La question des réfugiés enjeu politique majeur pour le pouvoir burundais
Politique

PANA, 26 mars 2018

Vers la fin de la guerre des chiffres entre Bujumbura et le HCR sur les réfugiés burundais ?

Bujumbura, Burundi - L’harmonisation des chiffres sur le nombre exact de réfugiés burundais de la crise autour des élections controversées et émailles de violences de 2015 fait partie des points à l’ordre du jour de la 20ème réunion de la commission tripartite, regroupant le Burundi, la Tanzanie et le Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR), ouverte, mardi, à Bujumbura, pour trois jours, a-t-on appris de différentes sources impliquées.

Le gros des réfugiés est actuellement basé en Tanzanie, un pays qui avait encore donné asile à plus d’un demi-million d’exilés lors des deux grandes guerres civile de 1972 et de 1993 au Burundi.

Le pouvoir burundais préconise un recensement pour que la question des réfugiés ne continue pas à faire l’objet de manipulations par ceux qui ne veulent pas croire que la situation de crise est terminée dans le pays, sans toutefois convaincre les partenaires internationaux, en témoignent leurs nombreux rapports alarmants qui ne tarissent pas.

Le représentant adjoint du HCR en Tanzanie, Soufiane Adjali, a tenté d’apaiser le climat de la tripartite, en exhortant les participants à s’atteler plutôt à trouver des solutions au défi de réinsertion socioprofessionnelle et économique de futurs rapatriés dans les communautés d’origine, elles-mêmes « démunies ».

Les chiffres actualisés du HCR et qui ne font pas l’unanimité à Bujumbura font état de 427.959 réfugiés burundais, dont 241.375, rien qu'en Tanzanie, soit 58,7% du total, 89.167au Rwanda (20,8%), 46.783 en République démocratique du Congo (RDC, 10,9%) et 40.634 en Ouganda (9,5%).

Un plus petit nombre de demandeurs d’asile burundais a trouvé temporairement refuge au Kenya, en Zambie, au Mozambique, au Malawi et en Afrique du Sud, selon toujours le HCR.

La question des réfugiés est devenue un enjeu politique majeur pour le pouvoir burundais qui est taxé par ses opposants de la minimiser ou encore de faire dans le « déni des réalités » pour masquer les affres de la crise de bientôt trois ans sur les citoyens.

Bujumbura s’en défend et accuse à son tour le HCR de faire de la question, un « fonds de commerce », comme cela est encore ressorti de la dernière déclaration officielle, publiée à Bujumbura, à la veille de la tripartite.

La déclaration était principalement dirigée contre le récent rapport de Doudou Diène, président de la Commission onusienne d’enquête sur la situation des droits de l’homme au Burundi.

 « Les propos avancés par la commission ne font que rejoindre le HCR et l’Office des Nations unies pour les affaires humanitaires (OCHA) dans la manipulation des chiffres à laquelle s’adonnent ces deux organisations onusiennes à des fins qu’eux-mêmes connaissent », souligne la déclaration.

 « Au moment où le Gouvernement se félicite du retour d’environ 200.000 réfugiés déjà enregistrés et d’autres qui s’ajoutent au jour le jour, il y a lieu de s’interroger sur l’origine du chiffre de 430.000 réfugiés présentés dans le rapport par Monsieur Doudou Diène », charge la même source.

La déclaration met au défi le diplomate d’origine sénégalaise de « préciser la provenance géographique de ces prétendus réfugiés, si on lui demandait les provinces, les communes ou les villages de leurs origines respectifs. Il s’agit donc d’un chiffre fantaisiste », soutient la déclaration.

Dans la même déclaration, le Gouvernement « se félicite de la volonté des réfugiés de rentrer massivement dans leur pays, jusqu’à forcer la réticence du HCR qui tient à les garder en otage, une réticence due aux spéculations liées au financement assuré en majorité par l’Union Européenne, et les réfugiés ayant été transformés en fonds de commerce, ce qui explique les chiffres gonflés publiés par ces prétendus humanitaires ».

L’Union européenne entretient également des rapports tendus avec le pouvoir burundais, accusé de manque de volonté pour résorber la crise politique et des droits humains par un dialogue inclusif et sincère avec son opposition.

Le « rapport Doudou Diène » affiche encore « un excès de zèle exceptionnel, en avançant le chiffre de 188.000 Burundais qui seraient, quant à eux, des déplacés intérieurs » de la crise de bientôt trois ans.

« Le nombre de déplacés intérieurs ne dépasse pas 78.948 personnes vivant dans des villages de paix aménagés par le Gouvernement, auxquels s’ajoutent quelques 4.000 personnes déplacées suite aux catastrophes naturelles liées aux pluies diluviennes de 2015-2016, soit un total de 82.948 personnes », rectifie la déclaration officielle.

Le mois passé, le HCR a lancé, depuis Genève, en Suisse, un appel de 391 millions de dollars américains qui sont nécessaires pour aider les réfugiés burundais « tombés dans l’oubli ».

Pour l’agence spécialisée des Nations unies, les faibles niveaux actuels de financement ne permettent pas aux pays voisins du Burundi d’offrir une aide, pour le moment « en deçà des normes humanitaires acceptables», surtout que les rations alimentaires ont été réduites dans de nombreux pays d’accueil, reconnaît le HCR.

Selon toujours le HCR, « à peine 21 pour cent des fonds nécessaires pour les réfugiés burundais ont été mobilisés, ce qui la place au rang de l’intervention en faveur de réfugiés la moins bien financée au monde».

Concernant les solutions durables, le HCR préconise la poursuite des efforts en vue de parvenir à « une solution réelle et durable » à la crise burundaise.

Dans l’état actuel des choses, le HCR s’attend à ce que plus de 50.000 personnes supplémentaires ne viennent accroître les rangs des réfugiés burundais cette année.