Burundi : un référendum qui devrait donner les pleins pouvoirs à Nkurunziza
Politique

RFI17-05-2018

Au Burundi, quelque 4,8 millions d'électeurs sont appelés aux urnes ce jeudi 17 mai pour un référendum constitutionnel très contesté, et qui devrait permettre au président Pierre Nkurunziza de rester au pouvoir jusqu'en 2034. Le pouvoir et ses soutiens assurent que l'accord d'Arusha, qui a ouvert la voie à la fin de la guerre civile qui a fait plus de 300 000 morts au tournant du XXe siècle, restera le socle de la Constitution du Burundi. L'opposition, elle, parle de l'enterrement pour ce texte fondamental pour le pays.

Au niveau de la forme, ce sont quelque 70 articles qui ont été modifiés, le bouleversement est plus profond, selon les spécialistes.

L'accord d'Arusha qui a inspiré la Constitution actuelle dit que nul ne peut diriger le Burundi plus de 10 ans. Le projet qui est soumis au référendum ce jeudi devrait permettre au président Pierre Nkurunziza de briguer dans deux ans deux nouveaux mandats de sept ans. Il aura alors passé 29 ans à la tête de ce pays.

Autre profond changement : l'accord d'Arusha a prévu un partage du pouvoir entre Hutu et Tutsi, qui a été retranscrit dans la Constitution actuelle. Les quotas ethniques, 50-50 dans l'armée et la police, 60% pour les Hutus et 40% pour les Tutsis au gouvernement et au Parlement sont maintenus, ces chiffres seront même étendus à la magistrature et les sociétés publiques.

Mais le très redouté Service national de renseignement, qui dépend directement du président et qui est considéré comme l'un des bras armés de son régime ne sera plus tenu de respecter ces quotas.

Et pour partager politiquement le pouvoir avec son opposition, le président était tenu de mettre dans le gouvernement des représentants de tous les partis ayant obtenu plus de 5% des voix aux législatives et les lois devaient être adoptées à la majorité qualifiée des deux tiers au Parlement. Tout ça est abrogé, le président et son parti pourront désormais diriger seuls le pays.

Enfin, le président ne sera poursuivi que pour le crime de haute trahison, il va diriger le gouvernement malgré la création d'un poste de Premier ministre, son vice-président tutsi n'aura aucun pouvoir.

Mais surtout, le président sera le maître absolu du pouvoir législatif. Une loi adoptée par le Parlement deviendra caduque s'il ne la promulgue pas dans les 30 jours qui suivent.

Nkurunziza tout puissant

En mars 2014, le CNDD-FDD, pourtant ultra-majoritaire à l'Assemblée, voit sa proposition de réforme de Constitution rejetée d'une petite voix. Nous sommes à un an et demi de la présidentielle, Pierre Nkurunziza ne peut officiellement pas se représenter, l'accord d'Arusha et la Constitution burundaise ne prévoient que deux mandats.

Mais il s'obstine. Un an plus tard, en 2015, il est investi candidat à la présidentielle. La Cour Constitutionnelle pourrait constituer un nouvel obstacle, son vice-président prend la fuite dénonçant des pressions, mais la candidature est validée. Tout est pourtant encore loin d'être gagné. Pierre Nkurunziza, candidat, fait face à une coalition plutôt rare au Burundi, ses ennemis héréditaires, les ex-rebelles hutus des FNL et le principal parti tutsi, l'Uprona, ont décidé de lui barrer la route alors que les manifestations se multiplient dans la capitale. Un coup d'Etat raté en mai 2015 servira de prétexte à une répression que la CPI dénonce comme sanglante.

Au moins 1 200 Burundais sont morts depuis et plus de 400 000 autres ont dû trouver refuge dans des pays voisins. L'opposition, la société civile et les médias deviennent les cibles du régime et s'exilent. Pierre Nkurunziza, intraitable, refuse tout dialogue avec ses détracteurs de l'extérieur. Et faisant fi des critiques de la communauté internationale, quatre ans après sa première tentative, le chef de l'Etat burundais est à la veille aujourd'hui de réussir à imposer son projet de révision constitutionnelle.