Le Conseil tient un débat interactif sur la situation des droits de l'homme au Burundi
Droits de l'Homme

@rib News, 13/03/2018 – Source HCDH

De pays en voie de développement, le Burundi est redevenu en 2016 un pays d’urgence humanitaire, déplore la Commission d’enquête sur le Burundi

GENEVA (13 mars 2018) - Le Conseil des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, un débat interactif avec les membres de la Commission d’enquête sur le Burundi, sur la base d’une mise à jour orale présentée par les trois membres de cette Commission : son Président, M. Doudou Diène, et Mmes Françoise Hampson et Lucy Asuagbor. 

M. Diène a appelé le Burundi à revoir sa position et à s’engager dans un dialogue constructif avec la Commission.  Depuis septembre dernier, a-t-il déclaré, la situation politique, sécuritaire, économique, sociale et des droits de l’homme ne s’est pas améliorée au Burundi.  Les autorités burundaises semblent adopter une attitude de non coopération avec les partenaires internationaux du pays, a-t-il déploré, rappelant notamment que le pays avait annoncé ne pas avoir l’intention de coopérer avec la Cour pénale internationale, alors qu’il y est tenu en vertu du Statut de Rome auquel il était partie jusqu’au 27 octobre 2017.  Le Burundi a également critiqué le rapport du Secrétaire général des Nations Unies présenté le mois dernier (février 2018) au Conseil de sécurité ; il a en outre rejeté le plan de réponse humanitaire que le Bureau de coordination des affaires humanitaires a présenté le 19 février dernier, considérant que les chiffres avancés dans ce document étaient erronés ; et les autorités burundaises ont également contesté les statistiques présentées par le Haut-Commissariat pour les réfugiés dans son plan annuel de réponse régionale pour les réfugiés burundais lancé le 6 février dernier à Genève.  Quant à l’accord de siège entre le Gouvernement burundais et le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, il reste toujours suspendu, une situation qui perdure depuis octobre 2016. 

En octobre 2017, « mon prédécesseur et mes collègues » ont par ailleurs fait l’objet de menaces publiques de la part du Représentant permanent du Burundi lors de la présentation du rapport de la Commission devant l’Assemblée générale à New-York, a ajouté M. Diène.

Poursuivant cet exposé, Mme Hampson a expliqué que les libertés publiques continuent d’être fortement restreintes au Burundi.  Le 24 octobre 2017, a-t-elle rappelé, le Parlement burundais a adopté un projet de révision de la Constitution visant notamment à modifier la limitation du nombre de mandats présidentiels; le 12 décembre dernier, le Président de la République a lancé une campagne en faveur de ce projet qui sera soumis à référendum en mai 2018 et, dans le discours qu’il a tenu à cette occasion, le chef de l’État a mis en garde « tous ceux qui tenteraient de torpiller ce projet, par la parole ou l’action ».

Complétant cet exposé, Mme Asuagbor a, quant à elle, souligné que le Burundi qui, de pays en voie de développement est redevenu en 2016 un pays d’urgence humanitaire, a vu le nombre de personnes dans le besoin plus que tripler : l’équipe humanitaire pays estime aujourd’hui que 3,6 millions de personnes requièrent une assistance.  En outre, à ce jour, plus de 430 000 Burundais sont réfugiés dans les pays voisins du Burundi.

En tant que pays concerné, le Burundi a indiqué rejeter ce rapport, qui « a la même odeur que celle des précédents rapports qui ne sont que l’émanation d’habituelles allégations et affirmations gratuites et mensongères sur le Burundi ». 

De nombreux intervenants* ont pris part au débat qui a suivi.  Le manque de coopération des autorités burundaises avec les mécanismes internationaux a maintes fois été déploré.   

Le Conseil poursuivra ses travaux demain matin, à compter de 9 heures, en entendant une mise à jour orale du Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur les situations en République populaire démocratique de Corée et en Érythrée, suivie du débat général sur le point de l’ordre du jour consacré aux « situations relatives aux droits de l'homme qui requièrent l’attention du Conseil ». 

