Les migrations et trafic de migrants au coeur du sommet UE-UA d'Abidjan
Afrique

@rib News, 30/11/2017 - Source Reuters

Le cinquième sommet Union européenne-Union africaine, qui s'est ouvert mercredi à Abidjan, a été sans surprise dominé par la question des migrations et du trafic de migrants en Libye qui ont soulevé des questions sur la politique européenne.

Plus de 80 dirigeants européens et africains se sont retrouvés en début d'après-midi pour l'ouverture de cette rencontre de haut niveau qui devait initialement mettre l'accent sur la jeunesse à l'heure où 60% de la population africaine a moins de 25 ans.

Mais l'émotion et l'indignation soulevées par la diffusion mi-novembre d'un reportage sur CNN, montrant une vente de migrants en Libye, a bousculé l'ordre du jour.

"Avec cet état de fait qui jette (la jeunesse africaine-NDRL) sur les routes de la mort, de l'immigration et de l'esclavage, la question de l'immigration se pose de façon dramatique", a estimé le président de la Commission africaine, Moussa Faki, dans ses propos liminaires, évoquant une "lugubre tragédie".

"Les responsabilités partagées sont écrasantes et nous interpellent : jusqu'à quand allons-nous assister à cette tragédie, inactifs, paralysés?", a-t-il poursuivi, se disant "horrifié" et "hanté par l'image de migrants africains vendus en esclaves".

"Ce sommet doit être le point de départ d'une action résolue", a-t-il dit.

Lors de la clôture du sommet, prévue jeudi, les dirigeants européens et africains devraient signer une déclaration commune "sur la question des migrations", selon une source diplomatique.

"ACTION COERCITIVE"

La Libye, en proie au chaos depuis la chute de l'ancien dirigeant Mouammar Kadhafi, a elle fait l'objet d'une réunion à part mercredi soir sur la traite des migrants, en présence de l'Union africaine, l'Union européenne, l'Onu, le Niger, le Tchad, le Maroc, l'Allemagne et la France.

Le pays est l'un des points de départ des migrants africains vers l'Europe. Les candidats au départ sont fréquemment les proies de passeurs qui leur fournissent des embarcations de fortune dangereuses.

Présent lors du sommet, deuxième étape de sa tournée africaine, Emmanuel Macron a, devant ses pairs européens et africains, appelé de ses voeux une "action déterminée, ensemble, pour lutter contre ce fléau mais pas en se renvoyant mutuellement les responsabilités".

Il faut "que nous puissions prendre une initiative claire en la matière, une action coercitive immédiate contre les réseaux des passeurs, nous devons les sanctionner et les frapper où qu'ils se trouvent car ceux qui dirigent ces réseaux ne se trouvent pas forcément en Libye et ceux qui dirigent ces réseaux ont parfois des implantations en Afrique", a-t-il ajouté.

Une "action de protection immédiate et massive des populations en danger" doit également être mise en place, a-t-il dit. "Nous devons aujourd'hui aller plus loin et en lien avec l'OIM (Organisation internationale pour les migrations-NDLR) accélérer le programme de rapatriements volontaires vers les pays d'origine."

Plus tôt dans la journée, la France avait plaidé au Conseil de sécurité des Nations unies pour des sanctions individuelles contre les trafiquants d'êtres humains.

RESPONSABILITÉ COMMUNE

Angela Merkel a plaidé pour sa part pour des filières légales de migration afin de permettre à des Africains de venir en Europe et de lutter ainsi contre les passeurs clandestins et les trafiquants qui réduisent en esclavage certains candidats au départ.

La chancelière allemande a insisté sur la nécessité d'organiser les mouvements migratoires alors qu'elle fait face à une crise politique liée à cette question dans son pays.

"Nous avons un intérêt commun à mettre fin à l'immigration", a-t-elle dit. "Cela concerne désormais l'ensemble du continent africain parce que des informations font état de jeunes hommes africains vendus comme esclaves en Libye", a-t-elle ajouté.

Pour le président du Conseil européen Donald Tusk, l'Europe et l'Afrique doivent se coordonner pour endiguer les abus et les violences.

"Il est clair que la migration est une responsabilité commune. Il est de l'intérêt de tous d'avoir une migration ordonnée, mieux contrôlée, plus humaine et durable", a déclaré Tusk, jugeant que les informations récentes en provenance de Libye étaient "effroyables".

"Le pire serait de commencer à s'accuser mutuellement", a-t-il poursuivi. "Nous avons désormais besoin de solutions communes et d'une coopération renforcée pour sauver des vies et protéger des gens. Notre devoir commun est de porter le combat contre les criminels sans scrupules."

(Marine Pennetier, Joe Bavier et Andreas Rinke, avec Pierre Sérisier à Paris, édité par Jean-Stéphane Brosse)