Burundi : Débuts poussifs des pourparlers inter-burundais de paix
Politique

PANA, 29 novembre 2017

Bujumbura, Burundi - Les pourparlers inter-burundais de sortie d’une crise politique de plus de deux ans n’étaient pas encore entrés dans le vif du sujet, mercredi, au troisième jour de leur ouverture officielle, à Arusha, selon les échos médiatiques en provenance de cette ville du nord de la Tanzanie, censée les couver jusqu’au 8 décembre prochain.[Photo : Hôtel Ngurdoto Mountain Lodge, qui accueille les pourparlers inter-burundais à Arusha.]

Le round diffère des précédents par son importance cruciale, sa longue durée et par un nombre imposant d’une centaine d’invités provenant du pouvoir, de l’opposition, des organisations de la société civile, des confessions religieuses, des associations de jeunes, de femmes et des médias.

L'un des contre-temps dans ce "round de la dernière chance" est que la principale plate-forme de l’opposition en exil maintenait, mercredi, son mot d’ordre de boycott de la session qui sera dirigée par l’ancien président de la Tanzanie, Benjamin William M’Kapa, pour le compte de la Communauté d'Afrique de l'Est.

Le «Conseil national pour la défense de l’accord d’août 2000, à Arusha sur la paix, la réconciliation et la défense de l’Etat de droit » (Cnared), boude la session pour n'avoir pas été invité en tant qu'entité unique, dit-on du côté de cette coalition qui revendique une vingtaine de partis politiques membres. 

La délégation gouvernementale, quant à elle, est bel et bien présente à Arusha depuis dimanche dernier, avec néanmoins à sa tête, un simple fonctionnaire assistant au ministère de l’Intérieur et de la Formation patriotique, Térence Ntahiraja, selon toujours les échos médiatiques qui filtrent à Bujumbura du huis clos strict qui a été décrété par la Facilitation.

Le boycott des opposants risque cependant de faire l’affaire du pouvoir burundais qui ne voyait pas déjà d’un bon œil de se retrouver autour d’une table de discussions avec ceux-là mêmes qu’il accuse d'être liés au «mouvement insurrectionnel» contre le troisième mandat présidentiel controversé de 2015 et à la tentative de coup d'Etat manqué qui s’en était suivie.

Pour le moment, la seule avancée significative est que les participants présents en sont à se constituer en groupes de travail, selon des affinités et sensibilités politiques des uns et des autres, selon les mêmes correspondants de presse qui disent se contenter de communiqués à distance, de la part du bureau de la Facilitation.

Les différents groupes sont constitués, d’un côté, par des délégués de la mouvance présidentielle, de l’autre, par ceux de l’opposition intérieure présents à Arusha, en attendant de se retrouver en plénière à la clôture de la session.

Du côté des organisations de la société civile, celles qui sont proches de la mouvance présidentielle se sont mises également ensemble, de même que celles proches de l’opposition font bande à part.

Contrairement aux organisations de la société civile, réputées proches de la mouvance présidentielle et présentes en force à Arusha, celles dites «indépendantes» brillent par leur absence d’Arusha, officiellement pour des raisons de sécurité qui ne les rassurent pas, malgré les assurances et les garanties offertes par la Facilitation.

Sur une vingtaine d’organisations de la société civile indépendante, seuls le président de l’observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (Olucome), Gabriel Rufyiri et celui de Parole et action pour le changement de mentalités (Parcem), Faustin Ndikumana, sont signalés à Arusha, en provenance de Bujumbura.

Un autre bloc à part est fait d’anciens chefs d’Etat burundais, Pierre Buyoya, Sylvestre Ntibantunganya et Domitien Ndayizeye, selon toujours les reporters présents sur place, à Arusha.

Des experts en négociations ont été détachés par le bureau de la Facilitation pour canaliser les débats au niveau des différents groupes de travail, a-t-on encore appris.