Situation des droits de l'homme au Burundi

Exposé oral des membres de la Commission d’enquête sur le Burundi

M. DOUDOU DIENE, Président de la Commission d’enquête sur le Burundi, a indiqué qu’afin de s’acquitter de son mandat, qui est notamment de « dialoguer avec les autorités burundaises et toutes les autres parties prenantes », la Commission avait de nouveau adressé des courriers aux autorités burundaises pour qu’elles partagent toute information pertinente concernant la situation des droits de l’homme dans le pays.  Aussi, M. Diène a-t-il appelé le Burundi à revoir sa position et à s’engager dans un dialogue constructif avec la Commission. 

À ce jour, la Commission a été en mesure de conduire plus de 160 entretiens qui viennent s’ajouter aux 500 entretiens menés l’année dernière, a précisé M. Diène.  Depuis septembre dernier, a-t-il poursuivi, la situation politique, sécuritaire, économique, sociale et des droits de l’homme ne s’est pas améliorée au Burundi.  Les autorités burundaises semblent adopter une attitude de non coopération avec les partenaires internationaux du pays.  Dès l’annonce de l’ouverture d’une enquête par le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale en novembre dernier, le Burundi a annoncé ne pas avoir l’intention de coopérer avec la Cour, alors qu’il y est tenu en vertu du Statut de Rome auquel il était partie jusqu’au 27 octobre 2017, a rappelé le Président de la Commission d’enquête.  Le Burundi a également critiqué le rapport du Secrétaire général des Nations Unies présenté le mois dernier (février 2018) au Conseil de sécurité ; il a en outre rejeté le plan de réponse humanitaire que le Bureau de coordination des affaires humanitaires a présenté le 19 février dernier, considérant que les chiffres avancés dans ce document étaient erronés, a ajouté M. Diène.  Les autorités burundaises ont également contesté les statistiques présentées par le Haut-Commissariat pour les réfugiés dans son plan annuel de réponse régionale pour les réfugiés burundais lancé le 6 février dernier à Genève.  Quant à l’accord de siège entre le Gouvernement burundais et le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, il reste toujours suspendu, une situation qui perdure depuis octobre 2016. 

En octobre 2017, « mon prédécesseur et mes collègues » ont par ailleurs fait l’objet de menaces publiques de la part du Représentant permanent du Burundi lors de la présentation du rapport de la Commission devant l’Assemblée générale à New-York, a indiqué M. Diène.

Poursuivant cet exposé, MME FRANCOISE HAMPSON, membre de la Commission d’enquête sur le Burundi, a expliqué que les libertés publiques continuent d’être fortement restreintes au Burundi.  Une partie importante de l’opposition politique reste en exil, tout comme un grand nombre de journalistes indépendants et de membres d’organisations engagées dans la collecte d’informations sur les violations des droits de l’homme.  À deux exceptions près, les médias suspendus en 2015 le demeurent à ce jour, a-t-elle ajouté. 

Par ailleurs, aucune manifestation autre que celles organisées par le parti au pouvoir n’a pu se tenir depuis le début de la crise politique en avril 2015, a poursuivi Mme Hampson.  Les membres encore présents au Burundi des organisations de la société civile continuent de subir des pressions ou d’être arrêtés, a-t-elle indiqué.  En outre, le 24 octobre 2017, le Parlement burundais a adopté un projet de révision de la Constitution visant notamment à modifier la limitation du nombre de mandats présidentiels ; le 12 décembre dernier, le Président de la République a lancé une campagne en faveur de ce projet qui sera soumis à référendum en mai 2018 et, dans le discours qu’il a tenu à cette occasion, le chef de l’État a mis en garde « tous ceux qui tenteraient de torpiller ce projet, par la parole ou l’action ».  Dans ce contexte, a précisé Mme Hampson, la Commission a reçu de nombreuses informations et recueilli plusieurs témoignages faisant état de cas d’harcèlement et de violence commis par des agents de l’État et/ou des membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir – les Imbonerakure – à l’encontre de personnes susceptibles de voter non ou refusant de s’enrôler sur les listes électorales en vue du référendum. Plusieurs cas d’arrestation et même d’exécution sommaire ou de disparition de membres de partis d’opposition, principalement des Forces nationales de libération-Rwasa, refusant de rejoindre le parti au pouvoir ou soupçonnés de faire campagne contre le projet de révision constitutionnelle ont également été rapportés.  Ces cas s’ajoutent à d’autres violations des droits de l’homme, notamment des arrestations et détentions arbitraires, des tortures et mauvais traitements, des disparitions et des violations des droits à un recours effectif et à un procès équitable, qui viennent confirmer les tendances déjà documentées l’année dernière par la Commission, a souligné Mme Hampson. 

