Burundi : contribution du personnel de la santé publique à la caisse des élections
Politique

PANA, 20 janvier 2018

Burundi: 49.000 dollars américains de contribution du personnel de la santé publique à la caisse des élections

Bujumbura, Burundi - La ministre de la Santé publique et de la Lutte contre le Vih/Sida, Mme Josiane Nijimbere, a fait état d’un montant de 86 millions de francs burundais (49.142 dollars américains) qui a été collecté et versé, vendredi (photo), à la banque centrale, comme « contribution volontaire » du personnel à la caisse des élections générales de 2020.

Selon Mme Nijimbere, ses administrés sont encore chauds pour alimenter la caisse des élections, sur la base d'une ordonnance conjointe des ministères de l’Intérieur et des Finances qui instaure des retenues sur salaire à la source, pour l'ensemble des fonctionnaires de l’Etat burundais.

Les personnels de la Présidence de la République et du ministère de l’Intérieur sont également déjà passés à la caisse pour des montants respectifs de 50 millions de francs burundais (28.571 dollars américains) et de 43 millions de francs (24.571 dollars).

Le chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, avait donné le premier l’exemple, en s’acquittant d’un montant de cinq millions de francs burundais (2.857 dollars), avant que d’autres dignitaires du régime ne lui emboîtent le pas, « au nom de la souveraineté nationale et de la démocratie ».

Les partenaires techniques et financiers traditionnels du Burundi avaient boudé les précédentes consultations populaires de 2015, jugées contraires aux normes d’équité et de transparence.

Le ministre de la Fonction publique, du Travail et de l’Emploi, Félix Mpozeriniga, a rendu publique, jeudi, une note de mise en application effective de l’ordonnance ministérielle conjointe qui précise que les retenues, cette fois, « sur salaire de base », commenceront avec ce mois de janvier.

Les deux principales confédérations des syndicats du Burundi (Cosybu) et des syndicats libres du Burundi (Cslb) venaient à peine de saisir le ministère d’une correspondance demandant de sursoir à l’ordonnance, le temps d’engager un dialogue sur les modalités consensuelles de sa mise en application effective.

Un groupe de 25 députés de l’opposition parlementaire est également monté au créneau, en début de cette semaine, pour attaquer une ordonnance « contraire à la Constitution ».

Les députés se fondent notamment sur l’article 70 de la Constitution qui stipule que « l’Etat peut proclamer la solidarité de tous devant les charges qui résultent des calamités naturelles et nationales ».

Or, « les élections ne constituent pas une calamité naturelle », motivent-ils dans leur pétition dont l’un des signataires, Agathon Rwasa, se trouve être l’actuel vice-président de l’Assemblée nationale.

L’ordonnance portant modalités de collecte de la contribution de la population aux élections de 2020, distingue trois catégories de contributeurs.

Les citoyens « non-salariés », notamment ceux qui vivent de l’agriculture ou d’un simple métier ne générant pas de salaire mensuel, contribueront à hauteur de 2.000 francs burundais (1,1 dollar américain), par an et par ménage.

Une contribution de 1.000 francs (0,5 dollar) sera exigée annuellement aux élèves et étudiants en âge de voter, prévoit la même ordonnance.

Dans cette catégorie des non-salariés, deux collectes seront organisées à partir de 2018, l’une au mois de juillet, et l’autre, au mois de décembre.

Les administratifs à la base se chargeront des collectes et du versement des fonds collectés sur des comptes ouverts à cet effet, indique l’ordonnance.

Dans la catégorie des fonctionnaires de l’Etat, l’ordonnance stipule que la contribution mensuelle sera déterminée en fonction des salaires et pour une durée de deux ans.

Un salaire allant jusqu’à 50.000 francs burundais (28,5 dollars) sera imposé à hauteur de 500 francs, entre 50.001 et 100.000 francs burundais, la contribution sera de 1.000 francs.

Pour un salarié touchant entre 100.001 et 200.000 francs burundais (entre 57 et 114 dollars), la contribution sera de 2000 francs burundais (11,4 dollars américains).

De 200.001 à 500.000 francs burundais (entre 114 et 285 dollars), la contribution sera de 5.000 francs burundais.

Entre 500.001 et 1.000.000 francs burundais (285 à 571 dollars), la contribution sera de 30.000 francs burundais (17,1 dollars), tandis que ceux des fonctionnaires touchant un salaire de plus d’un million, leur contribution sera d’un mois de salaire par an.

Dans la catégorie des personnes morales ou physiques, notamment les entreprises, les sociétés, les associations ou encore les opérateurs économiques, leurs contributions « seront guidées par leur propre volonté et le sens patriotique de chacun », précise l’ordonnance ministérielle.

Le contributeur de cette catégorie aura droit à un récépissé du montant versé, sous le label de : "Amatora meza 2020» (Bonnes élections 2020, en langue nationale, le Kirundi).

Les détracteurs de l’ordonnance ministérielle se fondent encore sur le manque de transparence qui risque d’entacher la collecte et la transmission des fonds, au regard de la multitude d’intervenants.

D’autres pourfendeurs de l’ordonnance trouvent qu’elle devait d’abord attendre l’estimation des besoins réels des prochaines élections, ce qui est toujours en préparation, dit-on du côté de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).

La vie de plus en plus chère et différentes autres charges qui pèsent sur les ménages burundais sont autant d'autres arguments généralement avancés pour décrier l'ordonnance dans un pays où près de 70% de la population vivent déjà en dessous du seuil de pauvreté, soit avec moins d'un dollar américain par jour, selon les Nations unies.

Les élections de 2015 avaient été budgétisées pour un montant global de 40 millions de dollars dont une grande part a été finalement supportée par le budget de l’Etat et quelques contributions volontaires des plus nantis pour combler les promesses non tenues par la Communauté internationale.