Burundi/Référendum : des frondeurs de l’opposition appellent à voter "Oui"
Politique

PANA, 10 mai 2018

Burundi : les divisions s’accentuent au sein de l’opposition à une semaine du référendum constitutionnel

Bujumbura, Burundi - Un représentant autoproclamé des « cadres et intellectuels » d’« Amizero y’Abarundi » (Espoir des Burundais, en français), Révérien Niyimpa, est entré dans l’arène jeudi pour appeler à voter « Oui », depuis Ngozi, dans le Nord du Burundi, au référendum constitutionnel du 17 mai, pendant que le leader populiste de cette principale coalition de l’opposition intérieure, Agathon Rwasa, maintenait le cap sur le vote négatif depuis Rutana, plus au sud du pays, ont rapporté des correspondants de presse locaux.

Le Conseil national pour la défense de l’accord inter-burundais d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix, la réconciliation et l’Etat de droit (Cnared, principale plateforme de l’opposition en exil), quant à lui, appelle au boycott du référendum qui « viole la loi et au-delà duquel aucun dialogue ne sera plus possible » sur le contentieux électoral aujourd’hui encore mal résolu de 2015.

Du côté de l’opposition intérieure, le chef de file des frondeurs dit avoir analysé «intellectuellement et minutieusement » les différents articles proposés à l’amendement dans la nouvelle Constitution.

A la fin, « nous avons trouvé que les réformes constitutionnelles proposées visent le développement socio-économique, le renforcement de la démocratie et de la souveraineté nationale », a-t-il justifié l’appel au « Oui ».

Une semaine avant, cette dissidence s’était révélée au public à travers une conférence de presse dans un grand hôtel de Bujumbura, poussant le chef de file de l’opposition à introduire une plainte auprès de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) pour « usurpation des pouvoirs ».

La dissidence est, en outre, apparue longtemps après la clôture de la liste des 27 partis politiques et coalition autorisés par la Ceni à battre campagne, fustige, par ailleurs, M. Rwasa, en même temps premier vice-président de l’Assemblée nationale encore en activité.

L’opposant proteste encore contre l’accès inéquitable aux médias publics qui feraient la part belle à la mouvance présidentielle, plus soudée derrière le « Oui » à la nouvelle Constitution amendant celle de 2005, notent les observateurs.

Les détracteurs des réformes en cours craignent surtout pour le sort de l’Accord inter-burundais d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, ayant mis fin à plus d’une décennie de guerre civile à caractère ethnique.

La Constitution de 2005 est une émanation de l’accord d’Arusha qui avait su stabiliser le pays par un partage du pouvoir jugé « plus équitable », dans des proportions de 60%, pour la majorité ethnique des Hutu, et 40%, pour la minorité Tutsi.

Le président de l’Assemblée nationale, et l’un des membres du collège des sages du Conseil national pour la défense de la démocratie/Forces de défense de la démocratie (Cndd-Fdd, parti au pouvoir), Pascal Nyabanda, animait, mercredi, un meeting au nord de Bujumbura où il est revenu sur le respect toujours d’actualité de l’accord d’Arusha dans la nouvelle Constitution, « au-delà même des attentes » de l’opposition.

Les quotas ethniques prévus dans l’accord d’Arusha se retrouvent « plus qu’intégralement » dans la nouvelle Constitution en s’étendant, en plus de l’exécutif, au pouvoir judiciaire, a-t-il martelé devant une foule de militants et sympathisants acquis à la cause du « Oui ».

Nombreux sont les observateurs qui ne doutent pas de la victoire du « Oui » au référendum constitutionnel du 17 mai prochain qui mettra aux prises une opposition en ordre dispersée et une mouvance présidentielle plus soudée derrière le projet, porté à bout de bras, par l’actuel chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza.

Lors du lancement de la campagne référendaire, le 2 mai dernier, le Président Nkurunziza n’avait pas caché qu’il votera « Oui » et appelé les membres de son parti à en faire autant, « au nom de la souveraineté nationale ».

La Constitution de 2005 avait été l’un des principaux obstacles au troisième quinquennat du président sortant lors des élections générales de 2015.

Le projet de la nouvelle Constitution change la donne en introduisant un septennat présidentiel « renouvelable une fois » et auquel l’actuel chef de l’Etat aura la latitude de se représenter lors des prochaines élections générales de 2020.

Depuis 2015, le Burundi est entré dans une grave crise politique, consécutive à la candidature du président sortant à un troisième mandat, jugé contraire à la Constitution et à l’Accord d’Arusha, jusque dans son propre camp.