Complétant cet exposé, MME LUCY ASUAGBOR, membre de la Commission d’enquête sur le Burundi, a expliqué que la Commission avait également reçu des informations en provenance de nombreuses sources faisant état d’une multiplication des contributions demandées, parfois de force, à la population par des agents étatiques et des Imbonerakure.  Ces contributions – dont la légalité est dans bien des cas contestable et qui s’ajoutent à des impôts et taxes créés ou accrus depuis 2015 – viennent aggraver le fardeau d’une population dont les conditions de vie n’ont cessé d’empirer depuis avril 2015.  Le Burundi qui, de pays en voie de développement est redevenu en 2016 un pays d’urgence humanitaire, a vu le nombre de personnes dans le besoin plus que tripler, a insisté Mme Asuagbor, précisant que l’équipe humanitaire pays estime aujourd’hui que 3,6 millions de personnes requièrent une assistance et soulignant qu’entre 2014 et 2016, les décès maternels dans les hôpitaux ont augmenté de 135%.

À ce jour, plus de 430 000 Burundais sont réfugiés dans les pays voisins du Burundi, a en outre souligné Mme Asuagbor.  La Commission a recueilli plusieurs témoignages faisant état d’un contrôle accru des frontières afin d’empêcher les Burundais de quitte le pays, a-t-elle indiqué.  Le HCR a noté que les conditions pour un rapatriement de grande échelle respectant les conditions de sécurité et de dignité n’étaient pas en place, a-t-elle fait observer.  La Commission craint pour sa part des risques de violation du principe de non-refoulement si des Burundais ayant fui leur pays pour des raisons politiques étaient rapatriés contre leur gré ou même refoulés à la frontière avec le Burundi.  À ces réfugiés, s’ajoutent 188 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays, a ajouté Mme Asuagbor,

Pays concerné

Le Burundi a commencé par remercier l’ancien président de la Commission d’enquête sur le Burundi, M. Ouguergouz, pour avoir « courageusement démissionné ».  Le Burundi s’est ensuite dit « ébahi » d’entendre la Commission présenter un rapport alors que sa configuration vient de connaître des perturbations, avec un président démissionnaire et une de ses membres, en l’occurrence Mme Reine Alapini Gansou, élue (juge) à la Cour pénale internationale et sa remplaçante nommée le 5 mars dernier seulement.  « Honnêtement, quand est-ce que les enquêtes ayant abouti au présent rapport ont-elles été menées et par quelle personne autorisée », a demandé le Burundi ?

Selon la délégation burundaise, ce rapport « a la même odeur que celle des précédents rapports qui ne sont que l’émanation d’habituelles allégations et affirmations gratuites et mensongères sur le Burundi » ; par conséquent, la délégation burundaise le rejette.  La délégation s’interroge aussi sur la légitimité de cette Commission dans le contexte où, en octobre 2017 – et suite à une recommandation, le mois précédent, émanant de cette même Commission – la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête.  De fait, le Burundi se demande si la Commission est en position juridique d’une commission rogatoire de la CPI.  Sinon, « quelle est la nature et la finalité de son travail », a interrogé la délégation burundaise.

