L’espace médiatique se rétrécit au Burundi en campagne pour le référendum
Politique

PANA, 05 mai 2018

Burundi : Six mois de suspension à «BBC» et «VOA» et mise en garde à RFI pour «manquements graves»

Bujumbura, Burundi - Le Conseil national de la communication (CNC, organe étatique de régulation des médias) a rendu publique, vendredi, une décision mettant en garde «Radio France internationale» (RFI), une autre suspendant les émissions de la «British broadcasting corporation (BBC-Londres)" et de la «Voix de l’Amérique» (VOA) pendant six mois, à partir du 7 mai, pour «manquements à la loi régissant la presse et à la déontologie professionnelle» au Burundi.

L’espace médiatique se rétrécit au moment où la classe politique burundaise est en pleine effervescence, les uns pour promouvoir le « Oui », les autres pour faire triompher le « Non » au référendum constitutionnel du 17 mai prochain, en prélude aux élections générales de 2020.

RFI s’en sort avec une mise en garde suite au traitement « tendancieux et mensonger » récent selon lequel il y aura emprisonnement de toute personne qui exprimera un vote négatif au référendum en question.

C’est dans le même contexte électoral tendu que la BBC écope, quant à elle, de six mois de suspension pour des propos jugés « déplacés, exagérés, non vérifiés, diffamatoires, portant atteinte à réputation du chef de l’Etat, incitant à la haine ethnique, au conflit politique et à la désobéissance civile », suite à une plainte du gouvernement burundais, précise le CNC.

Les opposants au régime burundais concentrent leur campagne sur l’intention supposée du chef de l’Etat sortant de vouloir les réformes constitutionnelles pour se maintenir au pouvoir au-delà de 2034, si le projet de la nouvelle Constitution venait à être plébiscitée, notamment dans la disposition qui introduit un septennat renouvelable une fois.

Le président burundais est arrivé au pouvoir par le suffrage universel indirect des parlementaires, en 2005, puis au suffrage universel direct de la population, respectivement en 2010 et en 2015.

Dans le même communiqué du CNC, BBC-Londres est encore accusée d’avoir fait fi de la mise en garde lui envoyée, le 16 mars et priant le diffuseur britannique de « tenir toujours compte des principes d’équilibre de l’information, de la vérification rigoureuse des sources, chaque fois qu’elle traite l’information sensible sur le Burundi».

VOA, pour sa part, est accusée d’avoir violé les dispositions de la loi sur la presse en diffusant des émissions sur une fréquence qui lui avait été refusée par le CNC depuis septembre 2017.

La station américaine doit encore payer pour le recrutement d’un journaliste recherché par la Justice burundaise dont le mandat d’arrêt est encore en vigueur, charge le CNC.

En plus de ce manquement, la VOA a diffusé, «dans ses éditions du 4, 5, 17 et 26 avril, des informations très tendancieuses et contraires aux règles de la profession portant préjudice aux relations du Burundi avec les Nations Unies et poussant, de l’autre côté, à la haine politique».

Le communiqué du CNC laisse la latitude aux médias incriminés de faire recours devant la Cour administrative et réitère son engagement à continuer la promotion et l’encouragement d’une presse «libre, objective et surtout responsable» au profit du public.

Les radios britannique et américaine réservaient des tranches d’informations et d’émissions très suivies en Kirundi, la langue nationale des Burundais, contrairement à leur consœur RFI, diffusant en français et prisée plutôt par les élites intellectuelles.

L’espace médiatique nationale, quant à lui, s’est également rétrécit, la plupart des médias privés indépendants ayant été détruits physiquement ou obligés de fermer dans la crise politique autour des élections controversées et émaillées de violences de 2015.

Radios «Isanganiro» (Carrefour, en langue nationale, le kirundi) avait été autorisée à réémettre  après plus de deux ans de fermeture dans le même contexte de crise électorale.

Le CNC est revenu, vendredi, à la charge pour la mettre en garde de n’avoir pas respecté son cahier des charges en matière de «vérification rigoureuse des sources d’information et du respect des grilles des émissions».

La même mise en garde a été adressée à la radio de la Chambre de commerce et d’industrie du Burundi (CCIB Fm Plus) qui se remettait à peine d’une longue période de suspension pour avoir outrepassé sa ligne éditoriale en traitant des questions politiques.

De l’avis des commentateurs, le CNC a quelque peu équilibré ses sanctions par la suspension des annonces et publicités dans le Journal officiel, «Le Renouveau du Burundi», également à partir du 7 mai.

Le quotidien gouvernemental est accusé d’avoir diffusé des annonces et publicités en anglais alors qu’il est supposé travailler uniquement en langue française, conformément au cahier des charges qui le lie au CNC.

Les Burundais ont encore la marge de manœuvre de s’informer via les réseaux sociaux qui ne leur garantissent pas néanmoins une information toujours fiable dans un pays rompu aux manipulations, à la diffamation et aux rumeurs par ces temps de crise socioèpolitique, de l’avis général des spécialistes des nouveaux médias.

Les smartphones sont les principaux supports qui offrent la possibilité de suivre en ligne les différentes radios et télévisons libres, animées par des journalistes burundais en exil, non sans risque pour les internautes de se faire inquiéter, rapportent souvent les quelques médias locaux encore actifs dans le pays.