RDC : dans le camp de Mulongwe, des Burundais sans perspective d’avenir
Sécurité

RFI, 08-04-2018

Pour son troisième jour de visite en RDC le Haut commissaire pour les réfugiés des Nations unies s'est rendu ce samedi auprès de réfugiés burundais, sur le site de Mulongwe dans le Sud-Kivu. Un site ouvert en novembre dernier, pour désengorger le camp de Lusenda, totalement saturé, alors que les réfugiés continuent d'arriver. Entre septembre et février dernier, le HCR en a encore enregistré plus de 500 réfugiés burundais par mois.

Un groupe d'hommes et de femmes brandissent aux yeux des visiteurs une fine natte de couchage déchirée. « Regardez cette natte, c'est tout ce qu'on nous donne et c'est là-dessus que nous dormons ! » La fatigue se lit sur les visages. Avant d'être hébergés ici, la plupart de ces réfugiés ont patienté des mois dans un centre de transit, dans des conditions inhumaines.

« Moi j'étais même à l'extérieur du centre de transit parce qu'il n'y avait plus de place à l'intérieur, raconte Emma, mère de six enfants. J'y ai passé quatre mois. Des enfants sont morts dans ces conditions. »

A Mulongwe, Emma a au moins pu se construire une petite maison en torchis grâce à un kit du HCR. Bientôt certaines familles devraient aussi se voir allouer des terres à cultiver avec l'aide du gouvernement. Mais l'argent manque, au point qu'en février dernier le PAM a revu à la baisse son aide alimentaire.

« Avant on nous donnait des rations de 15 dollars et maintenant le montant a été réduit à 12 dollars par personne, témoigne une autre femme rencontrée dans le camp. C'est impossible de s'en sortir comme ça. On ne peut pas joindre les deux bouts. »

Les habitants partagent avec ces réfugiés, école et centre de santé même si ce territoire est loin d'être épargné. En fin d'année, des affrontements entre des milices ont éclaté à quelques kilomètres de là. « La situation s'est calmée. Mais ici beaucoup voudraient que la Monusco soit plus présente pour les protéger. »

Le référendum burundais inquiète

Alors quid du retour au pays pour ces Burundais qui voient leurs conditions de vie, déjà précaires, se dégrader ? L’idée n’est à pas l’ordre du jour, d’autant que la perspective du référendum constitutionnel de mai prochain, qui pourrait permettre au président Nkurunziza de rester au pouvoir jusqu'en 2034, n'est pas pour rassurer.

Jeannette a fui le Burundi en septembre dernier. Ce jour-là, dit-elle, ils ont été des centaines à avoir décidé de quitter sa province de Cibitoke. « Nous avons fui les enlèvements. Au Burundi, aujourd'hui tu peux être avec ton mari la nuit, et des gens viennent te prendre pour te jeter dans la rivière ou dans le lac. C'est ça qui nous a poussés à fuir. »

Avec le référendum qui s'annonce et qui pourrait permettre une fois encore au président Nkurunziza de rester au pouvoir, la crainte parmi les réfugiés, c'est que de voir la crise s'enliser pour de longues années. « Le référendum n'est qu'une mise en scène, assure un homme du camp. Cela montre seulement que le président veut continuer à s'accaparer le pouvoir. Il ne veut pas partir. En apparence tu peux croire que le Burundi est en paix mais en réalité c'est une guerre froide, on peut venir te prendre n'importe quand. »

Sami, lui, vient de Bujumbura, et sans changement à la tête du pays, pas question pour lui  de rentrer. Pour avoir décidé de quitter son pays, il se sent encore plus menacé. « Si je rentre j'ai peur d'être tué. A Bujumbura on ne nous considère pas comme des réfugiés mais comme des rebelles. » Sami assure pourtant qu'il n'appartenait à aucun parti et qu'en 2015, il n'avait pas manifesté.

90 000 réfugiés burundais sur le sol congolais

Alors que la RDC a décidé de ne pas participer à la conférence de donateurs prévue à Genève la semaine prochaine, le gouverneur du Nord Kivu a plaidé que pour la population locale qui accueille ces réfugiés ne soit pas oubliée par le HCR.

« Ces réfugiés partagent presque tout avec la population locale. Ils vont aux mêmes écoles, aux mêmes structures de santé. Ils cultivent les mêmes champs, a-t-il expliqué au Haut commissaire. Je vous demande d'appuyer aussi les habitants pour que leur cohabitation pacifique puisse être raffermie. » Plaidoyer « entendu », a répondu Filippo Grandi avant de saluer « l'hospitalité des Congolais ». Au total, selon le HCR, la RDC accueille plus de 540 000 réfugiés sur son sol dont environ 90 000 civils Burundais.