Le Burundi a par ailleurs assuré que son Gouvernement ne ménageait pour sa part aucun effort pour la reprise des activités du bureau du Haut-Commissariat des droits de l'homme au Burundi.  Les négociations sur l’accord de siège vont bon train entre les deux parties, a affirmé la délégation burundaise.  Malheureusement, le langage agressif et dénigrant utilisé par le Haut-Commissaire pour donner du Burundi une image très différente de la réalité n’est pas encourageant, a-t-elle déclaré, ajoutant que le pays avait accueilli avec une forte « indignation » ces propos qui « ne grandissent nullement leur auteur et ne l’aident point à attirer la sympathie ».  L’auteur de ces propos veut malheureusement passer pour un philanthrope universel, pleurant ainsi pour le peuple burundais qu’il n’aime ni ne connaît et pour le Burundi dont il n’a aucune réalité, a insisté la délégation, avant d’appeler le Conseil à se garder de toute politisation et de toute sélectivité et à jouer au contraire son rôle qui est d’améliorer la situation des droits de l'homme dans les pays. 

Débat interactif

L’Union européenne a déploré que le Burundi, membre du Conseil des droits de l'homme, continue de refuser de coopérer avec le mécanisme de la Commission d’enquête.  L’Union a par ailleurs condamné toute menace contre les membres de cette Commission.  Il convient d’assurer la reddition de comptes, y compris devant la Cour pénale internationale (CPI), a en outre souligné l’Union européenne, avant de demander à la Commission davantage d’informations sur l’enquête concernant les violations des droits économiques, sociaux et culturels.  L’Allemagne a également condamné toutes les menaces contre la Commission d’enquête et a prié le Gouvernement du Burundi de coopérer, d’assumer ses obligations et de protéger les libertés fondamentales.  Elle l’a également exhorté à s’engager dans un dialogue constructif et inclusif avec toutes les parties.  L’Allemagne a souhaité savoir comment la Commission évaluait le retour de Tanzanie de plusieurs milliers de réfugiés burundais, au vu de la situation des droits de l'homme.

La Belgique s’est inquiétée de la répression que subissent les acteurs de la société civile et les défenseurs des droits de l'homme au Burundi et a prié le Gouvernement burundais de reprendre la collaboration avec les mécanismes internationaux.  Elle a demandé à la Commission comment elle allait procéder pour documenter les violations des droits de l'homme de façon impartiale et pour protéger les victimes.  Le Danemark s’est dit préoccupé par le manque de coopération du Burundi avec les acteurs internationaux, notamment avec le Conseil des droits de l'homme et la Commission d’enquête.  Le Danemark a ensuite condamné les violations des droits de l'homme, toujours inacceptables, et a déploré que la situation force la population à fuir le pays ou à se déplacer à l’intérieur du territoire.  Le Danemark s’est demandé comment le Conseil pouvait aider au mieux la Commission à s’acquitter de son mandat.  L’Espagne a réitéré son soutien au mandat de la Commission et a pressé le Gouvernement du Burundi de collaborer.  Elle l’a également invité à coopérer avec la CPI et à revenir sur sa décision de s’en retirer.  L’Espagne a par ailleurs encouragé le Gouvernement burundais à mettre en œuvre les recommandations issues de l’Examen périodique universel (EPU).  L’Espagne a souhaité entendre l’avis des membres de la Commission concernant la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels au Burundi, au regard du droit à un niveau de vie correct.  La République tchèque a également regretté que le Burundi n’ait pas collaboré avec la Commission, d’autant qu’il s’agit d’un pays membre du Conseil.  La situation s’est détériorée depuis la présentation du précédent rapport de la Commission, l’an dernier, alors que le Gouvernement burundais a décidé d’organiser un référendum sur la révision de la Constitution.  De l’avis de la délégation tchèque, l’organisation d’un vote crédible est impossible dans le contexte actuel au Burundi.

La Fédération de Russie a noté une tendance à la stabilisation au Burundi, malgré les tentatives des opposants et les attaques contre les infrastructures civiles.  Elle a déploré l’ingérence de parties extérieures pour régler des problèmes complexes et a jugé symptomatique que des pays occidentaux ne cachent pas leurs sympathies pour l’opposition.  Elle a estimé que la question d’un référendum pour amender la Constitution appartient aux Burundais.

