Vivre en Ontario quand le Burundi est décimé par la guerre
Diaspora

@rib News, 10 Janvier 2018

TORONTO – Alors que le conflit politique perdure depuis plusieurs années au Burundi, les membres de la communauté ayant trouvé refuge en Ontario s’inquiètent du sort réservé à leurs familles.

Joseph Bitamba [photo] vit au Canada depuis 2003. Le cinéaste et réalisateur, bien établi dans la communauté francophone ontarienne, avoue que la situation l’inquiète.

«Il n’y a pas de sécurité au Burundi. Les gens ne peuvent pas quitter et c’est assez angoissant de savoir que nos proches sont à la merci de cette situation», explique-t-il à #ONfr.

M. Bitamba indique que peu de contacts sont possibles avec les membres de sa famille, sauf par les réseaux sociaux.

«Les gens ont très peur. Il y a beaucoup de morts. C’est une situation dramatique, même si on n’en parle pas», souligne-t-il.

Justine Nkurunziza est arrivée depuis environ un an au Canada. Établie dans la région d’Ottawa, elle a immigré seule. La plupart des membres de sa famille ont dû s’exiler dans le pays voisin, le Rwanda. Craignant pour sa sécurité, Mme Nkurunziza n’a pas remis les pieds au Burundi ni dans les pays voisins. Selon l’Organisation des Nations unies (ONU), 425 000 personnes ont été poussées à l’exil, depuis le début du conflit en 2015. 

«Comme pour tous ceux qui ont manifesté contre le pouvoir, on s’attaque à leur famille proche et élargie, alors on doit fuir», souligne-t-elle.


«C’est difficile de penser que d’un moment à l’autre, il peut leur arriver quelque chose. On sait que l’on est relativement en sécurité, mais c’est tout de même angoissant.» – Justine Nkurunziza


Charles Karorero, Burundais d’origine, est installé à Windsor depuis 2008. Il s’inquiète aussi du sort réservé à sa famille et à ses amis. Il se dit frustré de voir que le conflit perdure sans véritable porte de sortie, et ce dans la relative indifférence du reste du monde.


«Beaucoup de gens avec qui j’ai grandi et suis allé à l’école sont décédés, c’est inquiétant de voir ça et on ne sait pas vers qui se tourner pour nous aider.» – Charles Karorero


La situation au Burundi ne suscite pas assez de discussions sur la scène internationale, malgré les nombreux rapports de l’ONU et des organisations non gouvernementales (ONG) spécialisées dans les droits de l’homme qui font état des atrocités. L’ONU rapporte plus de 2000 morts depuis 2015.

Le Canada peut en faire plus

Selon M. Bitamba, le Canada a un rôle à jouer dans la résolution de ce conflit. Par le passé, Ottawa s’est impliqué pour réunir les parties prenantes à la table des négociations.

Mme Nkurunziza souligne toutefois que le Canada est l’un des rares pays à s’exprimer publiquement contre le gouvernement burundais.

«Le Canada devrait travailler pour réunir les familles, car le processus est trop long et trop compliqué», insiste Mme Nkurunziza.

M. Karorero partage la même opinion que ses compatriotes.

«On essaie depuis longtemps d’attirer l’attention sur les exilés dans les camps de réfugiés (…), mais c’est difficile. C’est une situation inacceptable et je doute que le Canada accepte beaucoup de ces réfugiés», indique-t-il.

Environ 140 Burundais sont établis dans la région de Windsor. M. Karorero essaie de collecter des fonds avec leur aide pour donner un coup de pouce à ceux qui sont encore pris dans le conflit de ce pays de l’Ouest africain. Il se réjouit de voir que la communauté est solidaire sur ce point.

Depuis 2015, le Canada n’expulse plus les Burundais qui sont au pays illégalement. Une décision qui est saluée par la communauté.

«Nous sommes très reconnaissants, c’est un gros geste», lance Mme Nkurunziza.

Venir au Canada, un processus compliqué pour un pays en guerre

L’obtention d’un visa pour venir au Canada reste un processus long et ardu, insiste M. Bitamba. Il rappelle qu’il faut débourser beaucoup d’argent pour y arriver, ce qui n’est pas toujours possible pour les Burundais.

«Il faut avoir de l’argent pour immigrer au Canada et ce n’est pas le petit réfugié, ou le petit paysan qui est menacé dans les montagnes qui va pouvoir le faire», déplore le cinéaste.

M. Karorero explique également qu’il est difficile de trouver des parrainages, spécialement pour celles et ceux qui n’ont pas de famille déjà établie ici. Il espère qu’Ottawa accordera plus de statuts de réfugiés à des Burundais, ce qui faciliterait leur venue.

Un conflit au Burundi

Entre 1993 et 2006, le Burundi a été plongé dans une guerre civile qui a coûté la vie à plus de 300 000 personnes, selon le gouvernement de l’époque. Tout comme le génocide au Rwanda, le pays voisin, le conflit opposait les Hutus et les Tutsis. En 2005, un accord de paix a été conclu et a porté Pierre Nkurunziza au poste de président.

En 2015, le président Nkurunziza a choisi de se représenter pour un troisième mandat, malgré la limite de deux termes présidentiels instaurée par la Constitution. Son geste a plongé le pays dans une crise et provoqué une tentative de coup d’État par les forces militaires.


Le Burundi en bref:

  • 10 millions d’habitants
  • Espérance de vie moyenne: 57 ans
  • Langues parlées: Français et Kirundi
  • 160e pays sur 180 quant à la liberté de la presse, selon Reporters sans Frontières
  • 191e pays sur 195 quant à l’indice de développement humain

JEAN-FRANÇOIS MORISSETTE