Fin d'une semaine tendue entre les Nations unies et le Burundi
Politique

PANA, 11 février 2018

Bujumbura, Burundi - La semaine qui tire à sa fin aura été marquée au Burundi par le retour aux marches-manifestations dans les rues de Bujumbura, dirigées samedi contre les Nations unies, pour un nouveau rapport critique de la situation générale du pays, deux ans et demi après l’éclatement de la crise autour des élections controversées et émaillées de violences de 2015. [Photo : Manifestation samedi dans les rues de Bujumbura contre le dernier rapport du de l’ONU.]

On avait assisté à de précédentes marches-manifestations similaires quand les Nations unies avaient voté une résolution portant sur l’envoi d’au moins 3.000 casques bleus pour prévenir le "risque de génocide", ainsi qu’à chaque sortie des nombreux rapports tout aussi alarmants du Haut commissariat  des Nations unies aux droits de l’Homme.

La Résolution avait été classée sans suite et il a fallu que la Cour pénale internationale des Nations unies décide de lancer des enquêtes sur de présumés "crimes contre l’humanité" au Burundi pour que les rues de la capitale grondent à nouveau, au mois d’octobre dernier.

Samedi, c’est officiellement la municipalité de Bujumbura qui a endossé la marche-manifestation dans laquelle a été particulièrement conspué l’actuel Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies au Burundi, en même temps ancien président de la transition au Burkina Faso, Michel Kafando, présumé auteur et inspirateur du rapport en cause.

"A bas Michel Kafando", a crié la foule, à maintes reprises, pour dénoncer un rapport "sans fondement" sur un pays "paisible et souverain".

Nombreux sont les commentateurs à Bujumbura qui prédisent déjà à M. Kafando le même sort que ses prédécesseurs, Jamal Ben Omar, le Marocain, Saïd Djinit, l’Algérien et Abdoulaye Batilly, le Sénégalais, qui n’étaient pas allés jusqu’au terme de leurs missions de bons offices au Burundi.

Trois enquêteurs des Nations unies sur la situation des droits de l’Homme au Burundi, le Sud- africain, Christoph Heyns, le Colombien Pablo De Grief et l’Algérienne, Mme Maya Sahli Fadel, ont été également déclarés persona non grata au Burundi pour un rapport accusant le gouvernement de graves violations des droits de l’Homme.

Le nouveau rapport qui fâche à Bujumbura rappelle que, nommé le 5 mai 2017, l’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies s’est rendu à plusieurs reprises au Burundi et dans les pays de la région et a tenu des séances d’information avec le Conseil de sécurité, les 26 juillet et 20 novembre 2017, sur la situation dans le pays.

Le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Goutterez, constate que: "plus de deux ans et demi après le déclenchement de la dernière crise au Burundi, la situation politique demeure tendue. Le gouvernement continue d’essayer d’obtenir une révision de la Constitution, ce qui exacerbe les tensions avec l’opposition".

"Entravés par la méfiance qui règne entre le gouvernement et l’opposition, les efforts faits au niveau régional pour réunir les parties au conflit n’ont rien donné pour le moment. Au lieu de chercher un terrain d’entente, les parties continuent de se quereller au sujet du processus de dialogue".

Sur le plan socio-économique, "la situation au Burundi continue de se détériorer", relève le même rapport, se fondant sur des chiffres de la Banque mondiale (BM).

A ce propos, le taux de croissance économique a stagné à 1,5% en 2017 et les principaux indicateurs socio-économiques sont restés inchangés, tandis que l’investissement public et les réserves en devises ont chuté brutalement pendant l’année.

Dans le détail du rapport, l’inflation s’est envolée, passant de 5,6% en décembre 2016, à 18%, au début de décembre 2017.

D’un autre côté, la pénurie de dollars américains a entraîné une augmentation des coûts des biens importés, notamment des vivres, des médicaments et de l’électricité et partant une raréfaction de ces biens ainsi que la dépréciation de la monnaie nationale, selon la même source.

Par ailleurs, avec un taux de 65% en décembre 2017, le chômage des jeunes est également très préoccupant au Burundi.

Le rapport onusien rappelle que le gouvernement burundais affirme, malgré tout, que le budget de l’Etat augmentera de 6,2% en 2018 et s’est également engagé à financer plus de 80% du budget au moyen de ressources internes "de façon à mettre un terme à sa dépendance vis-à-vis de l’aide étrangère et à protéger la souveraineté du pays".

Les Nations unies notent encore que la situation humanitaire reste "gravement préoccupante" dans un pays où on comptait 188.000 personnes déplacées intérieures, en novembre dernier, dont 58% avaient moins de 18 ans.

Le nombre de réfugiés dans les pays voisins, quant à lui, s’est élevé à 400.000, en décembre, dont environ 254.000 en Tanzanie.

Le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) recherche près de 400 millions de dollars américains pour faire face aux besoins des réfugiés burundais, dont 50.000 nouveaux viendront grossir les rangs cette année, dans les prévisions de l'agence spécialisée des Nations unies.

Parmi les observations et recommandations du Secrétaire général des Nations unies, on lit qu’il est "très préoccupé" de voir que le processus de dialogue inter-burundais reste "dans l’impasse" malgré les efforts "inlassables" que le facilitateur tanzanien, Benjamin William M’Kapa fait, avec l’appui "vigoureux de mon Envoyé spécial" pour que le dialogue reprenne.

"Il est crucial que toutes les parties et plus particulièrement le gouvernement, s’engagent en faveur du processus mené sous les auspices de la Communauté d’Afrique de l’Est et parviennent à un accord avant les élections qui se tiendront en 2020", recommande-t-il.

A cette fin, "nous devons re-dynamiser nos efforts collectifs de façon à mettre un terme à la crise et aux terribles souffrances qui en résultent pour le peuple burundais et je continue donc de compter sur les dirigeants de la sous-région, la Communauté d’Afrique de l’Est et l’Union africaine et je les engage à tout faire pour que la stabilité soit restaurée au Burundi", souligne M. Guterrez.