L’Australie reste pour sa part très préoccupée par les rapports faisant état de nombreuses violations graves des droits de l’homme qui constitueraient des crimes contre l’humanité et qui auraient été commises par les agents de l’État burundais.  L’Australie a souhaité que le Burundi s’engage à coopérer avec les mécanismes des Nations Unies et protège ceux qui coopèrent avec ces mêmes mécanismes.  La Grèce regrette, quant à elle, le manque de coopération du Burundi avec les mécanismes des Nations Unies, alors que ce pays est membre du Conseil.  La Grèce est en outre préoccupée par les menaces des autorités burundaises à l’encontre des membres de la Commission.  Il faut que toutes les parties concernées participent à un dialogue inclusif pour la réconciliation nationale, a ajouté la délégation grecque.  La France s’est elle aussi dite profondément préoccupée par la persistance des violations des droits de l’homme au Burundi.  Le pays suit avec attention le processus lié au referendum présidentiel.  Selon la Commission, certaines des violations des droits de l’homme au Burundi constituent des crimes contre l’humanité, a relevé la France ; il faut que les auteurs de ces violations répondent de leurs actes. 

La Chine a affirmé que le Gouvernement du Burundi avait déployé des efforts afin de stabiliser la démocratie.  La communauté internationale devrait respecter l’intégrité territoriale et la souveraineté du Burundi, a ajouté la délégation chinoise.  Le Conseil devrait s’abstenir de toute mesure qui pourrait avoir un impact négatif sur la situation au Burundi, a-t-elle également déclaré.  La Syrie a pour sa part rappelé les principes qui appellent au rejet de l’utilisation des droits de l’homme pour s’immiscer dans les affaires internes des pays, affirmant que poursuivre sur une telle voie ne peut que nuire à l’efficacité du Conseil.  La Syrie a par ailleurs salué les efforts de démocratisation de la part des autorités burundaises.  Le Venezuela reconnaît la volonté politique du Gouvernement burundais d’améliorer la situation dans le pays.  Le mandat de la Commission d’enquête met à mal le principe de non-ingérence dans les affaires internes de l’État et remet en cause le principe de l’autodétermination des peuples.  Ce n’est qu’avec un dialogue entre tous les États que la situation des droits de l’homme pourra s’améliorer, a insisté la délégation vénézuélienne.  L’Iran a rappelé sa position de principe contre toute politisation du Conseil.  Il faut prendre en compte les spécificités du pays, a ajouté la délégation iranienne.  Tous les États ont la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour que les droits de l’homme ne soient pas instrumentalisés aux fins de s’ingérer dans les affaires internes des États, a-t-elle insisté.

Les Pays-Bas ont exprimé des préoccupations quant au climat de répression qui s’abat sur les journalistes et la société civile burundais dans le contexte des prochaines consultations électorales.  L’Irlande a souligné à ce propos que le climat politique actuel était peu propice à la tenue d’élections et la Norvège s’est dite préoccupée par le processus d’amendement constitutionnel, qui pourrait avoir des conséquences néfastes sur l’organisation des élections de 2020.

Le Royaume-Uni a exhorté le Gouvernement à coopérer avec les mécanismes des droits de l'homme, à ouvrir un dialogue dans le contexte du projet de révision de la Constitution et à appliquer les dispositions de l’Accord d’Arusha.  La Lituanie s’est inquiétée des tentatives de modifier les dispositions de cet accord, notamment s’agissant des quotas ethniques au sein du Parlement.   

La Suisse s’inquiète de la situation humanitaire au Burundi et des rapports parvenus au Haut-Commissariat aux droits de l’homme faisant état de graves violations des droits de l’homme.  La Suisse suit également avec attention la situation de plusieurs défenseurs des droits de l’homme dont les procès sont pendants devant les tribunaux.  La Suisse encourage le Burundi à coopérer avec la Cour pénale international et regrette la décision du Gouvernement de s’être retirée de cette dernière.  Les États-Unis ont déploré que le Gouvernement burundais continue de commettre de graves violations des droits de l’homme qui pourraient s’apparenter à des crimes contre l’humanité.  Le Gouvernement n’honore pas l’obligation de protéger sa propre population, ont observé les États-Unis, estimant étonnant que le Burundi soit membre du Conseil compte tenu de sa situation des droits de l’homme. 

