Le Burundi : Le gouvernement face à plusieurs défis d’intégration à l’EAC
Cooperation

PANA, 09 janvier 2018

 Bujumbura, Burundi - Le bilan d’intégration au sein de la Communauté d’Afrique de l’est/East african community (CAE/EAC) dégage un certain nombre de défis endogènes et exogènes pour le Burundi, notamment «la problématique de l’harmonisation institutionnelle et de l’harmonisation des lois» avec les cinq autres pays membres, ainsi que «le faible niveau d’appropriation par certains partenaires nationaux», a-t-on appris, mardi, de source officielle à Bujumbura.

Les six pays de l'Afrique de l'Est sont le Burundi, le Kenya, l'Ouganda, le Rwanda, le Soudan du Sud et la Tanzanie, pour une population de plus de 140 millions de citoyens, répartis sur une superficie de 1,8 million de kilomètres carrés m², avec d'importantes ressources naturelles.

Au cours d'un point de presse sur les réalisations de l’année 2017 et les perspectives pour 2018, la ministre burundaise chargée des Affaires de la Communauté Est-africaine, Mme Isabelle Ndahayo, a indiqué que l’harmonisation des lois et l’harmonisation institutionnelle suivent néanmoins le cours normal.

C’est surtout le rythme qui est «assez lent», comme au niveau de la mise en place de l’«Autorité burundaise de régulation des médicaments et des aliments» (ABREMA), de la «Commission des réformes de la législation» ou encore au niveau de l’«Autorité burundaise sur la Concurrence», a-t-elle illustré.

Le budget national d’austérité, pour sa part, restreint le champ des interventions et ne permet pas d’avoir les coudées franches dans l’atteinte de certains objectifs telle la participation à la «Zone tripartite» regroupant le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), la Communauté Est-africaine (EAC) et la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC).

Par ailleurs, le rythme ne suit pas quant au changement des mentalités locales «pour s’ajuster à la donne de l’intégration et aux défis émergents dans la région et dans le monde», selon la même source.

La finalisation de la «Stratégie d’intégration régionale et du «Plan stratégique» du ministère, conformément au «Plan national de développement (PND) et aux «Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, sont au centre des préoccupations pour cette année nouvelle, selon Mme Ndahayo.

D’autres problèmes plus concrets se posent dans le processus d’intégration du Burundi au sein de la Communauté Est africaine, notent des experts indépendants à Bujumbura.

C’est en 2010 que la Communauté d’Afrique de l’Est a inauguré théoriquement son propre marché commun des biens, du travail et des capitaux, avec comme ultime objectif de créer une monnaie commune, en 2012, et une fédération politique, en 2015, rappelle-t-on.

Dans l’état actuel des choses, force est néanmoins de constater qu’au niveau économique, la concurrence commerciale reste farouche et rude entre les pays membres de la Communauté.

Par ailleurs, les économies de ces Etats sont «similaires» et donc «peu complémentaires», note un ancien administrateur de la Banque centrale du Burundi, Mathias Sinamenye, en novembre dernier, au cours d'une conférence publique sur les avantages et les inconvénients liés à l’intégration du Burundi à la Communauté d’Afrique de l’Est.

En 2017, la situation du Burundi restait «dramatiquement marginale, quel que soit l’angle d’observation», note l’un des éminents économistes reconnus et ancien cadre burundais à la Banque mondiale (BM).

Selon le même expert, le Burundi est en déficit avec tous les six pays membres de la Communauté, à l’exception du Rwanda.

Par ailleurs, avec 6,6% de la population totale de la Communauté Est-africaine, le produit intérieur brut (PIB) du Burundi n’est que de 1,8% du PIB de la CAE et sa croissance a été la plus lente ces dernières années.

L’expert rappelle encore que la base de production industrielle du Burundi reste «très étroite» et non diversifiée, tandis que dans d’autres secteurs porteurs de croissance, comme l’agriculture, il s’agit plutôt d’une «agriculture de subsistance» à laquelle s’est greffée deux cultures d’exportation, le café et le thé, totalisant à eux seuls plus de 70% des exportations, les autres exportations étant les boissons et le sucre «au moment où les importations sont plus diversifiées».

Dans les chiffres de l’économiste, le Burundi importait récemment encore pour «20 à 30%» du total de ses importations de la Communauté d’Afrique de l’Est, mais exportait pour environ «10%» vers cet ensemble sous-régional.

De plus, en valeur absolue, le Burundi représente un poids bien modeste de 85 millions de dollars américains d’échanges (dont 5,3 millions d’exportations) dans la Communauté, contre 1.144 millions de dollars pour le Kenya, se référent à 2017.

Rester à l’écart de l’intégration régionale n’est toutefois pas une option stratégique pour le Burundi qui doit plutôt examiner attentivement comment tirer profit de son appartenance à la Communauté Est-africaine, selon le même expert.

Pour cela, il faut préalablement rectifier la vision stratégique doublée d’une faible coordination, trouver des solutions à la faiblesse des ressources humaines et financières affectées au processus d’intégration, à l’enclavement et à la médiocrité des infrastructures, y compris l’énergie, à la faible gouvernance politique et économique qui rendent le climat d’investissement peu incitatif.

En tant que seul pays francophone de cet ensemble régional anglophone, la CEA ressemble linguistiquement encore à une «Tour de Babel » pour nombre de Burundais, selon les analystes.