A quel niveau se situent les politiciens, militants et autres activistes Burundais ?
Analyses

@rib News, 14/03/2018

Norbert Zongo : « Un tyran n'a pas d'amis éternels et chaque compromission avec une dictature est toujours payée au prix fort »

Sociétés en crise : le journaliste burkinabé d'investigation Norbert Zongo (photo) a fait une analyse des différentes compromissions politiques qui s'y déroulent. Un cas d’école qui s’applique parfaitement à la situation actuelle au Burundi. A lire et méditer !

« Les peuples comme les hommes finissent toujours par payer leurs compromissions politiques : avec des larmes parfois, du sang souvent, mais toujours dans la douleur. Deux illustres et malheureux exemples de l'heure peuvent être cités en la matière : le Zaïre et le Togo. Ces peuples, subjugués et gémissant sous la férule de tyrans militaires ont malheureusement leur part de responsabilité dans le drame qu'ils vivent.

En Afrique, la compromission des peuples s'effectue à 3 niveaux

Le 1er niveau

est constitué d'intellectuels opportunistes qui se servent de leurs connaissances livresques pour aider les dictateurs à donner un contour idéologique et politique à leur tyrannie... Le tyran peut voler, tuer, emprisonner, torturer... il sera défendu, intellectuellement réhabilité par des "cerveaux" au nom de leurs propres intérêts. Résultat : la plupart de ces intellectuels finissent par s'exiler, ou sont froidement exécutés ou "se suicident" en prison. Les plus heureux sont ceux qui sont dépouillés de leurs biens et de leurs privilèges avant d'être jetés en pâture au peuple... Un tyran n'a pas d'amis éternels

Le 2ème niveau

est constitué par les opposants de circonstance. Ils se battent et entraînent des hommes sincères avec eux avant de rejoindre l'ennemi d'hier, avec armes et bagages, surtout avec la liste des opposants sincères. Résultat : ils bénéficient des grâces du tyran pendant quelques temps avant d'être éjectés, emprisonnés ou tués... Un dictateur n'a confiance en personne, surtout pas en un ancien opposant.

Le 3ème niveau

est constitué des "indifférents". Les "pourvu que", la pure race des égoïstes myopes (pourvu que mon salaire tombe, pourvu que je n'aie pas d'ennuis, pourvu que rien n'arrive à ma famille...). Comme nous le disait un brave ami togolais dans les années 1980 : "pourvu que les bateaux continuent de venir au port, Eyadema peut faire ce qu'il veut. On le laisse avec DIEU" - notre ami est actuellement réfugié à Cotonou et les bateaux mouillent toujours au large de Lomé. Résultat : personne n'échappe à une dictature lorsqu'elle s'installe dans un pays.

Comme le dit la sagesse populaire, chaque peuple a le régime qu'il mérite. Et chaque compromission avec une dictature est toujours payée au prix fort. La règle ne souffre pas d'exception. »

Norbert ZONGO, Le sens d'un combat, in L'Indépendant, Edito N°00 du 03 Juin 1993

NdlR : Norbert ZONGO est le plus illustre des journalistes burkinabés, assassiné le 13 décembre 1998 alors qu’il enquêtait sur la disparition suspecte du chauffeur d’un frère du président Blaise Compaoré.