La justice burundaise reste muette sur les jeunes assassinés, le 11 décembre 2015
Justice

Deutsche Welle, 11.12.2017

Le lendemain des attaques, près de trois cents jeunes avaient été arrêtés, certains chez eux. Selon les enquêtes, 154  d'entre eux ont été retrouvés morts d'une balle dans la tête.

Au Burundi, cela fait deux ans que trois camps militaires avaient été attaqués à Bujumbura. Vingt quatre mois après, les familles des victimes n'ont aucune trace des leurs et s'inquiètent que les enquêtes n'aient pas abouti. Nombreux ont peur de témoigner et timidement, ceux qui osent se gardent de décliner leurs identités pour des raisons de sécurité. [Photo : Des corps de personnes tuées dans le quartier de Cibitoke, à Bujumbura, le 9 décembre 2015.]

"Après les attaques de cette nuit là, les policiers, les soldats et ceux qui étaient en tenues civiles sont entrés dans nos quartiers. Ils ont commencé à toquer à chaque maison. On entrait là où il y a un jeune, on le faisait sortir et aller dans la rue. On les enchaînait puis on les transportait. Jusqu'à maintenant on ne sait pas où ils sont", témoigne, sous couvert d'anomymat, un jeune de Bujumbura qui a vécu la répression le lendemain des attaques contre les camps militaires.

La peur de témoigner

Notre témoin déplore l'arrestation et la disparition d'un proche. Selon lui, toutes les tentatives de recherche de son corps n'ont pas abouti. "Ils ont capturé un de mes amis du quartier, on l'a transporté, il était orphelin, il était avec sa sœur, son grand frère était parti pour le Rwanda. On l'a fait sortir mais sa sœur de supplier les policiers disant qu'il avait passé toute la nuit chez-lui, même les voisins l'ont témoigné. Malheureusement les policiers n'ont pas accepté. Il a continué jusqu'au pont Ntahangwa. Il y avait d'autres garçons, des cadavres partout. On n'a pas pu encore trouver ses nouvelles jusqu'à maintenant. Peut-être on l'a tué ou alors on l'a jeté dans des fosses communes, on ne sait pas", s’inquiète-t-il. 

Des moments inoubliables

Pendant ces événements inoubliables, aucun déplacement n’était autorisé à Bujumbura. Les gens étaient terrés chez-eux, des crépitements d'armes automatiques retentissaient partout. Sous couvert d'anonymat, cet autre témoin pleure encore l’assassinat par balles d'un de ses parents.

"Ce qui m'a fortement choqué, j'ai perdu trois membres de ma familles à cause de ces événements, un qui vivait à Nyakabiga, l'autre à Musaga. Alors qu'il sortait de la prière matinale, il a dû être arrête par les hommes en uniformes qui l'ont tué à bout portant dans la tête. C’était vraiment dur de voir la mort  macabre de ce jeune homme d'environ quarante ans. Vous avez porté plainte ? Où en-êtes vous avec les procédures judiciaires ? Je pense qu'il faudrait attendre un moment, avec l'ouverture de l’enquête de la CPI, on pense bien que notre cas sera reconnu."

Les victimes attendent

Les enquêtes du ministère public sur les événements n'ont pas encore abouti. Par crainte pour leur sécurité, les proches des victimes ont peur de porter plainte. Sans traces des leurs après les recherches dans les prisons, certaines familles hésitent encore à observer le deuil dans l'espoir de les retrouver un jour.