L’Algérie a encouragé le Burundi à déployer davantage d’efforts afin de promouvoir et de protéger les droits de l’homme, de même qu’à prendre des mesures pour mettre en œuvre ses engagements de lutte contre l’impunité.  Le Burundi doit aussi œuvrer pour la consolidation d’un système politique fondé sur les valeurs de la justice, de la démocratie, du pluralisme et du respect des droits et libertés individuels et collectifs, a ajouté l’Algérie. 

Pour sa part, le Myanmar a félicité le Burundi pour l’adoption de mécanismes en faveur des droits de l’homme.  De meilleurs résultats pourraient résulter d’une coopération renforcée entre les pays au sein du Conseil, a ajouté le Myanmar, qui a estimé que les mandats qui visent un seul pays ne permettent pas un dialogue véritable.  L’Examen périodique universel est le meilleur mécanisme pour aborder la situation des droits de l’homme dans tous les pays, a dit le Myanmar. 

Plusieurs organisations non gouvernementales ont pris part au débat.  Le Service international pour les droits de l'homme a dénoncé les menaces pesant sur les défenseurs des droits de l'homme et les journalistes au Burundi, et l’arrestation de bon nombre d’entre eux.  L’ONG a appelé les autorités burundaises à abroger toutes les lois limitant les droits des défenseurs des droits de l'homme.  CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens a lancé un appel au Burundi pour qu’il libère tous les opposants politiques et cesse ses attaques contre les défenseurs des droits de l'homme.

La Fédération internationale des ligues de droits de l'homme a relevé que les partisans du régime recouraient à la menace et à l’intimidation pour forcer à voter « oui » au référendum de mai 2018.  Il est à craindre que ce scrutin ne s’accompagne de nouveaux heurts, a mis en garde la FIDH.  Inquiète des nouvelles violations des droits de l'homme au Burundi, l’ONG a cité plusieurs personnes détenues arbitrairement pour avoir cherché à exercer pacifiquement leurs droits fondamentaux.  Amnesty International a estimé que l’organisation du référendum devrait intervenir dans un contexte où un débat véritable puisse avoir lieu sans crainte de représailles.  Or, toutes les formes d’opposition au Burundi sont actuellement bâillonnées.  L’ONG a exhorté le Gouvernement à autoriser l’accès sans entrave à tous les observateurs des droits de l'homme régionaux et internationaux, y compris la Commission d’enquête.

La Fédération internationale de l'ACAT Action des chrétiens pour l'abolition de la torture – FIACAT (au nom également de Track Impunity Always - TRIAL / Association suisse contre l'impunite et World Organisation Against Torture) a documenté des assassinats, des disparitions forcées, des arrestations arbitraires et des atteintes à l’intégrité physique commis par et sous le contrôle du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, et les miliciens Imbonerakure en complicité avec certains éléments des forces de l’ordre.  L’ONG a dénoncé la campagne de terreur pour voter « oui » au référendum de mai 2018 sur la révision constitutionnelle.  La situation des défenseurs des droits de l'homme au Burundi reste très préoccupante et l’ONG a salué la décision de rétrograder au statut B des Principes de Paris la Commission nationale des droits de l'homme du Burundi, qui s’est montrée incapable de traiter de ces violations.  L’ONG a appelé le Burundi à mettre un terme à ces violations et à l’impunité et à coopérer avec la Cour pénale internationale.

East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project a dit que cela allait faire bientôt trois ans que le Burundi est plongé dans un climat de peur et de violence.  Presque tous les défenseurs des droits de l'homme et journalistes indépendants ont été contraints à partir en exil ou à vivre dans la peur.  Après avoir condamné les violations flagrantes des droits de l'homme commises par le Gouvernement du Burundi et son refus persistant de coopérer avec les mécanismes des droits de l’homme des Nations Unies, l’ONG a appelé le Conseil à agir, à préserver sa crédibilité et à exhorter le Burundi à respecter ses obligations en tant qu’État membre.

