont "émaillées de multiples embûches", a poursuivi le prélat burundais avant d'exprimer cependant sa satisfaction sur le fait que la CVR sera le 10 décembre prochain à mi-parcours dans la réalisation du travail relatif au recueil des dépositions sur les "tragédies burundaises du passé sanglant".

En effet, à cette date, sur les 18 provinces burundaises, la CVR aura déjà effectué un recueil des dépositions dans 9 provinces.

"D'ici peu on aura déjà travaillé dans cinquante pour cent qui composent le Burundi. Si je vous dis qu'on est seulement à cinquante pour cent, ça été du à beaucoup de facteurs. En effet, la CVR burundaise a commencé à travailler dans un climat politique controversé qui n'est pas facile, car son travail a démarré au milieu de beaucoup de controverses, de perceptions et de peurs", a-t-il fait remarquer.

Mgr Nahimana a laissé entendre ensuite que la CVR, pour éviter de gaspiller le peu de moyens financiers à sa disposition, a plutôt adopté une démarche progressive, à savoir "aller province par province, d'abord pour tester elle-même, si la population burundaise est disposée à travailler avec elle".

Sur base des expériences préliminaires du terrain, a-t-il en outre signalé, la CVR est à même d'affirmer aujourd'hui que le bilan sur les adhésions populaires à ce processus burundais de recherche de la vérité et de la réconciliation sur de "graves crimes" ayant endeuillé le Burundi durant plus de quatre décennies, est largement positif.

"Oui le bilan est bel et bien très positif. Car, on voit que contrairement aux appréhensions et aux peurs des uns et des autres, les populations burundaises, au niveau local, sont vraiment préparées, enthousiastes et même impatientes pour apporter leurs témoignages dans une perspective d'apporter leur pierre à l'édifice dans la réussite du processus CVR au Burundi", a-t-il affirmé.

Mgr Nahimana a appuyé ses dires des témoignages populaires qu'il a recueillis récemment en province de Cibitoke (ouest) au cours d'une visite de terrain au cours de laquelle la population locale a manifesté son "engouement" au processus CVR sous forme des manifestations d'impatience pour son avancée rapide dans le temps et l'espace.

"Mais plutôt la population locale s'en prenait à nous, en nous disant ceci : ça fait déjà trois ans qu'on vous a attendu sans que vous veniez. Donc, à la CVR, nous avons tenu compte du contexte socio-politique prévalant aujourd'hui et nous avons écouté les doléances des uns et des autres ; mais, en revanche, nous n'avons pas ni croisé les bras, ni cédé à la peur", a-t-il insisté.

Il a rapporté également que le même engouement populaire dans ce processus CVR au Burundi, s'était manifesté dans d'autres provinces visitées pour y recueillir des dépositions, comme dans la province nordique de Ngozi où des agents de la CVR ont été "submergés" par de telles sollicitations.

A ce jour, a-t-il laissé entendre, eu égard à la modicité des moyens financiers, la CVR, une fois qu'elle juge avoir déjà obtenu assez de témoignages susceptibles de donner la "photographie" de l'ampleur des crimes commis dans une localité donnée, se voit obligée de marquer une pause au recueil des dépositions populaires.

"J'en profite pour vous indiquer qu'on n'a pas encore clôturé le recueil des dépositions. Nous n'avons pris que des échantillons, qui vont nous aider à comprendre ce qui s'est passé dans les localités ainsi endeuillées ; mais le chantier reste ouvert, même aujourd'hui, pour ceux qui veulent faire leurs dépositions auprès de la Commission", a-t-il nuancé.