Burundi : le bal des autruches
Politique

La Libre Belgique16 mai 2018

Les Burundais sont appelés aux urnes ce jeudi pour adopter des modifications – nombreuses – de la Constitution de 2005, dont le socle est l’Accord de paix d’Arusha, qui avait mis fin à la guerre civile Hutus-Tutsis (1993-2005), qui fit 300 000 morts, essentiellement civils.

“Pour adopter” est l’expression juste puisque les déclarations menaçantes des autorités, les violences de la milice Imbonerakure du parti au pouvoir et celles de la police ont bien fait comprendre aux citoyens que non seulement ils ne pouvaient voter “non” sans être considérés comme hors la loi, mais que même s’abstenir leur était interdit.

Dans la pratique, les changements vont accroître les pouvoirs du Président et de son parti, mais aussi légaliser des violations de la Constitution actuelle.

Ce désir de légitimation, contredit par une pratique référendaire dépourvue d’équité et d’honnêteté, est à l’image du régime. Dirigé par un chef d’Etat qui se croit élu de Dieu, il s’est enfermé dans un autoritarisme ubuesque et ses principales figures semblent avoir perdu le contact avec la réalité. En avril dernier, le Président a ainsi limogé son ministre des Affaires étrangères, Alain-Aimé Nyamitwe, jugé responsable de la mauvaise image du pays à l’extérieur, pour le remplacer par Ezechiel Nibigira… ancien patron des Imbonerakure, dont les 100 000 membres sèment la terreur dans tout le pays!

Le Burundi s’enfonce dans la peur et la misère, mais l’Onu et l’Union africaine réagissent faiblement ou pas du tout, faisant semblant de croire qu’un “dialogue” interburundais amènera la solution, alors que Bujumbura le refuse depuis juillet 2015, assurant qu’il n’y a pas de crise. Et celle que vivent les 432 000 réfugiés burundais est la moins financéede la planète, dit le Haut commissariat aux réfugiés. Le monde attendra-t-il une aggravation de la tragédie pour cesser de faire l’autruche?

Commentaire par Marie-France Cros.