Burundi : D’autres enjeux derrière le référendum constitutionnel
Politique

PANA, 13 mai 2018

La légitimité du pouvoir et la popularité de l’opposition parmi les enjeux du référendum en vue au Burundi

Bujumbura, Burundi - Une victoire massive du « Oui » au référendum constitutionnel du 17 mai conférerait plus de légitimité à l’actuel pouvoir, tandis que le triomphe du « Non » redonnerait un second souffle à une opposition en perte de vitesse depuis son boycott des élections controversées et émaillées de violences de 2015, de l’avis général des analystes à Bujumbura. [Photo : Meeting de la coalition Amizero y’abarundi d’Agathon Rwasa à Cibitoke, le 13 mai 2018.]

Les deux camps sont incarnés par l’actuel président burundais, Pierre Nkurunziza, et le chef de file de l’opposition, Agathon Rwasa, dans un climat encore marqué par le contentieux électoral de 2015.

Le projet des réformes constitutionnelles est, lui aussi, contesté aussi bien localement qu’au niveau international, sans que le pouvoir ne cède pour autant.

Le président burundais a lancé, tambours battants, la campagne officielle du référendum constitutionnel, le 2 mai dernier, sur un appel à voter « massivement oui ».

Le chef de l’Etat est réapparu en public, cette semaine, pour retirer sa carte d’électeur et pour réitérer le même appel à voter « Oui » à ses réformes constitutionnelles dont la plus marquante est le passage du quinquennat au septennat présidentiel.

Un certain nombre de partis, proches de la mouvance présidentielle, battent également campagne pour le « Oui » à ce référendum qui devrait encore clarifier la question floue des mandats présidentiels dans la Constitution de 2005 en cours d’amendement.

En 2015, la victoire du président sortant avait été entachée par une insurrection populaire contre sa candidature à un troisième mandat, jugé encore contraire à l’accord inter-burundais d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix et la réconciliation, y compris dans son propre camp.

Le chef de file de l’opposition, Agathon Rwasa, quant à lui, a repris du poil de la bête en multipliant inlassablement les meetings depuis le lancement officiel de la campagne référendaire, drainant des foules compactes à chaque passage.

En 2015, le vieux routier de la politique nationale et ancien chef rebelle avait appelé au boycott des élections de 2015, ce qui ne l’a pas empêché de se retrouver « bizarrement » élu, avec en prime, le poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale, se souvient-on dans l’opinion.

Le ton critique de l’opposant aux meetings électoraux ne le met néanmoins pas à l’abri des détracteurs qui lui prêtent un « double jeu », d’une part pour ses propres intérêts, d’autre part, pour le pouvoir dans lequel il émarge jusqu’à la prochaine législature de 2020.

Les mêmes détracteurs se demandent si l’opposant bat réellement campagne pour le référendum constitutionnel qui semble « perdu à l’avance », au regard des moyens illimités dans le camp du pouvoir, ou alors s’il s’investit à fond pour la présidentielle de 2020 et l’une des ses dernières occasions de prendre la revanche après avoir couru après le pouvoir depuis les années 1990.

Au Burundi, l’insécurité est un autre paramètre de la vie politique depuis que le pays a accédé à la souveraineté nationale vis-à-vis du Royaume de Belgique, en 1962.

Dans la nuit de vendredi à samedi, une attaque armée non revendiquée a obscurci la campagne du référendum constitutionnel à Cibitoke, une province du nord-ouest du pays où on a dénombré 26 villageois tués en plein sommeil et sept autres blessés.

Le ministre de la Sécurité publique et de la Prévention des catastrophes, le Général Alain Guillaume Bunyoni, a parlé d’un « acte terroriste » dont les auteurs se sont repliés à l’est de la République démocratique du Congo voisin.

Le responsable gouvernemental a promis de traquer les assaillants jusque dans leur dernier retranchement, avec l’aide des autorités congolaises.

On ignore pour le moment s’il y a un lien direct entre le référendum et l’attaque armée, en l’absence de toute revendication et au regard des condamnations tous azimuts, y compris par l’opposition qui avait toutefois avisé sur un "référendum de tous les dangers".