56% du corps électoral partiellement enrôlés au Burundi
Politique

PANA, 13 février 2018

Bujumbura, Burundi - Le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Pierre Claver Ndayicariye, a fait état, mardi, d’un bilan, à mi-parcours, de 2.505.829 candidats électeurs déjà inscrits pour prendre part au référendum constitutionnel de mai prochain et aux élections générales de 2020, soit un taux de participation de 56%, à cinq jours de la fin des opérations. [Photo : Centre d'inscription à Kinama en Mairie de Bujumbura.]

L'enrôlement a été programmé sur une période de dix jours, allant du 7 au 17 février, et dans ses projections, l’autorité électorale nationale table sur un effectif de 4.452.679 candidats potentiels à ce marathon électoral inédit au Burundi.

Le chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, s’est fait enrôler mardi dans sa région natale de Ngozi, au nord du pays, d’où il a appelé les retardataires à hâter le pas, d’ici le 17 février prochain, date de la fin des opérations, pour éviter des prolongations coûteuses en temps et en argent, a rapporté la radio publique.

Les moyens financiers préoccupent d’autant plus que le pouvoir burundais est privé des aides financières de la Communauté internationale depuis les dernières élections controversées et émaillées de violences de 2015.

C’est dans ce contexte que le gouvernement a décidé de mettre à contribution les différentes catégories socio-professionnelles de la population pour l’autofinancement, « à 100% », des prochaines élections, non sans grognes dans les milieux des fonctionnaires de l’Etat, ceux de l’opposition et de la Société civile indépendante.

La Communauté internationale reste, par contre, attentive à l’évolution politique au Burundi, principalement en ce qui concerne le processus électoral, en témoigne le dernier rapport du Secrétaire général des Nations unies, Antonio Gouterez, au Conseil de sécurité.

On y lit que «le gouvernement burundais continue de s’employer à obtenir une révision de la Constitution, en dépit des préoccupations de nombreuses parties prenantes et de nombreux partenaires du Burundi ».

Le rapport rappelle, d'un côté, que le 12 décembre, le président du Burundi, Pierre Nkurunziza, a lancé une campagne en faveur de la révision de la Constitution, en présence de représentants du gouvernement, de dirigeants des partis politiques proches du pouvoir, de représentants des milieux diplomatiques et de milliers de personnes.

A l’occasion, le président a appuyé « vigoureusement » les amendements qui étaient proposés, y voyant un moyen de doter le Burundi d’une « Constitution moderne », et a déclaré que ceux qui s’opposeraient, en paroles ou en actions, aux changements auraient franchi une « ligne rouge », selon la même source.

En réponse, l’un des responsables de l’opposition, Agathon Rwasa, également le Premier vice-président de l’Assemblée nationale, a boycotté la cérémonie qu’il a qualifiée de « violation de la loi », illustre le rapport onusien.

Un autre poids lourd de l’opposition extraparlementaire, Léonce Ngendakuman, a estimé que la campagne risquait d’envenimer le climat socio-politique du Burundi.

Pour le patron des Nations unies, « les révisions proposées pourraient anéantir certains des progrès qui avaient été rendus possibles par l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha pour le Burundi, notamment la possibilité de supprimer les quotas ethniques.

L’Accord d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, avait mis fin à plus d’une décennie de guerre civile et édicté des mécanismes consensuels de partages du pouvoir dans des proportions de 60% pour la majorité ethnique des Hutu et 40% pour la minorité Tutsi.

Le rapport onusien revient sur les révisions proposées au référendum de mai prochain, dont un septennat présidentiel à la place du quinquennat habituel, un réexamen des quotas ethniques de 60 % de Hutu et 40 % de Tutsi, jusque-là appliqués dans les instances du pouvoir exécutif, au Parlement et dans l’appareil judiciaire au bout de cinq ans de la prochaine législature.

Les autres propositions d’amendement portent sur l’introduction d’un poste nouveau de Premier ministre et la suppression de celui de deuxième vice-président de la République.

Dans le projet de Constitution révisée, il est encore prévu que l’adoption des lois ordinaires se fassent à la majorité simple et non plus à la majorité des deux tiers.

Le rapport fait encore échos des contributions qui ont été demandées aux citoyens pour financer les prochaines élections et qui ne sont pas consensuelles dans les différents milieux burundais.

 « Depuis janvier 2018, les salariés, les étudiants et les chômeurs sont tenus de verser un certain montant, compris entre l’équivalent, en dollars américains, de 50 centimes et un mois de salaire par an. La cotisation des fonctionnaires est prélevée à la source. Ceux qui ne peuvent pas cotiser sont tenus de présenter une justification écrite ».

Le fonds a été établi en juin 2017 par le président Nkurunziza, qui y a versé une cotisation de 5 millions de francs burundais (2.850 dollars) et demandé à la population de faire son devoir civique, avant que plusieurs ministres, des cadres de l’Etat et des organisations de la sSociété civile proches du pouvoir ne lui emboîtent le pas, rappelle la même source.

D’autres responsables d’organisations de la Société civile indépendante, notamment Faustin Ndikumana, de « Parole et action pour le réveil des consciences et l’évolution des mentalités » (Parcem), et Gabriel Rufyiri, de l’ « Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques » (Olucome) ont, par contre, condamné la campagne, la considérant comme « illicite », lit-on toujours dans le rapport onusien.

 « M. Rufyiri est allé jusqu’à qualifier le système de vol organisé pour spolier le peuple le plus pauvre de la Terre », d’après la même source.

Parmi les observations et recommandations du Secrétaire général des Nations unies, on lit qu’il est "très préoccupé" de voir que le processus de dialogue inter-burundais reste "dans l’impasse" malgré les efforts "inlassables" que le facilitateur tanzanien, Benjamin William M’Kapa, fait, avec l’appui "vigoureux de mon Envoyé spécial" pour que le dialogue reprenne.

"Il est crucial que toutes les parties et plus particulièrement le gouvernement, s’engagent en faveur du processus mené sous les auspices de la Communauté d’Afrique de l’Est et parviennent à un accord avant les élections qui se tiendront en 2020", recommande-t-il.

A cette fin, "nous devons redynamiser nos efforts collectifs de façon à mettre un terme à la crise et aux terribles souffrances qui en résultent pour le peuple burundais et je continue donc de compter sur les dirigeants de la sous-région, la Communauté d’Afrique de l’Est et l’Union africaine et je les engage à tout faire pour que la stabilité soit restaurée au Burundi", souligne M. Guterrez.