Au terme des pourparlers, il est prévu la signature d’un accord global de paix pour le Burundi qui sera signé en présence des chefs d’Etat de la Communauté d’Afrique de l’Est, prévoit la Facilitation tanzanienne.

Dans son dernier communiqué, datant du 27 novembre dernier, le Cnared veut néanmoins savoir «entre qui et qui sera signé un accord, dès lors que le gouvernement n’est même pas présent à Arusha ?".

A l’agenda de la session figure, notamment, la négociation d’un gouvernement d’union nationale, chargé de gérer une période transitoire, vers de nouvelles élections qui se veulent plus consensuelles que celles controversées aujourd’hui encore de 2015.

La mouvance présidentielle a déjà signifié son refus d’une telle idée et menace de se retirer des pourparlers pour ne pas se rendre coupable d’une remise en cause de la volonté populaire qui a été exprimée en sa faveur, lors des élections de 2015, dit-on toujours à Arusha.

C’est, par contre, la principale revendication de l’opposition qui voit dans un éventuel gouvernement transitoire, l’une des voies possibles de sortie de la longue crise burundaise.

Deux principaux leaders de l’opposition intérieure ont fait le déplacement d’Arusha pour défendre l’idée d’un gouvernement d’union nationale ou de transition, «peu importe l’appellation pour peur qu’on ait la paix», de l’avis de Léonce Ngendakumana, qui représente le Front pour la démocratie au Burundi (Frodebu, ex-parti au pouvoir) aux pourparlers, dans cette ville du nord de la Tanzanie.

Un autre ancien chef de file de l’opposition présent à Arusha, cette fois dans les habits de vice-président de l’Assemblée nationale du Burundi, Agathon Rwansa, est sur la même lancée d’un gouvernement transitoire.

L’ancien chef rebelle des Forces nationales de libération (Fnl) s’était retrouvé avec des voix lui permettant d’entrer dans les institutions étatiques, malgré son boycott annoncé des élections générales de 2015.

Les participants à Arusha doivent s’entendre sur d’autres questions litigieuses ayant trait à la préservation de la constitution post-conflit de 2005 et l’accord inter-burundais d’août 2000, à Arusha, ayant mis fin à la dernière grande guerre civile à connotation ethnique.

De son côté, l’opposition en exil demande à la Facilitation de reporter cette session «afin d’entreprendre des consultations avec toutes les parties prenantes pour arrêter un agenda consensuel, une représentation paritaire des parties prenantes aux négociations, ainsi que des conditions sécuritaires rassurantes».

Le Cnared a lancé également un «appel solennel» à la communauté internationale, spécialement aux Nations Unies et à l’Union africaine, afin qu’elles s’impliquent pour le report de cette session «de tous les dangers» et dont les conclusions ne l’engageront «aucunement», et qui, à ses yeux, auront de «lourdes conséquences» sur le Burundi.

Différentes opinions à Bujumbura ne désespèrent néanmoins pas qu’il y aura à la fin des compromis de nature à soulager les peines de la population, éprouvée «moralement, physiquement, économiquement et socialement» par d'interminables chicanes politiciennes.

«On prend le même avion à Bujumbura pour vivre et partager à boire et à manger dans le même hôtel à Arusha pendant deux semaines et il y a lieu de se demander comment ne pas parvenir à s’entendre et à conclure une paix des braves», échange-t-on entre internautes, via les réseaux sociaux en vogue dans le pays.

La plupart des participants à Arusha sont des habitués de cette ville tanzanienne qui porte le nom du laborieux accord d'août 2000 ayant vu le jour au bout de plus de deux ans de tractations.

Tout un quartier à Bujumbura porte également le nom d'Arusha pour avoir été construit par les bénéficiaires des pourparlers de sortie de la guerre civile burundaise de 1993 à 2003, avec l'appui financier des Nations Unies et de l'Union européenne, se rappellent les mêmes internautes désabusés.