Fin de deux semaines de pourparlers inter-burundais à Arusha
Politique

PANA, 09 décembre 2017

Bujumbura, Burundi - Deux semaines de tractations entre acteurs politiques burundais se sont achevées, vendredi, à Arusha (photo, centre-ville), sans toutefois déboucher sur le très attendu accord global de paix qui devait être solennellement paraphé, notamment en présence des chefs d’Etat de la Communauté d’Afrique de l’Est, selon différents échos en provenance de cette ville du nord de la Tanzanie voisine ayant abrité la rencontre.

C’est dans un hôtel de brousse, à une trentaine de kilomètres du centre-ville d’Arusha, que les invités gouvernementaux, ceux des partis politiques reconnus par la loi, des groupes religieux, de la société civile, des femmes et des médias s’étaient retirés, loin des regards indiscrets, pour maximiser les chances de succès de ce qui passait pour la quatrième et dernière session à l’extérieur du Burundi, espérait le médiateur tanzanien, Benjamin William M’Kapa.

L’on apprend à la fin que ni le sommet ni la session plénière n’ont eu lieu pour amender et endosser le très attendu accord visant à résorber la crise autour des élections controversées et émaillées de violences de 2015.

La session semble plutôt avoir servi à creuser un peu plus le fossé entre les protagonistes de la crise burundaise, toujours habités par la méfiance et l’animosité réciproques.

Le bilan de la session-marathon se limite à une synthèse des travaux en groupes, telle que proposée et présentée par le bureau de la Médiation sous-régionale, conduite par l’ancien chef d’Etat de la Tanzanie, Benjamin William M’Kapa.

La session avait connu un faux départ, certains invités l’ayant boycottée, invoquant, entre autres raisons, l’absence de consultations préalables, l’ignorance des paramètres du dialogue et une supposée absence d’inclusivité ainsi que des problèmes de sécurité.

Parmi les absents notoires figure le Conseil national pour la défense de l’accord d’août 2000, à Arusha, sur la paix, la réconciliation et l’Etat de droit (Cnared, principale plateforme politique de l’opposition en exil).

La synthèse officielle des travaux dégage plus de points de divergences que de convergences, notamment au sujet de la dépolitisation et la promotion du professionnalisme au niveau de la Fonction publique, y compris les services de sécurité.

Un consensus a également fait défaut en ce qui concerne le respect des libertés fondamentales des individus et des groupements légalement enregistrés, comme la liberté d’association, de réunion, d’expression et de circulation.

Les parties prenantes ne sont pas non plus entendues sur l’indépendance de la magistrature, les prisonniers politiques, la modification de la Constitution, la situation sécuritaire, le désarmement des civils et autres groupes armés illégaux ou encore la protection des biens appartenant aux acteurs politiques en exil.

La démolition, dans des conditions encore floues, de l’hôtel du tout nouveau chef de file de l’opposition en exil, Jean Minani, a plané sur la session d’Arusha.

Le dialogue avec les groupes armés qui sont disposés à renoncer à la violence et à poursuivre la réinstallation pacifique, l’ouverture de l’espace politique, la levée des mandats d’arrêt et l’amnistie en faveur des détenus politiques sont autant d’autres points de divergences apparus au grand jour à Arusha.

La médiation laisse entendre que ces points de vue divergents nécessitent davantage de concertations entre les parties prenantes afin qu’une solution globale soit trouvée dans les meilleurs délais à l’impasse politique dans laquelle se trouve le Burundi.

Ces points de vue seront communiqués à un sommet des Chefs d’Etat de la Communauté d’Afrique de l’Est « pour davantage d’orientations », sans toutefois pas de précision sur la date de ce sommet.

Les parties prenantes ont, par contre, convergé sur la reconnaissance du fait que la crise burundaise est de nature « politique » et qu’elle nécessite, par conséquent, une solution « politique ».

Un « échec et une humiliation » pour le médiateur tanzanien qui tenait tant à un accord au bout de plus d’une année d’intenses tractations séparées, d’un côté avec le pouvoir burundais, de l’autre avec l’opposition, s’accordait-on à dire dans les différents milieux à Bujumbura, à la clôture en queue de poisson de la « session de la dernière chance ».

D’autres, notamment les internautes, via les réseaux sociaux, caricaturaient à volonté une « montagne qui a accouché d’une souris», allusion faite au célèbre Mont Kilimandjaro qui surplombe la ville d’Arusha et lieu de la rencontre inter-burundaise.

Si échec il y a, l’issue de la crise risque de prendre une tournure imprévisible, à la fois pour la sécurité et l’économie nationale déjà durement pénalisée par plus de deux ans de gel de la coopération avec les principaux partenaires techniques et financiers traditionnels du Burundi, selon les mêmes commentateurs.

Au niveau de la sécurité, des groupes armés encore tapis à l’ombre risquent également de faire régresser la paix retrouvée sur l’ensemble du territoire national, se montre-t-on néanmoins confiant, du côté du pouvoir burundais.

Pendant la session d’Arusha, le plus en vu de ces mouvements rebelles autoproclamés, le Front populaire burundais (Fpb), a saisi le médiateur de la disparition supposée, en terre tanzanienne, de quatre de ses cadres, dans des circonstances aujourd’hui encore mystérieuses.