« Les Burundais meurent et Nkurunziza s’amuse comme un enfant gâté »
Politique

Le Monde, 21.03.2018

Pour notre chroniqueur, le « guide suprême éternel » s’inscrit dans la lignée des dictateurs qui peuplent l’imaginaire des Africains, de Bokassa à Jammeh.

Chronique. Certains chefs d’Etat autoritaires sombrent dans le délire au point de se prendre pour des superhéros, mais aussi, hélas, de s’amuser avec la vie de leurs concitoyens.

Le président burundais, Pierre Nkurunziza, est de ceux-là : ses faits d’armes prêteraient à sourire si des milliers d’innocents n’étaient pas morts de son seul fait. Enfermé dans un autoritarisme teinté de mysticisme, le numéro un burundais, récent lauréat d’un « prix Mandela du courage politique » décerné par un obscur cercle de réflexion basé en France, fait vivre l’enfer à son peuple depuis sa réélection controversée, en 2015, qui a plongé le pays dans une crise ayant fait des centaines de morts et plus de 400 000 réfugiés.

Le Burundi s’enfonce dans la misère. Les Burundais meurent et Nkurunziza, s’il ne les fait pas tuer ou arrêter, s’amuse comme un enfant gâté. Dimanche 11 mars, il a été élevé par son parti, le CNDD-FDD, au rang de « guide suprême éternel », première marche vers une autre quête d’éternité : le président vient en effet de signer un décret organisant un référendum, le 7 mai, qui pourrait lui permettre de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034. Une victoire du « oui » est hautement probable car il n’y a pas de réel contre-pouvoir en face du satrape de Bujumbura et de ses rêves d’éternité.

Deux à trois matchs par semaine

Très croyant, l’homme s’occupe des mœurs de ses concitoyens. Il organise des séances de prêche appelant à la moralisation dans le pays. Par exemple, les couples en union libre ont été appelés à « régulariser » leur situation.

Il a fait arrêter récemment deux membres de son parti pour « complot contre le chef de l’Etat ». Leur tort : avoir recruté deux joueurs qui ont rudoyé le président lors d’un match de foot. On apprend même que le chef de l’Etat, connu pour son amour du ballon rond, joue deux à trois matchs par semaine avec son équipe, l’Alléluia FC…

Ramant à contre-courant de l’époque qui voit la démocratie et le pluralisme avancer sur le continent, Pierre Nkurunziza s’inscrit dans la lignée des dictateurs qui peuplent l’imaginaire des Africains. Bokassa s’était fait introniser empereur. Amin Dada appelait Nixon « mon frère », Mobutu faisait croire à son peuple qu’il descendait du ciel. Enfin, plus récemment, Yahya Jammeh prétendait soigner le sida. Liste non exhaustive…

Comme eux jadis, M. Nkurunziza se couvre de ridicule par des titres pompeux et se fend de déclarations grandiloquentes contre de prétendues menaces extérieures, tout en exerçant une violence sur son peuple. Comme eux, il considère son pouvoir issu du divin. Denise, son épouse, elle-même pasteure, vient d’ailleurs d’affirmer que ce n’est pas le peuple qui choisit ses dirigeants, mais Dieu.

Par Hamidou Anne (chroniqueur Le Monde Afrique)

Hamidou Anne est un consultant en communication institutionnelle sénégalais qui vit à Dakar. Il est également coauteur de l’ouvrage collectif Politisez-vous !.