Human Rights Watcha dit recevoir des informations faisant état d’exécutions et d’arrestations arbitraires au Burundi, et laissant aussi craindre que des crimes contre l’humanité auraient été commis dans ce pays.  Quant à l’organisation du référendum, l’ONG a rappelé que de nombreux opposants avaient été passés à tabac, d’autres obligés de s’inscrire sur les listes électorales.  L’ONG a estimé qu’il était temps pour le Conseil d’exclure le Burundi de ses rangs.

Réponses et conclusions des membres de la Commission d’enquête

M. DIÈNE a souligné que, dans le monde globalisé qui est le nôtre, aucun pays ne pouvait affirmer que la question des droits de l'homme relève de son seul ressort.  Tous les pays, dont le Burundi, font partie du système international des Nations Unies et des instruments relatifs aux droits de l'homme.

Les rapports élaborés par la Commission sont fondés sur des informations recueillies auprès de sources dignes de foi, a ajouté M. Diène.  Mais pour que les rapports soient complets, il faut aussi que le groupe d’experts puisse accéder aux sources gouvernementales, a dit M. Diène, insistant sur la nécessité de se rendre sur le terrain au Burundi. 

M. Diène s’est félicité que le Burundi ait participé à l’Examen périodique universel et accepté que des experts internationaux puissent se rendre sur place.  Mais il faudra que le Gouvernement leur donne accès à toute chose nécessaire à leur travail, a-t-il plaidé, expliquant aussi que le travail de ces experts ne pourrait se substituer à celui de la Commission d’enquête.  En tant qu’ancien membre de plusieurs commissions d’enquête internationales, dont celle sur Gaza, M. Diène a dit que chacun des membres de cette commission a compétence et légitimité à en être membre.  De fait, leur expertise, indépendance, objectivité et impartialité ne peuvent être mises en cause, a-t-il estimé. 

M. Diène a dit se réjouir des appels lancés par les délégations au Burundi afin qu’il coopère avec la Commission d’enquête.  Du point de vue de M. Diène, le Gouvernement burundais ne peut pas, d’un côté, critiquer les conclusions des rapports et, de l’autre, refuser l’accès à son territoire pour permettre à la Commission de collecter les informations objectives dont il a besoin pour faire son travail. 

Le Président a ensuite indiqué que le prochain rapport de la Commission traiterait des droits économiques et sociaux qui, selon lui, sont affectés par la situation actuelle au Burundi.  Aujourd'hui, près de 30% de la population vit dans le besoin, a affirmé le Président. 

MME ASUAGBOR a également affirmé que seul un accès au pays et à toute la documentation voulue permettrait de donner une image complète de la situation au Burundi.  Le rejet systématique du mandat de la Commission risque de mener à l’impasse, a mis en garde l’experte.  Elle a précisé que la Commission ne peut en aucun cas être accusée de porter atteinte à la souveraineté du Burundi, étant donné que ce pays a, de façon volontaire, adhéré aux mécanismes internationaux et a ainsi, de fait, renoncé à une partie de sa souveraineté. 

MME HAMPSON a elle aussi insisté sur l’indépendance de la Commission et de ses membres.  S’agissant de ce qui peut être fait pour aider la Commission, Mme Hampson a suggéré que les délégations obtiennent du Burundi qu’il coopère avec elle, y compris en demandant à l’Union africaine de faire pression à cet effet.  Mme Hampson a précisé enfin que le rapport de la Commission était le reflet des informations reçues : or, aucune d’entre elles ne témoigne d’une quelconque amélioration de la situation des droits de l’homme au Burundi.

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* Délégations de pays ayant participé au débat général: Union européenne; Fédération Russe; Allemagne; Belgique; Danemark; Espagne; République tchèque Australie; Syrie; France; Chine; Grèce; Venezuela; Iran; Pays-Bas; Royaume-Uni; Irlande; Lituanie; Norvège; Algérie; Suisse; Myanmar; États-Unis; Service international pour les droits de l'homme; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme ( FIDH); Fédération internationale de l'ACAT Action des chrétiens pour l'abolition de la torture – FIACAT (au nom également de Track Impunity Always - TRIAL / Association suisse contre l'impunite et World Organisation Against Torture); Amnesty InternationalEast and Horn of Africa Human Rights Defenders Project; CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens et Human Rights Watch.